Attention au tour de passe-passe du magicien Macron

Publié le 3 juillet 2020

Dans le projet de troisième loi de finances rectificative pour 2020 en discussion au parlement, l’annonce des 500 milliards que l’Etat met sur la table peut faire croire à de l’argent effectivement mis sur la table. En fait il y a seulement 50 milliards de vraie rallonge budgétaire.

Et rien sur la transition écologique. Comme quoi il y a beaucoup de bonnes paroles comme la prise en considération des mesures la proposées par la Convention citoyenne pour le climat, mais les traductions en actes réels attendent…

Un article d’Alternatives économiques décortique longuement cette manipulation de l’information financière, en voici quelques extraits :

« Entre la loi de finances initiale 2020 (décembre 2019) et le PLFR 3 (juin 2020), la dépense de l’Etat (hors comptes de l’assurance chômage et de la sécurité sociale) augmente en effet de 57 milliards d’euros, dont 51 milliards d’euros au titre du plan d’urgence face à la crise sanitaire, 5,4 milliards d’euros pour les crédits des ministères et 1,9 milliard pour l’Union européenne. C’est plutôt cet ordre de grandeur, une cinquantaine de milliards d’euros, qu’il faudrait retenir pour la réponse publique face à la crise en France, sur le plan du soutien à l’activité des entreprises et au-delà des filets sociaux par ailleurs mis en place. Ce volume est essentiellement consommé par deux programmes : le financement de l’activité partielle (qui totalise 31 milliards d’euros après sa revalorisation dans le PLFR 3) et le fonds de solidarité pour les petites entreprises (8 milliards).

Cette magie des chiffres ébouriffante fait également étinceler les plans sectoriels qui viennent d’être annoncés…

Le gouvernement a indiqué que près de 45 milliards d’euros avaient été mobilisés pour ces plans sectoriels, dont 18 milliards pour le tourisme, 15 milliards pour l’aéronautique et 8 milliards pour l’automobile… les 45 milliards d’euros d’aides sectorielles annoncées ne pèsent en réalité pas bien lourd budgétairement parlant et consistent surtout en prêts directs de l’Etat, garanties publiques d’emprunts, garanties à l’export qui s’ajoutent au chômage partiel et aux exonérations sociales…

Miettes écologiques dans les plans automobile et aéronautique

Venons-en à la question suivante. Sur cette cinquantaine de milliards d’euros, quelle part va à la transition écologique ? En définitive pas grand-chose. Cela se résume pour l’essentiel aux annonces « vertes » incluses dans les plans automobile et aéronautique…

La transition écologique ne représente donc que quelques miettes sur cinquante et quelques milliards de rallonge budgétaire en 2020. Mais est-ce si grave, s’agissant de mesures d’urgence destinées à répondre à la récession ? La réponse est oui.

D’abord, c’est un très mauvais signal donné pour la suite. Il en va de même des aides non budgétaires (prêts et garanties d’Etat), octroyées à l’automobile, à l’aviation, ou à d’autres secteurs sans contreparties environnementales. Par temps de crise, c’est le retour du refoulé. L’inconscient profond des dirigeants s’exprime et reprend le dessus : l’écologie, c’est mauvais pour l’économie, ça commence à bien faire, on verra plus tard.

Les secteurs « à double dividende », écologique et économique sont pourvoyeurs à court terme d’emploi et de formation professionnelle, particulièrement pour les jeunes en décrochage

Ce très mauvais signal pour le futur est également une très mauvaise décision pour le présent. Car en réalité, l’écologique et l’économique sont les deux faces de la même pièce. La récession sans précédent dans laquelle la France est plongée commanderait d’accroître de toute urgence les investissements dans des secteurs « à double dividende », écologique et économique.

Typiquement, la rénovation thermique performante des logements et des bâtiments tertiaires, les énergies renouvelables, les infrastructures ferroviaires… c’est-à-dire des secteurs pourvoyeurs à court terme d’emploi et de formation professionnelle, particulièrement pour les jeunes en décrochage. Et susceptibles de réduire à un horizon proche les dépenses énergétiques des Français (en particulier les 7 millions d’entre eux qui vivent dans la précarité énergétique selon le dernier tableau de bord de l’ONPE).

Parallèlement, il s’agirait d’orienter ces dépenses vers l’économie locale plutôt que vers les exploitants étrangers de gisements de pétrole, de gaz, de charbon ou d’uranium. Les Français ont dépensé 45 milliards d’euros en 2019 et autant en 2018 en achats d’hydrocarbures et autres ressources énergétiques importées. Un niveau comparable à l’impulsion budgétaire liée à la crise…

Accélérer l’investissement public dans les secteurs à double dividende serait d’autant plus justifié que la récession pourrait être encore pire que ne l’envisage Bercy. Le PLFR 3 a été construit sur une hypothèse de chute du PIB de 11 %, qualifiée « à ce jour dans le bas de la fourchette des prévisionnistes ». Or quelques heures avant que Bruno Le Maire ne présente le texte en conseil des ministres, l’OCDE annonçait dans ses nouvelles perspectives économiques une baisse d’activité pour la France comprise entre 11,4 % et 14,1 %. Soit la contraction la plus importante au monde.

Au passage, ces chiffres catastrophiques, au-delà de souligner les fragilités structurelles de l’économie française face à un choc mondial de demande (le poids de l’aéronautique, du luxe, du tourisme), interrogent la gestion de la crise par une administration devenue aussi verticale que dégarnie.

Dans une note parue le 1er avril dernier, le think tank I4CE recommandait d’accroître dès 2020 la dépense publique de 6,7 milliards d’euros par an précisément dans ces secteurs à double dividende : rénovation des logements privés, rénovation des bâtiments tertiaires, infrastructures de transports en commun, développement du vélo et des pistes cyclables, production d’électricité renouvelable, voitures électriques… soit une hausse de 50 % par rapport au niveau actuel. Un effort à la fois jugé réaliste et indispensable pour remettre la France sur les rails de ses propres engagements climatiques… tout en soutenant efficacement la machine économique. La proposition n’aura pas été retenue… si tant est qu’elle ait été seulement examinée… »

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