
La chambre régionale des comptes d’Auvergne-Rhône-Alpes a procédé au contrôle du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (CHUGA) pour les exercices 2018 à 2022, en veillant à intégrer les données les plus récentes. Un premier rapport concerne la gestion du CHUGA dans son ensemble et comprend des développements concernant le dialogue social pour les besoins d’une enquête des juridictions financières sur ce sujet. Un second rapport est consacré aux urgences hospitalières, effectué dans le cadre d’une enquête menée conjointement par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ayant pour objet la qualité du service rendu par les services des urgences.
Pour accéder à ces deux rapports et à la réponse du CHU cliquer ici.
Voici la synthèse du rapport sur les urgences qui décrit une situation bien connue et inquiétante :
« Le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (CHUGA), premier établissement de santé du département de l’Isère, gère plusieurs services d’accueil des urgences (SAU), à destination des adultes et des enfants, situés en périphérie de Grenoble Alpes Métropole et à Voiron : un SAU adultes (dit SAU Nord) et un SAU pédiatrique (dit SAU HCE pour hôpital couple enfants) sur le site principal du CHUGA sur la commune de La Tronche, un SAU
spécialisé dans la traumatologie sur le site Sud à Echirolles, et deux SAU adultes et pédiatrique sur le site du centre hospitalier de Voiron. Plusieurs filières de soins spécialisés, qui ne sont pas des services d’accueil des urgences au sens de la loi, prennent également en charge des urgences souvent vitales : le déchocage pour les urgences vitales chirurgicales, l’unité de soins intensifs cardiaques, la filière accident vasculaire cérébral (AVC), les urgences gynécologiques et obstétriques, et les urgences ophtalmologiques. Le rapport est centré sur les trois SAU de
l’agglomération grenobloise.
La dégradation des SAU est le reflet de celle du système de santé dans son ensemble.
Ainsi, les carences de l’offre de soins non programmés, notamment la nuit, les difficultés de recrutement aboutissant à la fermeture des autres services d’urgences du territoire la nuit, ou encore le nombre insuffisant de lits d’aval, surtout pour les personnes les plus fragiles (personnes âgées polypathologiques ou personnes présentant des troubles psychiatriques), ont des conséquences sur l’activité des urgences.
Sur le bassin de vie grenoblois, le CHUGA occupe une place singulière en matière d’urgences puisqu’il gère la plupart des services et qu’il est le seul établissement à avoir maintenu un accueil aussi large sur la période. L’accessibilité des soins la nuit repose en grande partie sur lui.
En 2018, les situations de crises affectant les urgences étaient liées aux périodes d’épidémies saisonnières, mais dès 2019, le phénomène de crise est devenu permanent, avec un engorgement massif du SAU Nord. Le phénomène est plus mesuré pour les deux autres SAU qui connaissent malgré tout des difficultés.
Après avoir connu une baisse du nombre de passages en 2020 du fait de la crise sanitaire, l’activité des SAU a augmenté pour dépasser en 2022 le niveau de 2019, puis redescendre en 2023. Cette évolution est légèrement différente pour le SAU Nord dont l’activité n’a pas retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire, le nombre de passages baissant légèrement pour ce service.
Cependant, malgré le nombre de passages en légère baisse, la durée de présence et le nombre de patients présents aux urgences explose, notamment au SAU Nord, service qui cristallise toutes les difficultés des SAU. Un tiers des séjours dépasse désormais les 12 heures, dont 9 % plus d’une journée, le temps de présence des patients au sein du service augmentant fortement, ce qui révèle une activité encore plus lourde que ne laisse voir le nombre de passages.
Cette augmentation sans précédent des temps de présence aux urgences tend à rapprocher le SAU Nord d’un service d’hospitalisation classique alors même qu’il n’est pas prévu pour ce type de prise en charge. Ainsi les locaux, le matériel et les procédures de travail ne permettent pas des conditions d’accueil en hébergement correctes, qui soient à la fois conformes des points de vue de la sécurité, de la qualité des soins et de l’éthique des soignants.
Ces conditions d’accueil dégradées pèsent sur la pénibilité du travail des soignants. Si l’effectif de l’équipe paramédicale est maintenu, ce n’est pas le cas de l’effectif médical qui apparaît particulièrement bas en 2022, avec seulement 49 % des postes pourvus. Cette carence de médecins entraine une spirale de dégradation difficile à enrayer.
Autre fait marquant pour le SAU Nord, la part de patients présentant des troubles psychiatriques augmente fortement pour aboutir à 2 516 passages en 2023. La part de personnes âgées est également plus élevée que dans la population.
Pour autant, l’établissement a mis en place de nombreuses actions et a fait preuve d’agilité pour adapter son fonctionnement. Des actions concernant le flux amont des urgences ont permis de faire baisser le nombre de passages, à l’image du service d’accueil de santé (SAS), nouvelle modalité d’organisation de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), pour lequel l’Isère a été département expérimentateur. Si quelques freins sont encore à lever, le SAS permet d’offrir une réponse à des demandes de soins pouvant attendre l’ouverture des cabinets médicaux.
L’organisation interne a été ajustée à de multiples reprises, avec un effort pour développer l’accueil et l’orientation des patients, des aménagements pour dégager du temps médical et du temps soignant, et pour mieux prendre en charge les patients psychiatriques.
Concernant l’accueil des patients en aval des urgences, l’unité d’hospitalisation de courte durée est engorgée par des séjours qui dépassent les 24 heures d’observation normalement requis, ce qui ne lui permet plus de jouer son rôle de tampon entre les urgences et les services. Une cellule de gestion des lits « bed management », a été créée et permet d’améliorer les hospitalisations des patients. Pour autant le manque de lits d’aval en interne est un problème majeur. Le CHUGA a pu ouvrir vingt places de post-urgence fin 2022-début 2023, mais aucune autre ouverture n’a eu lieu depuis et le nombre de lits autorisés mais non-opérationnels reste élevé.Les carences de l’offre de soins psychiatriques pénalisent également les urgences, ainsi que les difficultés en matière de transport sanitaire. »