La SEMOP, un cheval de Troie du privé dans le service public

Publié le 19 mai 2017

A la métropole, certains élus proposent de créer une SEMOP pour gérer les parkings en ouvrage, au lieu de choisir la gestion en régie ou en SPL comme le propose la majorité municipale de Grenoble. Il serait aussi acceptable de confier cette gestion à une SEM à condition que son actionnariat comprenne moins de 20 % de parts au privé. Cette proposition de SEMOP est inacceptable au vu des inconvénients développés ci-dessous.

La société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) a été mise en place par la loi du 1er juillet 2014, suite à une proposition de la commission européenne de créer une forme de « partenariat public privé institutionnalisé » (PPPI).

Il s’agit de mélanger dans une seule société de droit privé le pouvoir adjudicateur (collectivité publique) et un opérateur économique pour gérer soit une délé­gation de service public (DSP), une concession de travaux, une concession d’aménagement ou un marché public. Contrairement à toutes les autres formes de relations entre une collectivité publique qui passe un contrat avec un organisme extérieur après mise en concurrence, où les deux contractants restent indépendants l’un de l’autre, la SEMOP réalise le mélange des deux privant la collectivité de sa liberté durant la durée de la société. Il s’agit de choisir de mettre en place une société de droit privé où la collectivité publique peut être minoritaire (contrairement aux SEM classiques) pour réaliser une opération unique, la société prenant fin à l’issue de l’opération.

La part du public dans le capital de la SEMOP doit être d’au moins 34% et au plus 85 %.

Les grands groupes privés se sont lancés rapidement dans ce type d’opération (notamment pour gérer le service de l’eau) comprenant tout l’intérêt de cette nouveauté qui leur fait courir beaucoup moins de risques que les DSP classiques.

Le Conseil d’Etat a émis un avis critique sur une telle construction où c’est la création de la société qui est le sujet de la mise en concurrence et non seulement le contrat.

« Dès lors, l’introduction dans le droit français d’une formule de « PPPI » au stade de la passation, c’est-à-dire avant la conclusion du contrat, nécessiterait une modification substantielle de l’ensemble des textes applicables. Dissociant le candidat initial et la personne retenue pour conclure le contrat, elle n’irait pas sans difficultés au regard des principes de valeur constitutionnelle et des impératifs communautaires qui viennent d’être rappelés.

Cela aurait en outre comme conséquence que les obligations devant figurer au contrat lui-même n’engageraient pas pleinement le candidat retenu, et lui seul, mais passeraient directement à la charge d’une entité distincte incluant le pouvoir adjudicateur. L’intégrité du contrat, qui constitue une garantie essentielle au profit de la personne publique responsable de la mission ou du projet, ne serait pas assurée comme l’exigent les règles en vigueur en matière de commande publique. »

Pour indiquer que c’est bien le choix de l’actionnariat de la SEMOP et non le contrat qui est le cœur de la mise en concurrence, le code de justice administrative a été modifié pour prendre en compte cette nouveauté (article L. 551-1) :

« le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique. »

Contrairement aux SEM classiques, l’objet unique de la SEMOP ne peut pas être modifié pendant toute la durée du contrat. La SEMOP ne peut pas prendre de participation dans une société commerciale (pas de création de filiale).

Le Président du Conseil d’administration est un représentant de la collectivité publique mais il n’est pas indiqué dans la loi qu’il est désigné en tant que président par la collectivité ce qui peut le rendre responsable personnellement de l’activité de la SEMOP, contrairement au président d’une SEM qui y est au titre de la collectivité publique.

Alors que la puissance publique peut toujours résilier un contrat pour un motif d’intérêt général, dans le cas de la SEMOP ce n’est plus possible ou beaucoup plus difficile.

Contrairement aux autres contrats publics-privés, la SEMOP n’a pas d’autonomie par rapport au contrat, elle n’a qu’une fonction d’institutionnalisation dudit contrat. Le contrat n’est pas « détachable » de la société.

L’inconvénient majeur dans le cas d’une délégation de service public c’est qu’il n’y a pas transmission du risque économique au délégataire puisque c’est la collectivité qui prend elle-même à son compte ce risque dans la construction de la SEMOP. La collectivité ne peut raisonnablement pas intervenir contre son partenaire ayant conclu un mariage étroit avec lui.

Dans le cas d’une DSP classique, la collectivité ne participe pas à l’exécution du contrat alors qu’elle y participe dans la SEMOP.

Comme l’ensemble de la gestion de la SEMOP est tournée vers la réalisation de l’opération unique (gestion d’un service public par exemple), il y a un grand risque que les élus membres du conseil d’administration soient considérés comme intéressés à l’affaire et comme pour les conventions règlementées dans une SEM ils soient obligés souvent de s’abstenir de voter, sinon leur responsabilité personnelle pourrait être engagée.

Pour bien gérer le service public des parkings en ouvrage les outils exitent : soit de le faire en régie soit de le confier à une SPL dont les actionnaires publics seraient les collectivités intéressées : Métro, villes de Grenoble et de la Tronche (où existe un stationnement payant) et le SMTC (parkings relais) ou bien à une SEM dont les actionnaires privés auraient moins de 20 % du capital afin de créer une quasi-régie, ce qui éviterait une mise en concurrence pour le contrat de délégation et une grande souplesse dans l’évolution du service ce qu’interdirait une SEMOP.

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