L’économie parallèle issue des trafics de drogues prend une grande ampleur notamment à Grenoble. Longtemps confinée dans certains quartiers du sud de la ville (Mistral, Villeneuve, Teisseire…), pour maintenir et développer son chiffre d’affaire elle s’installe dans la plupart des quartiers de manière très agressive n’hésitant pas à mettre en cause la sécurité des personnes et des biens ; c’est notamment le cas à Saint Bruno, Très Cloitres, Hoche… Evidemment pour exister il faut une clientèle : jamais la consommation de cannabis n’a été aussi importante en France et cela dans toutes les couches sociales. L’augmentation de la consommation de cocaïne et des produits de synthèse se confirme. Même s’il y a un développement de l’utilisation des technologies numériques pour développer la vente, il y a toujours d’importants lieux de commerces locaux et la nécessité de stocker les drogues d’où des comportements maffieux recherchant à contrôler étroitement des territoires en y imposant leurs lois.
Des exemples récents (Place André Malraux à Hoche et Place Edmond Arnaud à Très Cloitre) devraient faire réagir les pouvoirs publics qui sont incapables d’enrayer ces prises de contrôle par les maffias. Lorsque certains habitants réagissent, refusant cette prise de pouvoir, les agressions punitives se développent. Place André Malraux, un restaurateur est pris à partie car il refuse de céder à la violence, mais il n’est pas soutenu et son activité est menacée. Place Edmond Arnaud, les maffieux pourrissent la vie des personnels et des locataires de l’ODTI (voir plus bas). Les maffieux s’installent de préférence dans les quartiers paupérisés, dont ils sont issus, où les populations sont plus fragiles et où ce marché parallèle apporte des compléments de ressources à de nombreuses personnes, ils y trouvent moins de résistances, même si la majorité des habitants ne sont pas d’accord avec ces trafics.
Des plaintes sont déposées mais n’aboutissent que rarement. La justice semble incapable de traiter la réalité des agressions par manque de moyens et les forces de police se contentent d’opérations coups de poings qui manquent cruellement d’efficacité. Il faut reconnaitre que la lutte actuelle est incapable d’enrayer l’organisation de cette économie parallèle et il faudrait en tirer les conséquences afin de ne pas s’épuiser à la recherche de solutions inefficaces. L’absence d’une vraie police de proximité empêche un contrôle de ces territoires par la puissance publique.
Il faut clarifier les responsabilités des différents acteurs publics responsables de la sécurité des biens et des personnes pour les obliger à agir efficacement ici et maintenant (voir l’article plus loin à ce sujet).
La violence qui se développe autour du trafic de drogue n’est pas propre à Grenoble, il s’agit d’un problème national. L’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) qui a une mission d’observation (dispositif TREND national), s’appuie sur un réseau de huit coordinations locales (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes, Toulouse). Il est dommage que Grenoble ne soit pas examiné par l’OFDT.
Ce qui se passe à Grenoble est décrit aussi à Lille et à Rennes par l’OFDT.
A Lille : « Les réseaux de vente de drogues sont tellement présents dans la métropole lilloise qu’ils engendrent des tensions et des situations de plus en plus inextricables. Les habitants de certaines zones résidentielles ont l’impression d’être d’abandonnés, livrés à eux-mêmes dans un système qui génère énormément d’argent et qui n’est donc pas prêt de s’arrêter. Des individus sont soumis chaque jour à la domination des vendeurs imposant leur propre loi dans des habitats collectifs, où le ras-le-bol des populations n’a d’égal que leur détresse. Aussi, on note que de plus en plus de commerces se voient dans l’obligation de fermer leurs portes : leurs clients ne se déplacent plus suite aux regroupements systématiques ayant lieu aux abords de leur établissement. Certains individus vont même jusqu’à évoquer une nette chute de l’activité économique et des niveaux d’emploi au sein de secteurs particulièrement touchées par ces faits de deals ; les jeunes désertent ces zones pour aller chercher du travail ailleurs. »
A Rennes : « Durcissement de la violence autour du trafic de stupéfiants Le constat d’un durcissement de la violence entourant le trafic de stupéfiants est à nouveau relevé cette année. L’activité liée aux stupéfiants amène les trafiquants à fréquemment recourir à la violence. Ainsi, sont constatés de plus en plus fréquemment des règlements de compte et des actes accompagnés de violence importante (séquestration, passage à tabac…). La présence d’armes (dont les armes à feu) est de plus en plus systématique afin d’avoir un effet dissuasif, d’intimider la concurrence ou pour récupérer une dette. Par ailleurs, une présence toujours plus importante des mineurs impliqués à différents échelons du trafic (guet, transports, vente) est constatée. Le phénomène qualifié « d’épicerie » qui a déjà été mis en évidence se confirme. Le trafic ne se limite plus à un ou deux produits. Les dealers cherchent à pouvoir proposer une palette de produits la plus large possible afin d’élargir leur clientèle. Ainsi, des produits, qui jusque-là, étaient réservés à la sphère festive (MDMA, kétamine…) sont présents dans le deal de rue et dans le deal de cité. Enfin, le phénomène de « drive » pour acheter de la drogue se confirme également. »
Comme la politique actuelle face au commerce de la drogue ne marche pas et ne marchera pas tant que les causes ne seront pas supprimées, il faut trouver d’autres solutions : par exemple à travers la dépénalisation voire la légalisation du cannabis.
Une proposition du Président de l’ODTI : expérimentation des « coffee-shops » !
« A tout accepter, comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, et sans développer une posture morale sur la drogue, sa vente et sa consommation, sortons de cette hypocrisie hautement partagée par une part croissante de la population (dont les autorités) et tolérons dans cette ville, à titre expérimental un système de coffee-shops à la néerlandaise, prenant acte que cela existe déjà de fait (ainsi à l’ODTI place Edmond Arnaud) et permettant un minimum de suivi sanitaire et de contrôle réglementaire (comme un débit de boissons alcoolisées ou un débit de tabac). Qui sait, cela pourrait «légaliser» des emplois et fournir des ressources fiscales additionnelles dans une ville où les commerces ferment. Certes la fermeture des commerces pourrait être accélérée par défaut de recettes de blanchiment d’argent mais chiche, tentons le coup de rendre visible la part immergée de cet iceberg économique que j’appelle l’économie de braconnage. La plupart des atteintes à notre résidence sociale, à nos résidents et au personnel de l’ODTI tient au fait que les dealers ne peuvent pas détenir plus de 5 grammes de produits sur eux sous peine d’être arrêtés par la police et donc ils ont besoin de lieux de stockage (nourrice) et aussi de lieux d’abri et de sommeil (après des journées de travail de 15 heures) pour se reposer et organiser des activités connexes (prostitution, exploitation de mineur-es). C’est à ça que sert l’ODTI : ce que j’appelle le coffee-shop hôtel. Si les dealers s’appropriaient officiellement d’autres lieux pour faire leurs affaires (par exemple les nombreux pas de portes vacants dont une partie propriété d’ACTIS dans le quartier et ailleurs), outre que cela créerait une animation «commerciale» dans les rues du Cœur de Ville, Cœur de Métropole étendu à Très-Cloitres, mais cela nous libérerait, nous ODTI, de cette pression permanente jour et nuit au sein de notre établissement… »