Editorial : Une prise de risque qui interroge

Publié le 17 avril 2020

La déclaration du Président de la République contient une proposition très risquée de débuter un déconfinement partiel par les écoles.  Il nous avait habitué à justifier plus ou moins ses décisions par les avis des comités scientifiques qui l’entourent. Or pour l’instant, il n’y a pas eu de position publique du comité scientifique proposant de débuter un déconfinement partiel par les écoles, et de nombreuses interventions de scientifiques vont en sens contraire (voir article ci-après).

Dans le discours présidentiel, le déconfinement des écoles est présenté comme le préalable au redémarrage de l’activité économique, on entend ici comme un parfum des propositions du Medef qui demande à ce que les forces productives des parents soient libérées sans référence aux exigences de santé.

Les contraintes du confinement et la paralysie des institutions démocratiques qui en résultent ne permettent pas d’apporter la transparence nécessaire à des décisions d’une telle importance. La dérive présidentialiste, très 5ème République, continue de s’accroître avec ces « oracles » jupitériens qui, sans aucun dialogue politique préalable construit avec les parlementaires, partis, syndicats et collectivités locales… décident d’inflexions fortes des politiques publiques. Or il faudrait que soient mises en place, en toute clarté, des procédures de concertation pour la définition de règles qui concernent directement et immédiatement la vie quotidienne et l’avenir de 67 millions de citoyens. Il en va du respect de nos principes fondamentaux comme de l’efficacité des mesures annoncées

La proposition de démarrer le déconfinement par les écoliers, peut paraître aujourd’hui très risquée, et en tout cas prématurée, puisque la question des protections pour les populations n’est toujours pas réglée (masques, gants, blouses…), ni la disponibilité à grande échelle de tests qui permettrait de séparer les personnes infectées et non infectées. Le vaccin évidemment n’est pas là et les résultats des expertises sur les traitements potentiels contre l’infection ne sont toujours pas connus. On y verra un peu plus clair dans une semaine lorsque le gouvernement mettra en musique les décisions annoncées.

L’éducation est un service public essentiel et un déconfinement sélectif devrait contribuer à gommer les inégalités sociales qui se sont renforcées par la fermeture des écoles. Voir par exemple « Inégalités scolaires : des risques du confinement sur les plus vulnérables » ici.

Mais ce qui nous a le plus surpris et nous interroge, c’est le rappel de certains fondamentaux de notre République, oubliés depuis bien longtemps quand ils n’étaient pas bafoués par nos dirigeants et parlementaires. Le Président a cité in-extenso la deuxième phrase de l’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »

Il a en effet déclaré en fin de discours : « Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Ces mots, les Français les ont écrits il y a plus de 200 ans. Nous devons aujourd’hui reprendre le flambeau et donner toute sa force à ce principe. » 

Cette déclaration est la condamnation de toute sa politique concrète depuis le début de son mandat : ce n’est pas rien !

Mais pour l’instant ce ne sont que des mots, or en politique ce sont les actes qui comptent et il s’agira alors de reprendre tous les éléments fondamentaux rappelés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et en particulier le rappel de l’article 13  qui justifient ainsi la nécessité et les modalités de la collecte des impôts:  : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Au même moment la Convention Citoyenne pour le Climat (voir article ci-après) rappelle que la sortie de crise sanitaire doit être compatible avec les exigences de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et cela dans un esprit de justice sociale.

L’ADES est pour une refondation d’un Etat social digne de ce nom, qui ferme définitivement la période néolibérale et retrouve l’esprit du Conseil National de la Résistance ! Il y a du pain sur la planche. Apportons un soutien clair aux « premiers de corvée », qui assurent la continuité des services communs indispensables à la vie quotidienne qui vont bien au-delà du système de santé et qui évitent l’effondrement social. Et comme “Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune“, l’utilité commune de ces premiers de corvée est bien supérieure à l’inutilité des spéculateurs financiers et autres marchands d’inutile.

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