Rapport 2020 de l’Observatoire des inégalités : la pauvreté progresse chez les jeunes

Publié le 4 décembre 2020

L’Observatoire des inégalités a publié jeudi 26 novembre, son rapport sur la pauvreté en France. L’étude pointe notamment la progression de la pauvreté chez les jeunes qui représentent la moitié de la population pauvre du pays. L’Observatoire fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian (contre 60 % pour d’autres études) soit 885 euros par mois pour une personne seule. En France, 8,3 % de la population vit sous ce seuil de pauvreté soit 5,3 millions de personnes. En mars 2020, 1,9 million de ménages ont perçu le RSA et 22 % des jeunes (18-29 ans) qui ne vivent pas chez leurs parents sont pauvres.

Si l’on regarde de plus près la situation des jeunes (enfants et 18-29 ans), la part de cette tranche d’âge est surreprésentée parmi les plus pauvres. Ainsi, près d’un pauvre sur deux en France a moins de 30 ans. Chez les 18-24 ans, le taux de pauvreté atteint 12,8 %, soit deux fois plus que la moyenne française.

« L’épidémie de coronavirus a déjà fait plus de 40 000 morts en France. Pour se protéger, notre pays a dû mettre en pause son économie. En 2020, la récession atteindra des niveaux inégalés depuis la dernière guerre mondiale. Nous allons en payer les dégâts, avec une progression attendue et dévastatrice du chômage. Compte tenu aussi de la perte de revenus subie par les demandeurs d’emploi, de la baisse d’activité de certains non-salariés, plusieurs centaines de milliers de personnes ont déjà basculé sous le seuil de pauvreté.

C’est donc dans un contexte difficile que l’Observatoire des inégalités publie ce second Rapport sur la pauvreté en France. La première édition, il y a déjà deux ans, avait connu une grande audience et nous avions dû en faire une seconde impression. Ce nouveau document actualise les données de 2018 et offre de nouveaux éclairages. Malheureusement, un grand nombre de données manquent encore – les revenus sont connus avec deux années de décalage en France, comme dans la plupart des pays – mais, d’ores et déjà, nos éléments permettent de planter le décor, de comprendre la crise sociale actuelle.

Ce rapport sur la pauvreté est rédigé volontairement dans un langage accessible au plus grand nombre, alors que les documents qui existent sur le sujet sont le plus souvent réservés à des spécialistes. Nous visons une large diffusion pour servir de point de départ à une discussion éclairée sur les politiques sociales. Nous cherchons aussi à faire la part des choses dans un débat polarisé entre ceux qui, pour alerter, exagèrent la pauvreté dans notre pays, et ceux qui ne veulent pas voir les difficultés sociales de certains de nos concitoyens. Rappelons que nous optons, dans ce rapport pour le seuil de pauvreté de 50 % du niveau de vie médian, plus faible que le seuil de 60 % qui est le plus souvent utilisé. Il aboutit à un nombre de pauvres presque deux fois moins élevé (cinq millions contre neuf millions), mais permet de se focaliser sur des populations en grande difficulté.

Oui, la France reste l’un des meilleurs modèles sociaux au monde qui protège mieux les pauvres que la plupart des autres pays riches. Non, cela ne veut pas dire que la situation n’est pas inquiétante, et on peut comprendre que s’insurgent tous ceux qui, au quotidien, soutiennent les plus démunis. La pensée binaire, en noir et en blanc, permet de s’invectiver, de faire le « buzz », notamment sur les réseaux sociaux en jouant à qui hurle le plus fort. Nous voulons à travers ce document proposer quelque chose de différent, de plus nuancé, mais qui nous semble davantage refléter la réalité sociale de notre pays.

Les jeunes en première ligne

Le document que nous publions présente des graphiques et des tableaux de données commentés qui permettent de mesurer avec précision l’état de la pauvreté, d’évaluer les difficultés des plus démunis, de montrer ce qui s’améliore et ce qui se détériore. Il montre notamment l’évolution du taux de pauvreté, du nombre de personnes pauvres, du seuil de pauvreté, ainsi que les caractéristiques (âge, sexe, diplôme, etc.) des personnes touchées. Dans cette édition, nous avons choisi de mettre particulièrement l’accent sur la pauvreté des jeunes, les premiers touchés par le ralentissement économique. Les moyennes générales masquent souvent l’impact plus important d’un phénomène sur des catégories spécifiques. Nous donnons aussi un certain nombre d’éléments nouveaux sur les territoires, en particulier les données sur la forte pauvreté dans les départements d’outre-mer.

Ce second Rapport sur la pauvreté en France rassemble aussi un grand nombre de paramètres pour aider le lecteur à mieux comprendre les faits et à élargir son champ de vision. Des encarts expliquent, par exemple, les différentes manières de mesurer et d’appréhender la pauvreté. Nous évaluons en particulier le nombre des « invisibles », ceux qui échappent à toute statistique. Nous présentons aussi les différents concepts voisins de la pauvreté. Nous étendons la pauvreté à des mesures non monétaires et, enfin, nous comparons les niveaux de vie des plus démunis à ceux du reste de la population.

Le diagnostic est établi. Les pouvoirs publics sauront-ils apporter des réponses à la hauteur ? Il n’est pas trop tard pour éradiquer la pauvreté, comme le promettait le président de la République en 2018. Notre système social, très performant, n’est plus qu’à un doigt d’y parvenir. Pour cela, il faut mettre en place, non pas un revenu universel, mais un revenu minimum unique qui garantisse la sortie de la pauvreté des plus démunis, sans exclure personne, notamment les plus jeunes comme cela est le cas aujourd’hui.

La majorité au pouvoir, qui a largement soutenu le niveau de vie des plus riches, continue à faire la sourde oreille aux demandes pour plus de justice sociale, alors même que l’épargne a progressé du fait du confinement. Les attentes, exprimées notamment par les organisations de soutien aux plus démunis, sont grandes. Le gouvernement risque bien de regretter plus tard son cynisme social. Noam Leandri et Louis Maurin, président et directeur de l’Observatoire des inégalités

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