
La Quadrature du net après avoir dénoncé les dérives de l’algorithme de notation utilisé par la CAF pour sélectionner les personnes à contrôler, aborde la question des contrôles CAF réalisés sur signalements policiers. Utilisée par la police comme arme de répression sociale et politique, cette pratique symbolise l’instrumentalisation par l’État des administrations sociales à des fins de contrôle.
« Au problème politique que soulève l’utilisation d’une institution sociale à des fins de répression policière s’ajoute le fait que cette pratique souffre d’une absence d’encadrement. Ces « signalements » sont réalisés en dehors de tout cadre judiciaire et n’ont, dans les faits, pas à être motivés par la police. Ceci génère un risque de recours aux « signalements » à des fins de harcèlement policier.
Qui plus est, cette procédure est particulièrement opaque. La personne contrôlée n’a ainsi pas connaissance du fait que ses déclarations devant la police, lors d’une garde-à-vue par exemple, peuvent être transmises à la CAF, alors que cette possibilité entre en contradiction avec le principe du secret de l’instruction. Également, en cas de « signalement », la personne visée ignore que son contrôle résulte d’une demande de la police et n’a pas accès aux informations communiquées à la CAF.
En retour, les abus sont inévitables, comme le montrent les témoignages que nous avons collectés. Outre leur utilisation à des fins de répression politique, un contrôleur nous a ainsi témoigné avoir assisté à un cas de signalement pour soupçon de « fraude à l’isolement » visant une femme ayant déposé une plainte pour violences conjugales. Autrement dit, il a été demandé à la CAF de vérifier la composition du foyer déclaré pour s’assurer que la victime avait bien déclaré vivre avec son agresseur, et la sanctionner en cas d’omission. Ajoutons, enfin, que ces contrôles risquent de cibler les plus précaires et les habitant·es des quartiers populaires, un point sur lequel nous revenons ci-après…
- Une pratique déloyale
La CAF est la première institution sociale à se saisir pleinement des possibilités offertes par la loi LOPSSI2. En 2013, elle signe un protocole avec la police nationale visant à préciser les modalités d’application de la LOPSSI2 L’objectif est de créer un cadre visant à « intensifier les collaborations » entre les deux institutions en vue de « susciter des signalements ».
Un document annexé au protocole et intitulé « procès-verbal type protection sociale » retient l’attention. Co-rédigé par la CAF et la police nationale sur le modèle d’un procès-verbal policier classique, il contient une dizaine de questions portant notamment sur la composition du foyer, le patrimoine, les ressources et les «constatations faites lors des perquisitions ou surveillance », soit l’ensemble des informations nécessaires aux services de contrôle de la CAF.
Ce « procès-verbal type protection sociale » signe tant l’aboutissement d’un processus de rationalisation administrative – les questions à poser sont pré-écrites par la CAF et la police n’a qu’un seul document à transmettre à la CAF – que le caractère déloyal de la pratique des signalements. La personne interrogée sur sa base, et ce dans le cadre d’une procédure quelconque, ne sait pas que les réponses qu’elle apporte seront transmises à la CAF en vue d’un contrôle. En d’autres termes, elle ignore la finalité des questions qui lui sont posées par les services de police.
Ajoutons à cela que si un signalement est effectué suite à ses déclarations, elle n’en est pas informée. Cela signifie en particulier qu’elle n’a pas connaissance des informations dont dispose le ou la contrôleur·se, un manque de transparence venant compliquer toute contestation des éléments qui peuvent lui être reprochés… »
Que se passe t’il à la CAF de Grenoble ?
Mots-clefs : police, répression, social