Les emprunts toxiques restent à Sassenage, mais seulement un peu atténués

Publié le 12 octobre 2018

De 2004 à 2011, la commune de Sassenage a procédé à plusieurs opérations de refinancement de sa dette auprès de la banque Dexia, une des spécialistes de la vente des emprunts toxiques.

Devant l’explosion des intérêts à payer la commune avait assigné en justice la banque estimant qu’il y avait dol et donc que la banque avait voulu lui nuire en la trompant et qu’il fallait annuler ces prêts.

La commune avait perdu en première instance au TGI de Nanterre, elle a fait appel à la Cour d’appel de Versailles qui a rendu son arrêt le 4 octobre 2018. Elle arrête que le prêt toxique (durée 32 ans) doit continuer mais seulement avec une réduction de 30 % sur le montant des intérêts. Si le taux des intérêts est de 20 %, la commune le verra diminuer de seulement 14 %. La toxicité reste et est seulement légèrement atténuée. Ce qui ne supprime pas les difficultés financières de Sassenage.

Voici quelques extraits de l’arrêt du 4 octobre :

La Cour rejette le dol :

« En l’espèce, la cour relève que la société Dexia, engagée depuis plusieurs années auprès de la commune de Sassenage, n’avait aucunement intérêt à provoquer délibérément la faillite de cette dernière, notamment parce qu’elle n’aurait plus eu alors la capacité de la rembourser. La commune ne rapporte pas au demeurant la preuve de manœuvres caractérisées ou de réticences dolosives de la banque destinées à vicier son consentement.

La commune de Sassenage ne démontre pas davantage l’intention de nuire des intimées. »

Par contre la Cour admet que la commune ne pouvait pas être considérée comme emprunteur averti et que Dexia lui devait des conseils. C’est le point essentiel sur lequel la Cour va s’appuyer pour alléger un peu le caractère toxique de l’emprunt.

« La cour relève au surplus que la ville de Sassenage a conclu un contrat écrit de partenariat avec la société Dexia Crédit Local le 28 janvier 2000, afin d’obtenir l’assistance de la société prêteur pour, selon la définition adoptée par le contrat, “en fonction des objectifs de la commune, prendre les meilleures décisions possibles pour la gestion de la dette”. »

Et ce qui n’est pas très gentil pour le maire et l’adjoint aux finances :

« S’agissant de la compétence des personnes qui administraient la ville à l’époque de conclusion du prêt, le fait que le maire, M. Coigné, soit vice-président du conseil général de l’Isère n’est nullement un critère de sa connaissance des mécanismes financiers des prêts structurés, et il n’est pas prétendu que son maire-adjoint chargé des finances disposerait d’une équipe rompue aux aspects spéculatifs de ces prêts.

La société Dexia ne verse aux débats pas d’élément en sens contraire. »

La Cour conclut :

« Aujourd’hui, la commune n’a plus de capacité d’investissement propre, les intérêts des prêts consentis par la société Dexia Crédit local captant toutes ses disponibilités financières.

Le préjudice né du manquement par l’établissement de crédit à son obligation d’information et de mise en garde consiste en la perte d’une chance pour l’emprunteur de ne pas contracter et ainsi d’éviter d’avoir à supporter les aspects défavorables de la convention dont il n’a pas été informé et qui le placent dans une situation d’endettement excessif.

La perte de chance qui ne recouvre jamais l’intégralité de la perte matérielle invoquée, ne saurait être compensée par l’intégralité du surcoût de l’indemnité de remboursement ou des intérêts financiers du prêt entraîné en l’espèce par la dégradation du taux, dû au franchissement du point de barrière contenu à la stipulation d’intérêts. Seul un préjudice actuel et certain doit être pris en considération…

La commune a été autorisée en 2015 par la chambre Régionale des comptes à ne régler que les échéances en capital de sa dette du fait de l’instance en cours et les intérêts de celle-ci n’ayant pas été réglés depuis celle échue le 31 décembre 2011, le jugement rappelle que la réclamation de la société Dexia Crédit Local est de 2.763.299,11 € au titre des échéances d’intérêts de 2011 à 2015 inclus compte tenu du jeu de la stipulation d’intérêts structurés, pour le prêt consenti en 2010.

La cour a retenu un préjudice de perte de chance de 30 % de ce surcoût dû à la dégradation du taux, soit la somme de 828.089,73 € arrondie à l’unité supérieure, pour les échéances 2011 à 2015 inclus…

La demande relative au remboursement du surcoût des intérêts du prêt, dont l’exécution se poursuit, est accueillie dans la mesure de la perte de chance reconnue pour toute la durée du contrat, de ne pas régler un surplus d’intérêts d’emprunt. Elle s’étend aux échéances d’intérêts à échoir qui seront demandées à la commune, au-delà du taux bonifié, jusqu’au terme du contrat. »

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