Peut-être un RIP contre la privatisation des aéroports de Paris ?

Publié le 19 avril 2019

La réforme constitutionnelle de 2008 a introduit le RIP (Référendum d’Initiative Partagée) qui jusqu’à présent n’a pas été utilisé car son mode d’emploi est une vraie course d’obstacle. Il s’agit d’une proposition de loi présentée par des parlementaires et qui pourrait être soumise à un référendum pour imposer sa promulgation si le Parlement refuse de l’adopter. 248 parlementaires de tous les bords politiques (sauf l’extrême droite et LREM) ont signé la proposition de loi qui affirme le caractère de service public des aéroports de Paris, ce qui empêcherait, si elle était adoptée, leur privatisation

Les 5 sénateurs de l’Isère et la députée de la 4ème circonscription de l’Isère ont signé cette proposition de RIP.

Mais la mise en place d’un RIP doit suivre toute une procédure longue et tortueuse :

  • D’abord il faut qu’il soit demandé par un cinquième des élus du parlement (Assemblée Nationale et Sénat) soit au moins 185 parlementaires.

  • Ensuite, le Conseil Constitutionnel doit vérifier (sous un délai d’un mois) que le texte proposé au RIP répond à certaines conditions. Il vient d’être saisi le 10 avril de la proposition de loi « visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris ».  Pour ce faire le Conseil doit vérifier trois conditions cumulatives :
  • que le seuil des 185 parlementaires a bien été atteint, c’est le cas puisqu’ils sont 248.
  • que la proposition de loi entre bien dans le champ des domaines ouverts à référendum par la Constitution. L’article 11 de la Constitution précise des domaines d’application du référendum : l’organisation des pouvoirs publics ; des réformes concernant la politique économique, sociale ou environnemental du pays et les services publics qui y participent ou bien permettant la ratification d’un traité ayant des incidences sur le fonctionnement des institutions. La proposition de loi semble aller en ce sens, mais la subtilité des juges constitutionnels est redoutable.
  • la troisième condition est plus délicate car, la proposition de loi « n’a pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ». Donc, comme la loi de privatisation a été adoptée, il faudrait qu’elle ne soit pas promulguée avant que le Conseil Constitutionnel ait donné son feu vert. C’est pourquoi des parlementaires opposés à la privatisation vont déposer au Conseil Constitutionnel un recours en inconstitutionnalité de la loi Pacte en ce qui concerne cette privatisation. Il y a deux cas ou bien le Conseil valide le RIP avant de juger l’inconstitutionnalité, ou bien c’est l’inverse et le Président peut promulguer la loi, ce qui repousse le RIP d’un an.

 En admettant que tous les obstacles soient franchis il reste à organiser une pétition en direction des citoyens inscrits sur la liste électorale nationale et à trouver environ 4,8 millions de signatures (aux élections présidentielles de 2017 il y avait 47,6 millions d’inscrits). Les signatures doivent être effectives sous 9 mois. Et leur collecte répond à des exigences strictes détaillées dans la loi organique du 6 décembre 2013 et dans le décret n° 2014-1488 du 11 décembre 2014.

Les signatures peuvent être déposées par internet sur le site   https://www.referendum.interieur.gouv.fr/ , spécialement créé à cet effet ou dans les mairies si le signataire ne dispose pas d’internet ou n’a pas les documents exigés sur internet (carte d’identité ou passeport en cours de validité). Le traitement en mairie exigera des dépenses supplémentaires imposées mais pas remboursées par l’Etat qui organise le référendum.

Au bout des 9 mois de collecte, le Conseil Constitutionnel doit vérifier que le nombre de 10% du corps électoral est bien dépassé, ce qui prendra du temps.

En imaginant que tous ces obstacles soient passé, le texte de proposition de loi devra être examiné par le parlement, soit il l’adopte (il a 6 mois pour l’examiner) soit il refuse, c’est alors que le Président de la République est obligé de la mettre au référendum.

Au vu de cette course d’obstacles, on comprend mieux pourquoi il n’y a jamais eu de RIP depuis 2008.

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