Selon l’AMF, l’autonomie financière des communes est devenue une fiction

Publié le 18 décembre 2020

L’association des maires de France (AMF) n’a pas pu tenir son assemblée générale annuelle le 10 décembre à cause de la crise sanitaire. Elle a tout de même adopté, en distanciel, une résolution générale qui insiste notamment sur une profonde remise en cause par l’Etat de la décentralisation symbolisée par la fin programmée de l’autonomie financière et fiscale des communes. Qui se traduit par la disparition programmée des impôts économiques locaux après celle de la taxe d’habitation, la nationalisation des taxes locales sur l’électricité. Les communes et intercommunalités sont toujours plus dépendantes des dotations de l’État, ce qui correspond à une lente mais certaine mise sous tutelle des collectivités. L’AMF annonce qu’elle envisage d’interpeller le Conseil constitutionnel à ce sujet. Elle demande aussi une compensation intégrale des pertes de recettes des collectivités suite à la crise sanitaire, afin qu’elles puissent prendre toute leur place dans la nécessaire relance économique du pays. 

Voici un extrait de la résolution générale à ce sujet.

« Derrière la mise en scène du dialogue local, c’est en réalité une remise en cause profonde de la décentralisation qui s’opère alors qu’elle devrait être, au contraire, confortée.

C’est pourquoi il serait donc nécessaire que le plan de relance (100 milliards dont 40% devant provenir de l’Europe) s’adresse pour une large part aux communes, quelle que soit leur taille.

En effet, le long processus d’érosion de la fiscalité locale et de recentralisation de nos ressources se poursuit, avec la disparition annoncée des impôts économiques, après celle de la taxe d’habitation, et la nationalisation des taxes locales sur l’électricité. C’est la fin programmée de notre autonomie financière et fiscale.

En rendant désormais les communes toujours plus dépendantes des dotations versées par l’Etat, c’est une lente mais certaine mise sous tutelle des collectivités qui s’installe. D’autant plus quand elle s’accompagne de l’instauration et de la multiplication des contrats dont le caractère recentralisateur et léonin apparait chaque jour un peu plus.

La poursuite des politiques de restriction des budgets locaux, accentuées par les orientations de la loi NOTRe privilégiant les grandes régions et les intercommunalités XXL ne permet pas le développement de certains territoires les plus fragiles, ruraux et urbains, de métropole ou d’outre-mer, habités par des populations aux revenus très modestes ou en difficulté. C’est pourquoi nous nous sommes associés à l’appel des 200 maires des villes et quartiers populaires à l’attention du président de la République.

Après la longue série de mises en cause (« clientélisme » ; « balance ton maire ») qui a fait du tort à l’esprit démocratique, le Gouvernement initie, au cœur de la loi censée conforter les principes républicains, une hypothétique et infondée « carence » des collectivités territoriales et de leurs maires. Outre cela, le projet de loi installe un insupportable soupçon quant à la capacité des maires à assurer, notamment à travers le logement social, la mixité sociale de nos territoires. Pourtant les élus locaux portent au quotidien le vivre ensemble, les principes républicains et donc bien évidemment la laïcité qui n’est jamais que la fraternité en actes.

Nous sommes, désormais, au croisement de deux processus : d’un côté, un mécanisme accéléré de recentralisation, qui prend de l’ampleur et de l’autre la confirmation du rôle indispensable que jouent les collectivités locales, dont les actions et initiatives sont plébiscitées par les français.

Nous avons le sentiment que moins l’Etat est présent sur le territoire, plus il renforce son autoritarisme vis-à-vis des collectivités.

La situation sanitaire et les états d’urgence successifs, que connait notre pays, démontrent le danger que peuvent représenter toutes les formes de limitation des libertés publiques. Il est désormais urgent que nos institutions retrouvent un fonctionnement normal, garantissant ainsi nos libertés individuelles.

Nous, maires et présidents d’intercommunalité souhaitons tirer pleinement les leçons de la crise actuelle pour construire un nouveau rapport entre l’Etat et nos collectivités

Cependant, réinventer cette relation suppose que nos légitimes revendications soient enfin entendues et surtout satisfaites.

Face à la hausse de certaines de nos dépenses affectées à la gestion de la crise et de ses conséquences, la baisse de nos recettes doit être intégralement compensée afin que nous puissions prendre toute notre place dans la nécessaire relance économique de notre pays.

La libre administration des collectivités territoriales et le principe d’autonomie financière (auquel il conviendrait d’adjoindre l’autonomie fiscale) tous deux énoncés par la Constitution ne sont plus aujourd’hui que principes bafoués. Il apparaît nécessaire d’interpeller le Conseil constitutionnel sur la fiction que sont devenus ces principes.

Seul un véritable dialogue nous permettra de dessiner ensemble les nouvelles caractéristiques de ces autonomies indispensables à la vie de nos territoires. Il en va de la vitalité de l’idéal démocratique quand on mesure à quel point, dans notre pays, le consentement à l’impôt est au cœur de notre pacte républicain.

Afin d’inaugurer cette nouvelle étape de la décentralisation dont notre pays a tant besoin, il nous semble indispensable d’inverser la logique des compétences : à l’Etat, une liste des compétences recentrées sur les missions régaliennes et de solidarité (sociale et territoriale), l’ensemble des autres compétences étant gérées par les collectivités locales.

Nous n’opposons pas la déconcentration à la décentralisation. Nous souhaitons, plus que jamais, un Etat fort mais qui développerait ses compétences et ses moyens au cœur des territoires.

En effet, il ne saurait y avoir des collectivités fortes sans un Etat local fort car il n’y a pas de bonne décentralisation sans une déconcentration parallèle des services de l’État. »r

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