Responsabilités en matière d’hébergement des personnes en difficulté

Publié le 15 avril 2016

conseil d'étatDans un arrêt du 30 mars 2016 n°382437, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les obligations des départements en matière d’hébergement des personnes en difficulté.

Il rappelle « qu’il résulte des dispositions précitées des articles L.121-7 et L.345-1 du code de l’action sociale et des familles que sont en principe à charge de l’Etat les mesures d’aide sociale relatives à l’hébergement des familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, à l’exception des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu’elles sont sans domicile, d’un soutien matériel et psychologique, dont la prise en charge incombe au département au titre de l’aide sociale à l’enfance… »

Ce qui est intéressant dans cet arrêt c’est que le département peut se retourner contre l’Etat mais ne peut pas refuser l’aide. « Cette compétence de l’Etat n’exclut pas l’intervention supplétive du département lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l’exigent, par des aides financières versées en application de l’article L.222-3 précité du code de l’action sociale et des familles ; que, dès lors, et sans préjudice de la faculté qui lui est ouverte de rechercher la responsabilité de l’Etat en cas de carence avérée et prolongée, un département ne peut légalement refuser à une famille avec enfants l’octroi ou le maintien d’une aide entrant dans le champ de ses compétences, que la situation des enfants rendrait nécessaire, au seul motif qu’il incombe en principe à l’Etat d’assurer leur hébergement »…
Le Conseil d’Etat considère « que lorsque, comme dans le cas d’espèce soumis aux juges du fond, un département a pris en charge, en urgence, les frais d’hébergement à l’hôtel d’une famille avec enfants, il ne peut, alors même qu’il appartient en principe à l’Etat de pourvoir à l’hébergement de cette famille, décider de cesser le versement de son aide sans avoir examiné la situation particulière de cette famille et s’être assuré que, en l’absence de mise en place, par l’Etat, de mesures d’hébergement ou de toute autre solution, cette interruption ne placera pas de nouveau les enfants dans une situation susceptible de menacer leur santé, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation… »

Exemple d’une décision de la nouvelle majorité du Conseil départemental de l’Isère concernant l’aide sociale à l’enfance, qui supprime des droits humains, dénoncée par le CISEM le 23 mars (à lire ici)

« La réforme de l’aide sociale à l’enfance par la nouvelle majorité du Conseil Départemental de l’Isère : une interprétation restrictive des droits humains.
Nous dénonçons le vote majoritaire du Conseil Départemental de l’Isère de sombres mesures qui vont peser dans les secteurs de la prévention spécialisée, de l’aide aux jeunes majeurs, des allocataires du RSA avec l’incitation au “principe de réciprocité”, et ici, de la protection de l’enfance. Lors du dernier conseil départemental, cette majorité a voté un avenant au règlement départemental de l’aide sociale à l’enfance discriminatoire, anti social et hors la loi.

Le code de l’action sociale et des familles était pensé comme la garantie d’un socle de droits inaliénables pour les mineur.e.s et leurs familles. Ces derniers viennent pourtant d’être remis en cause par la récente réforme votée le 25 février dernier au Conseil Départemental de l’Isère. L’aide financière aux familles en grande précarité sera dorénavant limitée pour certain-es et supprimée pour d’autres.

Pour exemple :
L’ancien règlement Départemental de l’Aide Sociale à l’Enfance de l’Isère précisait :
“Les personnes de nationalité étrangère bénéficient de ces prestations, dans les mêmes conditions que les personnes de nationalité française, sans avoir à justifier d’un titre de séjour sur le territoire français. […] Les articles L. 222-2, L. 222-3 et L.222-4 du Code de l’action sociale et des familles définissent les allocations mensuelles comme des prestations d’aide à domicile apportant un soutien matériel aux mineurs et à leur famille […] Elles sont incessibles et insaisissables.”

L’avenant du nouveau règlement Départemental de l’Aide Sociale à l’Enfance de l’Isère adopté le 26 février 2016 dit :
“Les ménages qui n’ont pas de droit au séjour en France sont éligibles au titre du CASF aux aides pour l’enfant. Ces aides seront versées dans l’intérêt premier de l’enfant en nature”

Alors que les aides mensuelles et les secours d’urgence constituaient les seules ressources de centaines de familles en Isère, l’amendement au règlement départemental de l’Aide Sociale à l’Enfance voté le 26 février en commission permanente acte :

  • la suppression des aides financières pour au moins 440 familles et leur renvoi vers les associations caritatives pour une hypothétique réponse « en nature » à leurs besoins élémentaires (alimentation, produits d’hygiène…).
  • la réduction à quatre versements maximum par an pour toutes les autres les familles précaires de droit commun.

Les conséquences sur les familles précaires
Nous pouvons déjà prévoir :

  • Une augmentation de la précarité et la nécessité pour survivre de recourir, entre autre, à la mendicité, tant décriée par ailleurs.
  • Une déshumanisation des bénéficiaires des aides financières par la négation de leur autonomie, de leur capacité à exercer des choix, ruinant ainsi toute démarche d’insertion… »

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