Le contrat d’engagement républicain : exigeant pour les associations et difficile à appliquer pour les collectivités.

Publié le 4 février 2022
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France urbaine, l’association des élu-es des grandes villes et métropoles, a rédigé le 25 janvier, une note montrant les difficultés à appliquer cette nouvelle exigence qui s’impose dès le 1er janvier 2022.

La loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021 prévoit que toute association ou fondation subventionnée par des fonds publics soit signataire d’un contrat d’engagement républicain (CER), dont le contenu a été déterminé par un décret du 31 décembre 2021.Une circulaire ministérielle, du même jour, visait à introduire la possibilité, pour les préfets, de demander la suspension de l’exécution d’un acte d’une collectivité qui porterait gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics.

En signant le CER, une association s’engage notamment à :

  • respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République (article 2 de la Constitution) ; 
  • ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
  • s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public.

France Urbaine remarque : « Sur l’engagement n°2 du CER concernant la liberté de conscience, il est indiqué que l’association ou la fondation s’engage à respecter et protéger la liberté de conscience de ses membres et des tiers, notamment des bénéficiaires de ses services, et s’abstient de tout « acte de prosélytisme abusif » exercé notamment sous la contrainte, la menace ou la pression. Certes, en droit, le prosélytisme n’est pas interdit mais strictement encadré : il s’agit d’une notion au carrefour des libertés fondamentales, largement inspirée des décisions des juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) mais peu définie en droit français. 
 

France urbaine avait conséquemment proposé de réécrire cet engagement dans une version intégrant des conditions de validité cumulatives ou alternatives (« prosélytisme systématique, actif et contraignant ») voire d’en changer le qualificatif (« prosélytisme agressif ») sur la base de la sémantique juridique européenne assez autonome en la matière. Avec le choix du gouvernement, le juge administratif risque d’avoir des lectures variées selon les cas d’espèce, au risque de multiplier les contentieux entre une association et une collectivité et/ou l’Etat. 


De même, sur l’engagement n°6 (respect de la dignité de la personne humaine), il est indiqué que l’association ou la fondation s’engage à n’entreprendre, ne soutenir, ni cautionner aucune action de nature à porter atteinte à la sauvegarde de la dignité de la personne humaine(…). Elle s’engage à ne pas créer, maintenir ou exploiter la « vulnérabilité psychologique ou physique » de ses membres et des personnes qui participent à ses activités à quelque titre que ce soit, notamment des personnes en situation de handicap, que ce soit par des pressions ou des tentatives d’endoctrinement.


A l’examen, ces prescriptions semblent être trop floues pour être appliquées et applicables et sont susceptibles de générer là aussi des recours contentieux pour les personnes publiques quant à l’interprétation du degré de contrôle qu’elles doivent porter sur les associations recevant une subvention publique. En effet, si les termes juridiques de « vulnérabilité psychologique ou physique » se basent sur l’état du droit en matière de dérives sectaires, il aurait été opportun de les préciser davantage pour éviter des interprétations fluctuantes ou divergentes selon les situations… »

France urbaine estime que le déféré suspension laïcité peut aussi viser les vœux et pas seulement les délibérations :
« Attention aussi aux vœux qu’une assemblée délibérante peut formuler sur toute question d’intérêt local échappant à sa compétence, et par lesquels elle demande à une autre autorité de prendre une mesure relevant de sa compétence. 
Mais le champ d’application de ce nouveau déféré-suspension ne se limite pas aux actes transmis dans le cadre du contrôle de légalité, comme les décisions implicites de rejet ou d’acceptation. Le gouvernement met l’accent sur le contrôle que doivent exercer les préfets sur les collectivités : ils doivent être vigilants « quant aux actes de certaines collectivités territoriales pour lesquelles vous auriez identifié la nécessité de renforcer votre contrôle ».

Et à propos des atteintes graves : « Ce sera même à la jurisprudence de définir les contours de ces atteintes graves. En annexe de cette circulaire figurent des éléments précieux pour appréhender ce que pourraient recouvrir ces atteintes. 

On y retrouve les menus dans les cantines, les horaires d’accès aux piscines selon le sexe, le financement des associations culturelles, l’installation des crèches de Noël dans les bâtiments publics, autant de sujets qui ont largement fait débat ces dernières années.

Le dispositif apparaît au total assez complexe d’application et soumis à une appréciation juridique des plus délicates et subtiles. D’autant que, dès le début de ce débat, les associations d’élus avaient souligné la « disproportion » de ce dispositif au regard du nombre de cas susceptibles de le déclencher : selon les services de l’État eux-mêmes, on en compterait à peine une dizaine par an… »

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