Les premières de corvées

Publié le 29 mai 2020

Un article de X. Molénat, intitulé « les héroïnes sont fatiguées » d’Alternatives Economiques du 19 mai, insiste sur le fait massif et connu, mais pas encore reconnu, que ce sont les femmes qui ont été et restent les premières de corvées et dont le travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Et pourtant notre Constitution dans l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 proclame : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Ce qui a été rappelé par le Président de la République mais qui n’a vu encore aucune application. Paroles, paroles…

« Le constat fut à peine audible sous les concerts de casseroles et d’applaudissements qui ont rythmé les soirées de la France confinée : les héros de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 étaient en fait… des héroïnes. Le personnel soignant ? Féminin, dans son écrasante majorité. Les vendeurs et caissiers des commerces de première nécessité ? Environ huit sur dix sont des femmes. Et tout parent sait qu’il est rare de croiser un homme lorsqu’on amène son enfant à l’école maternelle ou primaire…

Gilets jaunes, grève dans les hôpitaux ou à l’Education nationale : nombre de celles que l’on porte aujourd’hui au pinacle étaient, il y a peu, mobilisées sous une forme ou une autre pour protester contre l’injustice de leur condition. Car, on le sait, les compétences mises en œuvre dans ces métiers dits « féminins » sont souvent sous-estimées. « Les compétences relationnelles ne sont que très rarement considérées comme des compétences techniques et complexes, ont rappelé dans une tribune syndicalistes et chercheurs. Elles sont assimilées à des qualités personnelles, niant ainsi les connaissances et l’expérience professionnelles pourtant indispensables ».

Mais c’est également la pénibilité des tâches, souvent ingrates et guère « télétravaillables », qui est minimisée dans ces professions caractérisées par la polyvalence, les interruptions intempestives et une exigence de disponibilité permanente. En une formule saisissante, deux sociologues ont d’ailleurs avancé que ces métiers dits « féminins » se caractérisent moins par l’assignation à un certain type d’activités, que par le fait de « devoir faire ce qu’il reste à faire ». Autrement dit, de prendre en charge toutes ces choses à faire qui ne sont inscrites sur aucune fiche de poste mais qu’il faut pourtant accomplir pour que « ça tourne ». Et qui, sans être nécessairement déplaisantes, relèvent en bonne partie du sale boulot (tâches insignifiantes, pénibles, voire dégoûtantes)…. »

Face à ce travail débordant, les promesses de revalorisation se multiplient, mais tardent à se concrétiser, puis finissent par se dissoudre dans le méandre des contreparties exigées. L’augmentation des enseignants, de longue date promise, risque de faire les frais de l’abandon quasi-certain de la réforme des retraites, à laquelle le gouvernement l’avait liée.

La semaine dernière, le président de la République a annoncé sa volonté de mettre fin à la « paupérisation » du personnel soignant, mais les négociations annoncées entendent également aborder la question du temps de travail. Une prime exceptionnelle de 1 000 à 1 500 euros a été annoncée pour le personnel des Ehpad, que réclament également les employés à domicile, pour l’instant écartés. Mais qui les entendra ?

Pourtant, il serait temps que tout ce travail soit rémunéré à sa juste valeur, que la pandémie a avec force rappelée. Car nul ne peut plus feindre d’ignorer que, malgré le sourire qu’elles s’efforcent de garder, les héroïnes sont fatiguées. »

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