Pesticides : le Conseil constitutionnel donne raison aux associations écologistes

Publié le 26 mars 2021

Le Conseil constitutionnel été saisi le 4 janvier 2021, par le Conseil d’Etat, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par des ONG demandant l’annulation du décret du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation. Le 19 mars, le Conseil constitutionnel a donné raison aux associations écologistes dont Générations futures, France Nature Environnement ou UFC-Que Choisir, qui critiquent depuis le départ une consultation au rabais des riverains.

L’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de bâtiments est subordonnée à des mesures de protection de leurs habitants. Celles-ci sont définies par les utilisateurs de ces produits dans une charte d’engagements à l’échelle départementale. Ces chartes doivent faire l’objet d’une concertation préalable avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique.

Les associations soutenaient notamment que le législateur aurait insuffisamment précisé les conditions de la concertation préalable à l’élaboration des chartes. Elles contestaient également le fait que le législateur ait permis que cette concertation associe, non pas chacun des riverains en cause, mais seulement leurs représentants.

Le communiqué du Conseil Constitutionnel explique :

« S’agissant du cadre constitutionnel applicable, le Conseil constitutionnel rappelle notamment que, selon l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Depuis l’entrée en vigueur de cette Charte, il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève, en premier lieu, que, à défaut de mise en place de mesures de protection ou dans l’intérêt de la santé publique, l’autorité administrative peut restreindre ou interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il en résulte que, lorsqu’elle constate que les mesures proposées dans le projet de charte sont suffisantes pour protéger les riverains de la zone d’épandage, elle l’approuve. Cette approbation permet alors aux utilisateurs de procéder à des épandages selon les conditions prévues dans la charte. En revanche, lorsque l’autorité administrative considère ces mesures insuffisantes, elle restreint ou interdit ces épandages. Par conséquent, les chartes d’engagements doivent nécessairement faire l’objet d’une décision de l’autorité administrative pour produire des effets juridiques.

Le Conseil constitutionnel relève, en outre, que dès lors qu’elles régissent les conditions d’utilisation à proximité des habitations des produits phytopharmaceutiques, lesquels ont des conséquences sur la biodiversité et la santé humaine, ces chartes ont une incidence directe et significative sur l’environnement.

Il déduit de ce qui précède que les chartes d’engagements départementales approuvées par l’autorité administrative constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

En second lieu, le Conseil constitutionnel relève que, par les dispositions contestées, le législateur a prévu une procédure particulière de participation du public. La procédure subsidiaire de participation du public prévue par l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement n’est donc pas applicable à l’élaboration de ces chartes. Or, d’une part, les dispositions contestées se bornent à indiquer que la concertation se déroule à l’échelon départemental, sans définir aucune autre des conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit de participation du public à l’élaboration des chartes d’engagements. D’autre part, le fait de permettre que la concertation ne se tienne qu’avec les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées par des produits phytopharmaceutiques, ne satisfait pas les exigences d’une participation « de toute personne » qu’impose l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Pour ces motifs, le Conseil juge que les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles résultant de cet article. Il les déclare en conséquence contraires à la Constitution. Cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision. »

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