Nouvelles décisions illégales de la commission d’aptitude des commissaires enquêteurs contre Gabriel Ullmann

Publié le 31 mai 2024

La justice censure à nouveau la commission d’aptitude aux fonctions de commissaire enquêteur de l’Isère, qui est composée, comme pour toutes ces commissions, en grande majorité par des maîtres d’ouvrage. Déjà l’année dernière, pratiquement à la même période, la cour administrative d’appel de Lyon avait annulé la radiation illégale de Gabriel Ullmann prononcée par cette commission Double échec pour le préfet de l’Isère dans ses attaques contre le commissaire enquêteur Gabriel Ullmann « ADES – Le Rouge et le Vert (ades-grenoble.org). Radiation de ses fonctions de commissaire enquêteur, à la demande du préfet de l’Isère Beffre, à la suite de son nombre d’avis défavorables jugé trop important lors de ses enquêtes publiques. Corinne Lepage avait qualifié ces commissions de « commissions bidon » dans une tribune parue dans le Monde.

Avant d’être réhabilité, Gabriel Ullmann s’était présenté à trois reprises devant la commission d’aptitude pour sa réinscription sur la liste des commissaires enquêteurs. A savoir en décembre 2020, 2021 et 2022. A chaque fois, sa candidature avait été rejetée. Le tribunal administratif de Lyon, par jugement du 15 mai 2024 (voir des extraits plus bas) a annulé les deux premières décisions. La première pour « méconnaissance des exigences du principe d’impartialité » de la commission d’aptitude, autrement dit pour sa partialité, la seconde pour « erreur manifeste d’appréciation ».

Gabriel Ullmann n’avait pas fait de recours contre la décision négative de sa candidature de 2022, car le motif de refus avait été le même qu’en 2021 (l’illégalité constatée en 2021 valant pour cette année-là aussi). Ce qui fait 4 décisions illégales à son encontre, en quelques années. Le motif de refus en question se fondait uniquement, comme le souligne le tribunal administratif de Lyon, sur « les nombreuses procédures contentieuses qui font suite à sa radiation ne lui permettent pas d’exercer pour l’instant des fonctions de commissaire enquêteur dans de bonnes conditions ». Décisions non seulement illégales, mais anticonstitutionnelles en remettant en cause son droit le plus absolu au recours.

Le préfet de l’Isère ne s’y était d’ailleurs pas trompé en tentant de sauver ces décisions par des artifices de procédure (motif inventé, recours à la substitution de motif, demande de non-lieu à statuer, enfin procédure bâillon avec demande de 5 000 euros de dommages et intérêts pour « diffamation »). Tout cela en vain. Par ces motifs de refus, la commission s’érige en juge et partie et démontre son manque d’impartialité, car les recours en question concernaient… ses propres décisions. C’est aussi un moyen de pression inadmissible. Gabriel Ullmann va-t-il former un recours indemnitaire contre ces décisions illégales, comme la rapporteure publique du tribunal administratif de Lyon lui avait publiquement invité à le faire lors de l’audience ?

De façon générale, on assiste à des pressions de plus en plus vives de la part de ces commissions d’aptitude à l’encontre des commissaires enquêteurs qui se montrent trop critiques pour certains projets. Cette affaire est une illustration des mécanismes des « politiques néo-libérales » à l’œuvre, qui mettent l’Etat au service du marché et non de l’intérêt général.

Extraits du jugement du 15 mai 2024 – N° 2108711-2202695

« Contrairement à ce que soutient le préfet de l’Isère et alors que les décisions attaquées n’ont pas été rapportées et ont produit leurs effets, la circonstance que M. Ullmann a été réinscrit sur la liste d’aptitude en cause à compter du 19 avril 2023 après que la cour administrative d’appel de Lyon a annulé pour excès de pouvoir la décision du 6 décembre 2018 ne prive pas d’objet les conclusions dirigées contre les refus critiqués.

En ce qui concerne le refus d’inscription pour l’année 2021 :

5. Il est constant qu’un des membres de la commission ayant pris la décision en litige et y siégeant en qualité de représentant du département de l’Isère était également le président de la société publique locale portant un important projet d’aménagement d’un site industrialo-portuaire sur le territoire des communes de Sablons et de Salaise-sur-Sanne pour lequel, à l’issue d’une enquête publique s’étant déroulée du 30 avril au 13 juin 2018, un avis défavorable avait été rendu par la commission chargée de cette enquête et présidée par M. Ullmann dans des conditions ayant notamment amené cette société à contester devant le TA de Lyon l’ordonnance du 28 septembre 2018 portant fixation du montant des indemnités dues au requérant au titre de sa participation à cette enquête en critiquant le positionnement de M. Ullmann dans ses fonctions de commissaire enquêteur et l’utilité des diligences accomplies par lui. Dans les circonstances qui viennent d’être exposées, M. Ullmann est fondé à se prévaloir de la méconnaissance des exigences du principe d’impartialité pour soutenir que la présence et la participation d’un dirigeant de cette société d’aménagement lors de la délibération de la commission d’aptitude entachent d’illégalité la décision portant rejet de sa demande de réinscription.

En ce qui concerne le refus d’inscription pour l’année 2022 :

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d’inscrire M. Ullmann sur la liste d’aptitude aux fonctions de commissaire enquêteur au titre de l’année 2022, la commission d’aptitude s’est explicitement fondée sur l’existence de nombreuses procédures contentieuses faisant suite à la décision de radiation du requérant du 6 décembre 2018 pour considérer que celles-ci ne permettaient pas à M. Ullmann d’exercer les fonctions de commissaire enquêteur dans de bonnes conditions. Toutefois et alors d’ailleurs que, par un arrêt du 1er mars 2023, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé la décision de radiation de M. Ullmann du 6 décembre 2018 en en censurant les motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’existence des procédures dont il est fait état ou les exigences liées à la défense de ses intérêts par le requérant dans le cadre de ces procédures auraient en elles-mêmes fait obstacle à ce que le requérant conduise de manière satisfaisante les enquêtes publiques que le président du TA aurait pu décider de lui confier en portant son appréciation sur les circonstances et la nature des projets concernés. Dans ces conditions et alors qu’il n’y a en tout état de cause pas lieu de faire droit à la demande de substitution de motif formée par le préfet défendeur fondée sur le manque d’objectivité, le défaut de courtoisie ainsi que la difficulté à établir les conditions d’un dialogue serein entre les différents acteurs des projets soumis à enquête qu’il prête à M. Ullmann, le requérant est fondé à soutenir que le refus de réinscription qu’il conteste est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.7. Il résulte de ce qui précède que les décisions de la commission d’aptitude du 3 décembre 2020 et du 7 décembre 2021 portant refus d’inscription de M. Ullmann sur la liste d’aptitude aux fonctions de commissaire enquêteur du département de l’Isère doivent être annulées

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Un commentaire sur “Nouvelles décisions illégales de la commission d’aptitude des commissaires enquêteurs contre Gabriel Ullmann”

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