Le Conseil d’État était saisi d’un recours de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et de la Quadrature du Net contre l’utilisation de drones par la préfecture de police de Paris pour surveiller le respect des règles de déconfinement.
Le 18 mai, le juge des référés du conseil d’Etat a refusé que les drones puissent identifier les personnes filmées et a enjoint à l’État de cesser, sans délai, d’utiliser des drones à Paris pour surveiller le respect des règles du déconfinement, en raison de l’absence de cadre juridique pour l’utilisation de ces dispositifs techniques. Le juge dénonce « une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée » !
La Quadrature du Net déclare :
« Suite à notre recours, l’ordonnance du Conseil d’État est une victoire historique contre la surveillance par drone. La décision reconnaît l’illégalité de tout drone qui, volant suffisamment bas et étant équipé de caméra, permet à la police de détecter des individus, que ce soit par leurs habits ou un signe distinctif.
D’après le Conseil d’État, cette illégalité ne saurait être corrigée que par un arrêté ministériel pris après avis de la CNIL. Dans l’attente d’un tel arrêté, que nous recevrons de pied ferme, la police devra maintenir au sol la grande majorité de ses drones dans l’ensemble du pays. En effet, l’ordonnance d’aujourd’hui concerne le déploiement de drones pour lutter contre le virus et on peut douter que les autres drones de la police soient déployés pour un motif plus impérieux — qui permettraient de se passer d’un arrêté.
D’autres outils de la Technopolice restent sans cadre juridique et continuent pourtant de se déployer : vidéosurveillance automatisée, capteurs sonores, police prédictive… Une telle décision nous encourage à continuer nos combats.
Voici des extraits de l’ordonnance du juge des référés du 18 mai 2020 :
« Il résulte de l’instruction que les appareils en cause qui sont dotés d’un zoom optique et qui peuvent voler à une distance inférieure à celle fixée par la note du 14 mai 2020 sont susceptibles de collecter des données identifiantes et ne comportent aucun dispositif technique de nature à éviter, dans tous les cas, que les informations collectées puissent conduire, au bénéfice d’un autre usage que celui actuellement pratiqué, à rendre les personnes auxquelles elles se rapportent identifiables. Dans ces conditions, les données susceptibles d’être collectées par le traitement litigieux doivent être regardées comme revêtant un caractère personnel…
Compte tenu des risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles qu’elle comporte, la mise en œuvre, pour le compte de l’Etat, de ce traitement de données à caractère personnel sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation devant obligatoirement être respectées ainsi que les garanties dont il doit être entouré caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privé..
il y a lieu d’enjoindre à l’Etat de cesser, à compter de la notification de la présente ordonnance, de procéder aux mesures de surveillance par drone, du respect, à Paris, des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de déconfinement tant qu’il n’aura pas été remédié à l’atteinte caractérisée au point précédent, soit par l’intervention d’un texte réglementaire, pris après avis de la CNIL, autorisant, dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 applicables aux traitements relevant du champ d’application de la directive du 27 avril 2016, la création d’un traitement de données à caractère personnel, soit en dotant les appareils utilisés par la préfecture de police de dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées »
Mots-clefs : justice administrative, police, videosurveillance