
La préfète de l’Isère refuse à nouveau des documents dérangeants au commissaire enquêteur Gabriel Ullmann.
A la suite de ses différents recours (voir notre article ici), Gabriel Ullmann s’était étonné de voir que les préfets de l’Isère successifs faisaient très souvent appel au même avocat de Lyon, Me Antony Pinto, même pour des contentieux où nombre de préfets faisaient appel uniquement à leurs services. Voulant en savoir davantage, il a demandé en juillet 2024 au préfet de l’Isère de lui adresser tous les mandats de paiement au bénéfice de Me Anthony PINTO, avocat au barreau de Lyon, pour les années 2019 à 2024.
Il finit par recevoir une réponse, accompagnée d’une extraction du logiciel de comptabilité de la préfecture fortement caviardée et dans laquelle il manquait plusieurs années. Qu’on en juge :

L’étonnement de Gabriel Ullmann n’en fut que plus vif et cette façon d’agir amplifia ses vives interrogations. Aussi, il redemanda par courriel en date du 19 septembre 2024, de lui adresser les pièces comptables, aisément extraits du logiciel de comptabilité (au nom du fournisseur PINTO). A savoir : tous les mandats de paiement au bénéfice de Me Anthony PINTO, avocat au barreau de Lyon, pour les années 2019 à 2024.
En absence de réponse, il a saisi la CADA le 29 octobre 2024, qui a donné un avis favorable à la totalité de sa demande en date du 17 décembre 2024. La commission a rappelé à cette occasion sa doctrine sur cette question : « La commission précise, en outre, que les mandats de paiement émis par l’administration pour assurer le règlement des factures de l’avocat ne doivent pas, quant à eux, être regardés comme des correspondances échangées entre l’avocat et son client, couvertes par le secret professionnel de l’avocat, mais comme des pièces comptables, communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration (avis n° 20111095 du 14 avril 2011). ».
A la suite de l’avis favorable de la CADA, il a tenu à rappeler sa demande initiale à la préfète en précisant qu’en cas, à nouveau, d’absence de réponse, il saisirait le tribunal. Ce qu’il vient de faire, la préfète de l’Isère n’ayant pas répondu à sa demande du 19 septembre 2024, pas davantage à la CADA, toujours pas à son rappel du 2 janvier.
Sa demande s’inscrit, de plus, dans la cadre de l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui relève de notre Constitution. Par ailleurs, au vu de la jurisprudence, la légalité d’un tel refus constant apparaît plus que douteuse.
Rappelons que la CADA a toujours considéré que les mandats de paiement émis par la commune pour assurer le règlement des factures de l’avocat ne doivent pas, quant à eux, être regardés comme des correspondances échangées entre l’avocat et son client, couvertes par le secret professionnel de l’avocat, mais comme des pièces comptables de la commune, communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales (avis n° 20111095 du 14 avril 2011).
Voir également les avis, non exhaustifs :
- Avis 20185693 Séance du 18/07/2019
- Avis du 25 mars 2021, Mairie de Bussy-Saint-Georges, n° 20210193
- Avis 20226583 – Séance du 15/12/2022 : « La commission saisit l’occasion de la demande d’avis pour réaffirmer sa doctrine constante selon laquelle les documents comptables produits par une commune en vue du paiement des factures d’honoraires d’avocats ne peuvent être regardés comme des « correspondances échangées entre le client et son avocat », protégées par le secret professionnel auquel l’article L2121-26 n’aurait pas entendu déroger. Seules les factures d’avocats, bien que constituant des pièces justificatives du paiement, sont protégées par ce secret, dès lors qu’elles constituent des correspondances échangées entre la commune et son avocat ».
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, l’accès aux documents administratifs relève d’une liberté publique et constitue un droit fondamental (CE, 29 avril 2002, Ullmann, n°228830, publié au recueil Lebon). Le commissaire du gouvernement l’avait même jugé digne d’entrer dans le Panthéon des libertés publiques (Dr. adm. 2002, comm. 100, note D.P. ; RFDA 2003, p. 135, concl. Piveteau).
« Ces obligations de transparence et de communication participent du « droit à une bonne administration », protégé dans le droit de l’Union par l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux (…) Elles concourent également à l’exercice, par les citoyens, de leurs droits fondamentaux, ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans sa décision Ullmann de 2002 » : Intervention du vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé lors de l’Assemblée générale de l’inspection générale de l’administration le 3 juillet 2017.
De même, en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques », comme l’a rappelé la CADA dans son avis n° 20242407 du 20 juin 2024.
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