Droit et coronavirus

Publié le 3 avril 2020

L’Etat d’urgence sanitaire ouvre de larges brèches dans l’Etat de droit ; par la loi du 23 mars le Premier Ministre dispose de moyens étendus pour restreindre les libertés individuelles et cette urgence sanitaire manque de contrôles notamment par le Parlement.

Une initiative à saluer vient du professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes, S. Slama avec ses collègues du Centre de Recherche juridique CRJ de Grenoble, qui a organisé un colloque virtuel (du 30 au 31 mars) sur « Le droit face aux circonstances sanitaires exceptionnelles ». On peut suivre les vidéos de ce colloque ici

Pour S. Slama, « le danger, ce n’est pas tellement la proclamation de l’état d’urgence, c’est son installation dans la durée et aussi qu’il constitue un laboratoire – on le voit par exemple avec l’utilisation des drones pour contrôler le confinement des populations. »

Le Conseil Constitutionnel, lui-même, a pris une décision qui montre qu’on peut déroger aussi à la Constitution !

En effet la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 n’a pas été adoptée suivant des conditions de vote conformes à la Constitution, prévues à l’article 46. En effet le Parlement ne peut pas délibérer sur un projet de loi organique avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt. Or le projet de loi a été déposé au Sénat le 18 mars et a été examiné en séance publique dès le 19 mars.

La décision du Conseil Constitutionnel est simple : « Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution. »

Il ne fait même pas référence à « la théorie des circonstances exceptionnelles » et se contente de circonstances particulières, ce qui est une notion particulièrement floue, ce qui a fait réagir des juristes.

De plus le contenu lui-même de l’article unique de la loi organique qui suspend des délais concernant les QPC, n’est pas conforme à la lettre de l’article 61-1 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel valide tout de même la loi en expliquant qu’elle n’interdit pas de respecter les délais inscrits dans l’article 61-1 : « Afin de faire face aux conséquences de l’épidémie du virus covid-19 sur le fonctionnement des juridictions, l’article unique de cette loi organique se borne à suspendre jusqu’au 30 juin 2020 le délai dans lequel le Conseil d’État ou la Cour de cassation doit se prononcer sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et celui dans lequel ce dernier doit statuer sur une telle question. Il ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période. »

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