Le 10 décembre 2019, dans une circulaire, le ministre de l’intérieur avait décidé de ne plus nuancer politiquement les listes aux élections municipales pour les communes de moins de 9000 habitants. C’était clairement une volonté de camoufler le prochain échec des listes présentées ou soutenues par la majorité présidentielle. Des oppositions ont saisi le Conseil d’Etat par référé suspension, estimant qu’il y avait notamment violation d’une information correcte des citoyens et un camouflage des listes LREM en « divers centre ».
Le 31 janvier 2020, le juge des référés donne raison aux requérants et ordonne :
« L’exécution de la circulaire du 10 décembre 2019 du ministre de l’intérieur relative à l’attribution des nuances politiques aux candidats aux élections municipales et communautaires des 15 et 22 mars 2020 est suspendue en tant qu’elle limite l’attribution des nuances aux listes dans les seules communes de 9 000 habitants ou plus ainsi que dans les chefs-lieux d’arrondissement, en tant qu’elle prévoit l’attribution de la nuance « Liste divers Centre » (LDVC) aux listes qui, sans être officiellement investies par LREM, le MODEM, l’UDI, seront soutenues par ces partis ou par la « majorité présidentielle » et en tant qu’elle classe la nuance « Liste Debout la France » (LDLF) dans le bloc de clivage « extrême-droite », jusqu’à qu’il soit statué au fond sur sa légalité. »
Le communiqué du Conseil d’Etat précise : « Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi de plusieurs requêtes contestant la légalité de la circulaire du 10 décembre 2019 du ministre de l’intérieur fixant les règles d’attribution des nuances politiques aux candidats aux élections municipales de mars 2020. Une telle attribution vise à permettre aux pouvoirs publics et aux citoyens de disposer de résultats électoraux faisant apparaître les tendances politiques locales et nationales.
Le juge des référés a prononcé la suspension de trois séries de dispositions de cette circulaire :
L’attribution des nuances aux listes dans les seules communes de 9 000 habitants ou plus
Le juges des référés a relevé qu’une
telle limitation conduit, dans plus de 95% des communes, à ne pas attribuer de
nuance politique et exclut ainsi de la présentation nationale des résultats les
suffrages exprimés par près de la moitié des électeurs. En outre, si, pour plus
de 80% des listes présentées dans ces communes, les nuances attribuées lors des
précédentes élections municipales ne correspondaient pas à celles d’un parti
politique, il avait été possible dans le passé d’attribuer des nuances intitulées
« divers droite » et « divers gauche » pour trois quarts d’entre elles,
reflétant ainsi les choix politiques des électeurs. Le seuil retenu par la
circulaire a, en conséquence, pour effet potentiel de ne pas prendre en
considération l’expression politique manifestée par plus de 40% du corps
électoral pour les prochaines élections.
Le juges des référés du Conseil d’État en a déduit qu’une telle limitation ne
pouvait être appliquée, au regard de l’objectif d’information des citoyens
poursuivi par la circulaire.
L’attribution de la nuance « Liste divers Centre » aux listes soutenues par LREM, le MODEM, l’UDI ou la « majorité présidentielle »
La circulaire prévoit qu’en principe
seule l’investiture par un parti politique, et non son simple soutien, permet
d’attribuer une nuance politique à une liste. Elle fait toutefois exception à
cette règle pour les seules listes qui seront soutenues par les partis LREM, le
MODEM, l’UDI ou par « la majorité présidentielle », dont les résultats seront
comptabilisés dans la nuance « divers centre », alors que le soutien d’un parti
de gauche ou d’un parti de droite à une liste ne permet pas de prendre en
compte ses résultats au titre respectivement des nuances « divers gauche » et «
divers droite ».
Le juges des référés du Conseil d’État a estimé que la circulaire instituait
ainsi une différence de traitement entre les partis politiques, et
méconnaissait dès lors le principe d’égalité.
Le classement de la nuance « Liste Debout la France » (LDLF) dans le bloc de clivage « extrême droite »
Le juges des référés a relevé qu’un tel
classement ne s’expliquait que par le soutien apporté par le président de «
Debout la France », à l’issue du premier tour des élections présidentielles de
2017, en faveur de la présidente du Rassemblement national, et n’avait pas pris
en compte, notamment, le programme de ce parti et l’absence d’accord électoral
conclu avec le Rassemblement national.
Dans ces conditions, le juges des référés du Conseil d’État a estimé que le
classement de la nuance « Liste Debout la France » (LDLF) dans le bloc de
clivage « extrême droite » ne s’appuyait pas sur des indices objectifs.
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Mots-clefs : élections, justice administrative, Municipales 2020