Le stationnement payant sur voirie et les subtilités du droit !

Publié le 19 avril 2019

Suite à la mise en place d’une tarification sociale du stationnement sur voirie pour les résidents, par une délibération de la Ville de Grenoble du 20 juin 2016, une élue PS avait fait un recours en annulation de cette délibération. Le motif de son recours était qu’il s’agissait d’un service public administratif obligatoire donc la loi interdisait de faire un tarif dépendant du revenu. Le tribunal administratif de Grenoble annule la délibération le 14 février 2017, mais en ne suivant pas le motif de la requérante puisqu’il juge que « la réglementation du stationnement des véhicules le long des voies publiques classées en zone de stationnement payant ne saurait être qualifiée de service public ». Il explique que le niveau de revenu du résident ne justifie pas une situation objectivement différente d’occuper de façon privative le domaine public et « qu’aucune nécessité d’intérêt général en rapport avec la réglementation du stationnement des véhicules le long des voies publiques ne permet de justifier la fixation des tarifs de stationnement « résidents » en fonction des ressources des familles ».

Ce jugement était curieux car la reconnaissance que le stationnement payant sur voirie est une occupation privatisée du domaine public n’a été inscrite dans la loi qu’à partir de 2018 et qu’à la date de la délibération attaquée cela pouvait plutôt être estimé comme service public administratif facultatif donc pouvant donner lieu à tarification sociale.

La ville a fait appel de ce jugement et la Cour Administrative d’Appel de Lyon, le 4 avril 2019 a rendu un arrêt qui confirme le jugement du tribunal administratif mais encore pour un autre motif. La délibération est illégale car la motivation du nouveau tarif était d’inciter les résidents à aller dans les parkings en ouvrage plutôt que de laisser sa voiture sur la voie publique et que cette incitation ne place pas le résident à faible revenu dans une situation différente des autres résidents. La Cour ne qualifie pas le stationnement payant sur voirie d’occupation du domaine public et laisse penser que si la motivation de la délibération avait été différente, la tarification sociale aurait pu être reconnue.

 « Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des énonciations de la délibération en litige, que le conseil municipal de la commune de Grenoble a, en application des dispositions précitées, maintenu l’application d’une tarification spécifique aux résidents et a souhaité faire évoluer à la hausse le montant de la redevance mensuelle de stationnement qui leur était applicable afin de les “ inciter au stationnement dans les parkings (privés ou publics) plutôt que sur voirie “. Néanmoins, afin de “ protéger les ménages à faibles revenus de cette augmentation “, la délibération du 16 juin 2016 a fixé le tarif du “ ticket résident mensuel” en fonction du quotient familial des ménages et a ainsi opéré une différence de traitement entre les résidents selon leur revenu imposable.

Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité administrative règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la décision qui l’établit.

En l’espèce, au regard de l’objet de la délibération, qui est de favoriser le stationnement en ouvrage et de diminuer le stationnement en voirie, les résidents qui stationnent leur véhicule sur la voie publique ne sont pas placés dans une situation différente, les uns par rapport aux autres, selon le niveau de leur revenu. La différence de traitement ainsi opérée n’est donc pas fondée sur des critères objectifs en rapport direct avec l’objet de la mesure. En outre, en se bornant à faire valoir la contrainte financière qui pèserait sur les foyers à revenu modeste domiciliés en centre-ville, la commune de Grenoble ne justifie d’aucune raison d’intérêt général, en rapport avec l’objectif de la délibération en cause, qui serait de nature à justifier la différence de traitement qu’elle opère entre une même catégorie d’usagers de la voirie publique.

 Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme A…, que la commune de Grenoble n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil municipal du 16 juin 2016 en tant qu’elle fixe, pour les résidents, les tarifs mensuels de stationnement sur la voirie selon le montant du quotient familial à compter du 1er juillet 2016. »

Conclusion : maintenant que la loi a décrété que depuis le 1er janvier 2018, la redevance pour stationnement payant est une redevance pour occupation du domaine public et non une redevance pour service rendu, en conséquence, le niveau de redevance doit être compatible avec l’avantage qu’en retire l’occupant et il faudrait alors démontrer qu’un résident aux faibles ressources en tire un avantage différent d’un résident aux ressources financières plus importantes, ce qui n’a rien d’évident.

Notons en plus une particularité de cette redevance qui est fixée non pas par le propriétaire du domaine public (la Métropole) mais par les conseils municipaux. Le stationnement payant sur voirie est issu d’un droit de police du maire qui fixe les lieux où le stationnement sera payant, il serait aussi assimilable à un service public administratif puisque son tarif est fixé par le Conseil municipal, mais la loi dit qu’il s’agit d’une occupation privative du domaine public uniquement pour que le nouveau Forfait Post Stationnement (FPS) qui remplace les amendes pour dépassement du temps revienne aux collectivités et non pas à l’Etat.

Il faudra qu’un jour les parlementaires ou la jurisprudence fasse la clarté sur cette affaire. On ne peut pas dire que le jugement du tribunal administratif et l’arrêt de la Cour Administrative d’appel aient fait beaucoup avancer le schmilblick !

Par prudence il vaut mieux que les collectivités ne cherchent pas trop à innover sur cette question du stationnement payant.

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