Que disent les scientifiques sur le déconfinement ?

Publié le 17 avril 2020
© Ville de Grenoble

Le déconfinement partiel débuté par les écoles à partir du 11 mai a fait réagir.

Par exemple le Président de l’Ordre national des médecins a déclaré au Figaro (14 avril) : « il n’y a pas d’explication médicale à déconfiner dans le milieu scolaire en premier… Ce choix révèle un manque absolu de logique. Nous ne comprenons pas cette annonce. La première décision a été de fermer les écoles, lycées et universités. Pour deux raisons. D’une part, parce qu’on sait que les enfants sont des vecteurs potentiels sans développer eux-mêmes l’infection, sauf à de rares exceptions. D’autre part, parce qu’il est très difficile en milieu scolaire de faire respecter les gestes barrières. Et maintenant le premier milieu que le Président veut déconfiner est le milieu scolaire ! Comment ne porterait-il plus les mêmes risques ? Il faut qu’il y ait une logique entre les affirmations du gouvernement et celles des scientifiques. »

Le Président du Comité des scientifiques a déclaré (15 avril) : « Cette date du 11 mai, je comprends qu’elle ait été donnée pour le citoyen, mais c’est un continuum. Il n’y aura pas un avant et un après. Il faut faire extrêmement attention à ça, sinon le virus peut repartir ». Et il ajoute : « un déconfinement le 11 mai ne serait possible que si les pré-requis opérationnels et techniques sont effectifs. Parmi eux, la disponibilité d’un nombre de tests de dépistage du virus suffisant et la mise en place d’un système de traçage des contacts des nouveaux cas identifiés. S’il faut retarder de quelques jours parce qu’on n’est pas prêt, il faudra retarder de quelques jours ».

Côté Education Nationale, le CHSCT ministériel, qui est compétent en matière d’hygiène et de sécurité au travail, demande au ministère un dépistage généralisé des élèves et du personnel en préalable à toute reprise des cours.

Des chercheurs de l’INSERM (équipe de Mme Colizza) ont modélisé l’impact du confinement en Ile-de-France et testé différentes hypothèses. Il en ressort qu’il ne devrait être levé au mieux que courant mai, voire fin mai ou en juin.

Il ne pourrait intervenir qu’au moment où il serait possible d’appliquer à grande échelle des mesures d’identification par des tests des personnes porteuses du virus et de leurs contacts, afin de les isoler, et de maintenir une distanciation sociale avec des établissements scolaires restant fermés et des personnes âgées en isolement.

Cette étude rejoint d’autres études similaires comme celle menée à l’Imperial College de Londres.

Suite à l’intervention du Président de la République, l’INSERM a communiqué :

« Le président de la République a annoncé des mesures de déconfinement. Ces modèles ne sont-ils pas déjà obsolètes ?
Les modèles développés par l’équipe de Vittoria Colizza servent avant tout à décrire différentes hypothèses d’évolution de l’épidémie pour en assurer un meilleur suivi au cours du temps, et à mieux interpréter les données issues du milieu hospitalier en les manipulant lors des modélisations.

Dans leurs différents scénarios, les chercheurs tablaient sur le maintien de la fermeture des écoles lors de la première étape de déconfinement. Ces modèles ont vocation à évoluer. Si les différents modèles présentés dans le rapport varient selon les hypothèses testées et s’ils doivent être affinés en prenant en compte les mesures annoncées lundi 13 avril, tous tirent les mêmes conclusions, en soulignant l’importance du dépistage et du suivi des contacts entre les individus afin de déterminer ceux à risque d’avoir été infectés pour les isoler. L’équipe s’est déjà remise au travail pour intégrer l’impact de la réouverture des écoles à ses modèles, en utilisant la même méthodologie. »

Voici un résumé de l’étude des chercheurs de l’INSERM :

« Plus de la moitié de la population mondiale est actuellement soumise à des formes strictes de distanciation sociale, avec plus de 90 pays en état d’isolement, dont la France. Il est essentiel d’estimer l’impact attendu de ce verrouillage et l’efficacité potentielle des différentes stratégies de sortie pour informer les décideurs sur la gestion de la crise sanitaire COVID-19. Nous utilisons un modèle stochastique de transmission structuré par âge intégrant des données sur le profil d’âge et les contacts sociaux en Île-de-France pour (i) évaluer la situation épidémiologique actuelle, (ii) évaluer l’impact attendu du verrouillage mis en place en France le 17 mars 2020, et (iii) estimer l’efficacité des stratégies de sortie possibles. Le modèle est calibré sur les données d’hospitalisation de la région avant le confinement et validé sur les données de surveillance syndromique et virologique. Différents types et durées d’interventions d’éloignement social sont simulés, y compris une levée progressive du confinement ciblant des classes spécifiques d’individus (par exemple, permettre à une plus grande proportion de la population d’aller travailler, tout en protégeant les personnes âgées), et des tests à grande échelle. On estime que le taux de reproduction de base était de 3,0 [2,8, 3,2] (intervalle de confiance de 95 %) avant la fermeture et que la population infectée par COVID-19 au 5 avril se situait entre 1 et 6 %. Le nombre moyen de contacts devrait être réduit de 80 % pendant le confinement, ce qui entraînera une réduction substantielle du nombre de reproduction (Rld =0,68 [0,62-0,73]). Dans ces conditions, la courbe épidémique atteint la capacité du système de soins intensifs et diminue lentement pendant le confinement. La levée du confinement sans stratégie de sortie entraînerait une deuxième vague qui submergerait largement le système de santé. Une recherche approfondie des cas, des tests et un isolement sont nécessaires pour envisager des stratégies de distanciation sociale qui assouplissent progressivement les contraintes actuelles (retour d’une plus grande partie des individus au travail, réouverture progressive des activités), tout en maintenant les écoles fermées et les personnes âgées isolées. La France étant confrontée à la première vague de la pandémie de COVID-19 en confinement, des formes intensives de distanciation sociale sont nécessaires dans les mois à venir en raison de l’immunité actuellement faible de la population. La recherche de cas et l’isolement à grande échelle permettraient de relâcher partiellement la pression socio-économique causée par les mesures extrêmes, tout en évitant que la demande de soins de santé ne dépasse la capacité d’accueil. La planification de la réponse doit de toute urgence donner la priorité à la logistique et à la capacité de ces interventions. »

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