
La Chambre régionale des comptes a rendu ses observations définitives sur la gestion de la SEM Grenoble Habitat essentiellement pour les années 2019-2023 en intégrant les dernières données connues. Les observations ont été présentées au conseil municipal de Grenoble du 3 novembre 2025. Elle note qu’il s’agit d’un acteur important pour le logement social au sein de la métropole de Grenoble. « Malgré sa taille modeste comparée aux autres acteurs du domaine, la SEM apporte une contribution significative en termes de production de logements, notamment locatif social. Sa participation au plan local de l’habitat pourrait être formalisée de façon plus précise, notamment sur la localisation des programmes immobiliers (à mettre en adéquation avec les zones les plus tendues de la métropole) et pour fixer un niveau de production compatible avec ses contraintes financières. »
Comme tous les bailleurs sociaux, Grenoble Habitat a souffert des politiques gouvernementales successives en particulier par la réduction du loyer de solidarité (RLS) créée en 2018 (-1,4 M€ de recettes annuelles pour GH), par l’augmentation du taux du livret A qui a une incidence directe sur les taux d’intérêts payés par les bailleurs sociaux (augmentation pour GH de 3,6 M€ de taux d’intérêts en 2023). Mais Grenoble Habitat a plus souffert car ses logements sociaux sont en moyenne assez jeunes avec pour conséquence des amortissements plus élevés que la moyenne et a subi une fraude qui lui a fait perdre plus d’un million d’euros. D’où une dégradation de la situation financière, même si les comptes annuels étaient toujours bénéficiaires.
Et il ne faut pas oublier que comme l’écrit la CRC : « Grenoble Habitat a connu une instabilité institutionnelle du fait des échecs successifs de deux projets de changement de structures juridiques et de recapitalisation. Un premier projet de rapprochement avec un acteur local, Actis, rattaché à Grenoble Alpes Métropole (GAM), a échoué après trois ans de discussions. Un deuxième projet de rachat par CDC Habitat n’a pas abouti du fait de l’avis négatif du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. Les divergences entre les principaux actionnaires publics de Grenoble Habitat, la commune de Grenoble et GAM, ont mis en sommeil plusieurs démarches stratégiques avec des conséquences importantes sur la gouvernance, la dégradation de la situation financière et de la gestion administrative de la SEM. »
Concernant la situation financière : « Malgré un résultat d’exploitation en augmentation, le résultat global se dégrade, notamment du fait de l’augmentation des intérêts de la dette. Le produit de la gestion locative est insuffisant au vu des montants d’amortissement du patrimoine, ce dernier étant relativement récent. L’absorption d’une charge exceptionnelle due à une fraude, et l’augmentation de 25 % de la taxe foncière non récupérable en 2023 aggravent encore la situation. Les ventes de patrimoine, comptées en résultat exceptionnel, ne suffisent pas à redresser les finances… » Même si la CRC n’en fait pas mention et indique même qu’il est difficile de démontrer l’utilisation des résultats de la construction en accession de Grenoble Habitat, sa forte contribution de constructions de logements sociaux depuis plus de 20 ans a été facilitée par la possibilité de mise de fonds propres dans les constructions de logements sociaux. L’augmentation significative de son parc de logements sociaux en 15 ans, 1900 logements sociaux en 2006 à 4500 aujourd’hui, a été permise par cette possibilité d’engager des fonds propres issus de la construction en accession.

Afin de soutenir la SEM, GAM a fait un apport en capital de 16 M€. La CRC estime qu’au vu des prospectives du potentiel financier à terminaison, indicateur qui prend en compte les engagements financiers à venir des projets d’investissement lancés, cet apport ne suffira pas à rendre la SEM solvable à moyen terme. Mais depuis le rapport de la CRC, la SEM a renégocié sa dette et amélioré sa gestion pour augmenter son autofinancement courant. Elle élabore avec les services de la Ville et de GAM une prospective financière résiliente 2024-2033 qui maintient le niveau de production du pacte d’actionnaires (80 logements sociaux par an), accroît l’effort pour les travaux et les rénovations (qui étaient sous-estimés), intègre les 16 M€ par GAM, et cible un potentiel financier à terminaison positif durant le mandat à venir (2026-2032), évitant ainsi le besoin d’une recapitalisation.
A ce sujet, rappelons que seules les sociétés d’économies mixtes peuvent dégager des fonds propres en vendant des logements sur le marché privé et utiliser les bénéfices pour soutenir la construction de logements sociaux ; dans la période actuelle où les constructions de logements sociaux sont à un niveau historiquement bas, les SEM sont un atout très important. Cela concerne aujourd’hui en premier lieu les logements en BRS (bail réel de solidarité), réservé aux primo-accédants qui sont 25%-35% moins cher que les logements en accession libres, et dont la vente est encadrée pour éviter la spéculation. Ces logements sont appelés à jouer un rôle clé dans les futurs parcours résidentiel des ménages des classes moyennes.
L’état de l’actionnariat de la SEM après l’apport des 16 M€ de la métropole et de la répartition mes membres du Conseil d’administration où la Métro a pour l’instant 2 représentants et la ville de Grenoble 6. Les collectivités publiques ont 61,3% du capital.

Les 8 recommandations de la CRC :
- Renouveler la convention d’application du nouveau programme local de l’habitat, en veillant à fixer des objectifs plus précis de construction et à prévoir les modalités de suivi de la convention.
- Présenter régulièrement au conseil d’administration des indicateurs financiers clairs, précis et fiables, notamment avant toute décision engageant les finances de Grenoble Habitat.
- Élaborer une stratégie interne précise en application des objectifs du pacte d’actionnaires.
- Modifier la comptabilité analytique dans l’optique de pouvoir identifier les coûts réels de chaque secteur d’activité.
- S’assurer de la cohérence de la ventilation entre secteurs dans les comptes annuels.
- Fiabiliser les données de pilotage sur toutes les activités.
- Stabiliser la masse salariale de la direction de la promotion immobilière pour garantir à Grenoble Habitat des taux de marge conformes au secteur immobilier.
- Établir un schéma directeur des systèmes d’information avec des objectifs précis et un dispositif de suivi, contenant notamment des mesures pour garantir la sécurité des systèmes d’information.
Les observations définitives seront prochainement publiées sur le site de la CRC Auvergne-Rhône-Alpes | Cour des comptes
