Vœux du Conseil municipal du 10 février 2020

Publié le 14 février 2020
©Ville de Grenoble

Lors du dernier conseil municipal du mandat, deux vœux ont été émis en direction du gouvernement. Le premier concernant la réforme des retraites qui mettra lourdement à mal notamment les retraites des agents des collectivités, demande au gouvernement de surseoir à cette réforme qui est rejetée par une grande majorité de Français-es et d’associer les collectivités locales à l’élaboration d’un nouveau projet de réforme.
Le deuxième s’adresse à la ministre de la Santé et l’ARS (Agence régionale de santé) pour que le Groupe Hospitalier Mutualiste reste dans le secteur non lucratif. Les deux vœux n’ont pas été votés par la droite et Carignon.

Premier vœu présenté par Pierre Mériaux pour la majorité municipale : « Un système de retraites plus juste, une réforme réellement négociée, c’est possible ! »

Le projet de réforme des retraites présenté par le premier ministre de la République française le 11 décembre 2019 a provoqué, à Grenoble comme dans toute la France, une vive inquiétude de la population et des syndicats représentants les salarié-es. En témoignent les très importantes mobilisations populaires qui agitent l’agglomération et le pays depuis plusieurs mois, en contestation de ce projet de réforme. Ce projet de loi vise, dans le verbe, à uniformiser les régimes spéciaux et à mettre en place un système par point supposément plus juste. Les résistances et inquiétudes concernent plusieurs points distincts du projet de réforme :

D’abord le calcul des droits sur l’ensemble de la carrière, qui aurait pour conséquence une fragilisation des plus précaires et notamment des femmes qui sont surreprésentées dans les carrières hachées et à temps partiel. Loin de favoriser la justice sociale, ce projet de loi ne ferait donc qu’aggraver les inégalités, qui n’ont jamais été aussi grandes dans notre pays.

L’étude toute récente de l’Observatoire français des conjectures économiques, sortie début février, qui évalue les effets des politiques fiscales du gouvernement entre 2018 et 2020 est sans appel : sur trois ans, la hausse des revenus des 5 % les plus riches atteint 2 950 euros en moyenne alors que la perte pour les 5 % les plus pauvres sera de 240 euros. L’écart dépasse donc 3 000 euros en faveur des plus aisé-es, sachant par ailleurs que ce sont les 0,1 % les plus riches, ceux et celles qui ont une fortune en actifs financiers, qui sont les plus gros-ses gagnant-es.

Rappelons également que selon l’INSEE la pauvreté est également en train gagner du terrain : le taux de pauvreté a progressé de 14,1 % à 14,7% entre 2017 et 2018, ce qui signifie que 400 000 personnes ont basculé sous le seuil de pauvreté et que la France compte désormais 9,8 millions de pauvres.

Ensuite, c’est l’inégale répartition pointée par l’économiste Thomas Piketty. En effet les plus hauts salaires (plus de 10 000 euros par mois) ne cotisent que 2,8% contre 28% pour les autres. Le manque à gagner pour l’État est estimé à 3 milliards d’euros par un autre économiste, Michael Zemmour. L’injustice de cette partition est un danger pour le contrat social français et contrevient à l’idée d’une redistribution équitable après une vie de labeur.

Il faut ajouter que l’argument central qui justifie cette réforme qu’est la hausse du nombre de retraité-es et donc l’inéluctable baisse des pensions est fallacieux. En effet des sources de financement diverses peuvent être mobilisées pour améliorer la stabilité financière de ce système. Citons par exemple la proposition émise par la CGT : il suffirait selon le syndicat d’augmenter la cotisation de 4,4 euros par mois pour un salaire de 2000 euros pour maintenir le niveau de pension. Dans un souci de concorde républicaine, les plus riches, qui font l’objet d’une généreuse attention de la part du gouvernement comme peut en témoigner la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, pourraient être d’avantage mis à contribution pour maintenir, voire augmenter le niveau des petites pensions.

La ville de Grenoble et son CCAS, s’inquiètent donc de ce projet de réforme, qui ne leur permettrait plus de garantir une retraite décente à leurs 4000 agent-es. Le projet de réforme actuel, va en effet paupériser une majorité de ces agent-es au moment de quitter la collectivité, alors même que leur situation se dégrade déjà grandement du fait de la non augmentation du point d’indice depuis 2018. De plus, la ville de Grenoble est très engagée pour l’égalité salariale : la réforme des retraites, avec les différences majeures de carrière entre femmes et hommes va mettre à mal ce travail de longue haleine du fait des différences de carrières, bien souvent plus hachées chez les femmes, que le système actuel gomme par la prise en compte des meilleures années de la carrière. Le passage à un calcul sur la carrière entière va grandement pénaliser les agentes, qui sont déjà en moyenne moins bien rémunérées.

La remise en cause du système de retraite mutuel vers un système individualisé s’inscrit dans une offensive globale de casse des services publics, de nos biens communs : dans les hôpitaux, dans l’enseignement, dans les transports avec la SNCF, à l’Université, dans la fonction publique territoriale et dans bien d’autres secteurs.

