Le département de l’Isère rappelé sèchement à l’ordre par la justice

Publié le 8 septembre 2017

Le 30 juin 2017, la majorité de droite du Conseil départemental décide de suspendre la prise en charge des personnes mineures isolées étrangères nouvellement arrivées, oubliant ses obligations fondamentales. Il explique que l’arrivée de ces jeunes, en constante augmentation, et le manque de moyens rendent impossible l’accueil de ces enfants avant au moins mi-septembre. Un jeune Angolais âgé de 16 ans a essuyé plusieurs refus de prise en charge, il dort dans la rue et décide, avec l’aide de la CIMADE, d’en appeler à la justice administrative pour faire respecter les droits qui lui sont refusés. Un référé liberté est déposé au tribunal administratif de Grenoble. Lorsqu’une liberté fondamentale est bafouée, le juge a 48 heures pour suspendre la décision illégale de l’administration. C’est ce que va faire le juge.

Le 4 août 2017 le juge des référés rend une ordonnance qui commence par rappeler la loi et les obligations du département en ce qui concerne les mineurs isolés :

« Considérant qu’aux termes de l’article L. 223-2 du code de l’action sociale et des familles :

« (…) aucune décision sur le principe ou les modalités de l’admission dans le service de l’aide sociale à l’enfance ne peut être prise sans l’accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur (…) / En cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l’impossibilité de donner son accord, l’enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / (…) / Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l’enfant n’a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n’a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l’autorité judiciaire en vue de l’application de l’article 375-5 du code civil (…) » ;

qu’aux termes de l’article 375 du code civil : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (…) »

Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il incombe aux autorités du département de rendre en charge l’accueil provisoire des mineurs en cas d’urgence ; qu’à cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu’un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger ; que, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; »

Le juge décide alors d’une injonction qui impose au Président du Conseil départemental de prendre en charge ce jeune mineur immédiatement :

« Considérant qu’en refusant d’organiser l’accueil d’urgence de M. D.S. B. et son évaluation conformément aux dispositions de l’article L.223-2 du code de l’action sociale et des familles au motif non établi, en l’absence de pièces justificatives au dossier, que les services d’accueil des mineurs du département de l’Isère ne peuvent pas satisfaire toutes les demandes, malgré les moyens déployés sans cesse croissants pour la prise en charge du flux exponentiel des demandes de mise à l’abri des mineurs, le département de l’Isère a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, constitutive d’une situation d’urgence ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre au président du conseil départemental de l’Isère d’organiser l’accueil provisoire d’urgence de M. D.S. B. par le service de l’aide sociale à l’enfance mineur et d’en aviser le procureur de la République dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu’il y a lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte de 100 euros par jour de retard ; »

Le Président du CD38 s’exécute mais décide de contester cette ordonnance, pourtant limpide ; il demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du juge des référés et de rejeter les demandes du jeune Angolais.

Le 25 août, le Conseil d’Etat rejette le recours du CD38 et donne entièrement raison au juge des référés : « Il en résulte que le département n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par l’ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, le juge des référés a estimé que le refus opposé à M. A… portait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. »

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