Les observations de la CRC sur la gestion de la métropole

Publié le 20 novembre 2020

La Chambre Régionale des Comptes Aura (CRC) a délibéré le 23 juillet 2020 sur la gestion de la métropole durant les années 2014-2018. Le rapport est présenté le 20 novembre au Conseil de la Métro, il devient alors public et sera accessible sur le site de la cour de Comptes dans les prochains jours.

Ce rapport est particulièrement critique sur le projet de nouveau siège pour la Métro qui coûte très très cher.

« La chambre regrette que l’hypothèse du regroupement avec la commune de Grenoble n’ait pu être développée, alors même que cette dernière rencontre les mêmes difficultés de mise aux normes de l’hôtel de ville et qu’elle initiait parallèlement une opération immobilière pour regrouper ses locaux administratifs.

Par ailleurs, il est tout aussi regrettable que les différentes options n’aient pas été présentées à l’assemblée délibérante alors qu’elles avaient été précisément étudiées…

Ainsi, tout membre de l’organe délibérant doit notamment être destinataire, cinq jours francs avant la séance, d’une note de synthèse relative aux affaires soumises à délibération (art. L. 2121-12 du CGCT). Cette note de synthèse doit permettre aux élus « d’apprécier les incidences, en fait et en droit de la décision à prendre », sauf à rendre illégale la délibération (CAA de Nancy, 30 avril 2008, n° 07NC00414). Selon le juge administratif, cette obligation d’information doit être adaptée « à la nature et à l’importance des affaires » (CE, 14 novembre 2012, n° 342327).

En l’espèce, au regard de l’importance de l’opération pour la métropole, la chambre considère que les élus n’ont pas été suffisamment informés lors de la délibération initiale du 22 décembre 2017. »

Comme quoi il est légitime que le nouveau conseil de la métropole reprenne complètement ce dossier qui est mal parti.

D’autres critiques concernent notamment la gestion des emprunts toxiques pris par la Métro pour construire le stade des Alpes (voir article à ce sujet), l’absence du pacte financier et fiscal de solidarité pourtant imposé par la loi et la dotation de solidarité communautaire (DSC) qui ne correspond pas aux exigences légales depuis des années…

La CRC fait 6 recommandations :

« Recommandation n° 1 : étendre les périmètres des services communs à d’autres fonctions supports et d’autres communes.

Recommandation n° 2 : conclure un pacte financier et fiscal de solidarité.

Recommandation n° 3 : réviser les modalités d’attribution de la dotation de solidarité communautaire.

Recommandation n° 4 : mettre en place des objectifs et indicateurs par politique publique afin de suivre les évolutions du service rendu.

Recommandation n° 5 : mettre en conformité le temps de travail de l’ensemble des agents avec la durée légale de 1607 heures par an.

Recommandation n° 6 : réviser la politique de provisionnement afin d’y intégrer l’ensemble des risques et charges identifiés. »

La synthèse :

« La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles prévoit que les EPCI à fiscalité propre de plus de 400 000 habitants sont transformés en métropole de droit commun à compter du 1° janvier 2015. Comptant un peu plus de 440 000 habitants, la communauté d’agglomération de Grenoble Alpes Métropole est donc devenue la métropole Grenoble-Alpes Métropole à cette date, à périmètre inchangé. Il existe encore en son sein des syndicats intercommunaux de création ancienne regroupant plusieurs communes de la métropole.

La politique de la métropole en matière de relations avec les communes membres est de créer une « co-institution ». Cette politique de concertation, qui se manifeste par la tenue d’instances nombreuses et utiles, n’a pas permis de lever des points de blocage importants tels que l’adoption d’un pacte financier et fiscal, pourtant obligatoire, ou encore la révision de la dotation de solidarité communautaire, figée depuis 2008 sur des variables obsolètes. De même, soucieuse de l’équilibre financier des communes, la métropole n’a pas réussi à faire financer la compétence voirie à son juste niveau, ni la compétence ouvrages d’art1. Ainsi, même si la métropole a mis en place des plans d’investissement répondant aux besoins prioritaires, des inquiétudes se font jour sur l’entretien de ce patrimoine.

En matière de mutualisations, si des avancées importantes ont été réalisées en 2015 par la création de services communs avec la commune-centre, le schéma de mutualisation a été adopté tardivement et est peu ambitieux. Le développement d’autres services communs sur des fonctions supports ou l’extension à d’autres communes n’est pas une priorité de la métropole.

La métropolisation a eu pour effet un quasi-doublement des effectifs entre 2014 et 2018 (+ 80 %). Cependant, une partie de l’augmentation de la masse salariale est due non aux transferts de compétences mais à des créations de poste, correspondant à ce qu’elle appelle un effet de « structuration ». De fait, sur la période, l’évolution de la masse salariale n’a pas été suffisamment maîtrisée, sa progression atteignant près de 10 % par exercice, hors effet des transferts. En règle générale, le pilotage de la masse salariale est à améliorer : la direction des ressources humaines ne s’est pas encore adaptée à cette augmentation des effectifs.

Le quasi-doublement des effectifs a incité la métropole à initier un projet de construction d’un nouveau siège, d’un montant de 86 M€. Pour justifier cet investissement important, la métropole met en avant des gains en fonctionnement lissés sur 30 ans, mais aussi en matières sociale et environnementale. Ces gains sont discutables au regard du poids de cet investissement à court et moyen termes. Par ailleurs, la chambre relève que le conseil métropolitain n’a pas été suffisamment informé des coûts et des options possibles lors du lancement de ce projet.

L’amélioration de la situation financière de la métropole, qui apparaît satisfaisante avant prise en compte des effets de la crise sanitaire de 2020, est, pour beaucoup, due aux transferts de compétences ainsi qu’au dispositif de dette récupérable. En intégrant le remboursement de dette récupérable, la capacité d’autofinancement nette de la métropole apparaît moins confortable. Si la capacité de désendettement respecte l’objectif fixé, l’encours de la dette augmente fortement, d’une part, du fait de la métropolisation, mais aussi, d’autre part, du fait de choix de gestion conduisant à étaler dans le temps certaines charges conséquentes, notamment celles liées à la dette envers le syndicat mixte des transports en commun et la SEM Gaz et Electricité de Grenoble.

En matière de gestion de la dette, la métropole a dû assumer les conséquences de décisions passées, notamment en sécurisant un emprunt structuré très risqué, pour un coût de 25,5 M€.

Si le profil de son encours s’est amélioré, il présente toujours certains risques face auxquels la métropole n’a pas constitué de provisions. Elle assume par ailleurs un coût de 5 M€ par an correspondant aux contrats d’échange de taux d’intérêt souscrits.

La situation financière de la métropole pourrait se tendre à moyen terme, même si l’analyse prospective, établie en 2019 avant la crise sanitaire du covid19 et qui doit être revue en conséquence, montre des agrégats satisfaisants jusqu’en 2023.La métropole est en réalité encore largement en constitution, quatre ans après sa création, et les processus de pilotage de la masse salariale et de la performance ne sont pas mis en place complètement (réorganisation de la fonction ressources humaines, dialogues de gestion). Il n’est d’ailleurs pas possible de mesurer si la création de la métropole a eu un effet d’entrainement démographique ou économique. De même, il n’est pas possible d’apprécier l’amélioration du service rendu aux usagers, non par manque de recul mais parce que la métropole n’a pas encore développé cette démarche de suivi. »

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