Lorsqu’on a travaillé toute sa vie, il faut avoir droit au repos et à la sécurité. La jeunesse doit pouvoir avoir foi dans l’avenir pour s’épanouir. La solidarité entre les générations doit rester notre horizon commun.

Pour toutes ces raisons, le Conseil municipal décide :

  • de demander au gouvernement de surseoir à cette réforme des retraites rejetée, comme en témoignent de nombreuses enquêtes d’opinion, par la grande majorité des Français-es en engageant une véritable concertation de fond avec les représentant-es des salarié-es et à plus forte raison avec l’ensemble de la population, pour arriver à une réforme qui n’érode pas les acquis sociaux de la nation, issus du programme du Conseil National de la Résistance.
  • de demander que les collectivités locales, actrices majeures de l’emploi public en qualité d’employeuses, au contact direct des agent-es de la fonction publique territoriale et des salariés des collectivités, dont la situation se précarise depuis trop longtemps déjà, et dont les retraites sont maintenant menacées par cette réforme, soient associées à cette concertation. Ce travail au plus près des agent-es permettra que leurs situations, variables entres les catégories et échelons, soient correctement prises en compte pour une réforme allant vers plus d’égalité et de solidarité. »

A noter que ce vœu n’a été voté ni par les élus de droite ni par A Carignon (« non inscrit ») montrant qu’ils étaient en accord avec Macron sur cette politique ultralibérale qui va détruire encore plus les acquis du programme du Conseil national de la résistance (15 mars 1944).


Le deuxième vœu était présenté par P. Bron et amendé par la majorité municipale, ni la droite, ni Carignon ne l’ont voté : « Groupe Hospitalier Mutualiste : Pour l’obligation du maintien d’une offre de soins et de santé accessibles à toutes et tous 

Le Groupe hospitalier mutualiste, qui comprend la clinique mutualiste des Eaux-Claires, la clinique d’Alembert, et le centre Daniel-Hollard, est en projet de cession et pourrait passer au privé lucratif…

Adréa, principale mutuelle actionnaire au sein du GHM est à l’initiative de cette décision. Selon les chiffres qu’elle met en avant, le groupe accuserait un déficit structurel qui serait en partie causé par la prise en charge intégrale des dépassements d’honoraires, qui ne sont pas répercutés sur les patients.

Aujourd’hui le groupe hospitalier mutualiste de Grenoble est un établissement de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) exemplaire, reconnu pour la qualité de ses soins, pour ses plateaux techniques performants, pour ses équipes interdisciplinaires, pour ses innovations, pour son inscription dans les partenariats locaux, ses urgences. C’est véritablement un acteur majeur de la permanence des soins.

Si ces cliniques sont cédées au privé lucratif, il ne restera plus sur notre territoire, comme établissement de santé, outre le CHU, que des cliniques privées lucratives sans concurrence. Dans ces conditions cette décision de céder le GHM au privé lucratif est en contradiction totale avec la doctrine mutualiste qui préconise la différenciation avec les assureurs privés et la qualité des soins pour tous notamment les populations les plus fragiles.

Le Groupe hospitalier mutualiste de Grenoble regroupe aujourd’hui 1 200 salariés, et 200 médecins. Ces personnels sont à juste titre inquiets sur l’avenir d’une clinique qui risque d’obéir d’abord à des objectifs de rentabilité financière.

Une pétition qui a déjà recueillie 11000 signatures, réclame le maintien sur l’agglomération grenobloise, d’une réponse complémentaire au privé lucratif notamment en termes d’accessibilité financière et de non dépassement d’honoraires.

Une résistance s’organise. Des habitant.e.s et des salarié.e.s prennent une initiative inédite : se constituer en coopérative (SCIC : société coopérative d’intérêt collectif) qui pourrait reprendre le GHM. Il faut du temps pour construire une telle alternative c’est pourquoi il est important que des pressions soient faites sur la mutuelle Andréa pour que le projet de cession soit repoussé.

Le président de la Métropole a assuré qu’il ne laisserait pas le GHM tomber aux mains du privé lucratif, quitte à préempter si une telle vente est enclenchée.

Nous savons, Monsieur le Maire, que vous êtes sensible à ce dossier puisque vous êtes déjà intervenu en interpellant l’ARS pour faire part de vos craintes. Celle-ci ne vous a donné aucune garantie, ajoutant qu’il s’agissait d’une affaire entre acteurs privés.

Par ce vœu, le conseil municipal de Grenoble demande au Ministère de la santé et à l’Agence Régionale de Santé d’agir pour que dans le cadre du projet de cession du Groupement Hospitalier Mutualiste :

  • toutes les offres provenant du secteur privé non lucratif soient retenues dans les sélections des dossiers
  • que la candidature finale retenue soit un acteur du secteur privé non-lucratif, qui s’engage à garder le statut d’ESPIC afin de maintenir une offre de soins accessible à toutes et tous, la participation à la permanence des soins, la qualité des services proposés et la qualité de la prise en charge actuelle, ainsi que la qualité de l’équipement et des équipes. »

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