Pour une politique sociale du logement dans l’agglomération, suite

Publié le 16 juillet 2021

Lors du Conseil municipal de Grenoble du 12 juillet a été approuvé le principe de création d’une Société anonyme de coordination (SAC) comprenant les deux organismes ACTIS et Grenoble Habitat, pour constituer les outils métropolitains de construction, réhabilitation et gestion locative et conserver ACTIS sous contrôle politique de la métropole. Cette délibération rejoint celle du Conseil de métropole du 21 mai 2021.

Cette décision est indispensable, suite aux décisions gouvernementales qui mettent à mal les bailleurs sociaux en les étranglant financièrement et en les obligeant à se restructurer en construisant des ensembles plus importants. Et l’outil à mettre en place sera mobilisé pour remplir les exigences du Programme Local de l’Habitat (PLH 2017-2022) auquel le préfet apporte une grande attention et sans doute une grande surveillance. Il y a déjà 8 communes qui sont carencées (deux de plus que l’an passé) et qui doivent payer une « amende » à la Métro pour insuffisance de construction de logement social.

Rappelons comment fonctionnent financièrement les organismes HLM.

Leurs recettes proviennent pour l’immense majorité (au moins 85%) des loyers des ménages dont un nombre croissant, se trouvent bien en dessous des plafonds de revenus d’éligibilité au logement social et les loyers et leur évolution indicielle annuelle sont fixés réglementairement. L’organisme bailleur social n’a pas la liberté de fixer les loyers comme il l’entend (contrairement à ce que laissent entendre les représentants des locataires à ACTIS lorsqu’ils comparent les loyers avec Grenoble Habitat).

Tout bailleur doit obligatoirement réaliser un Plan Stratégique de Patrimoine (PSP), qui précise l’état de ses logements, des travaux à réaliser, des bâtiments qui seront à rénover fortement et les projets de construction pour avoir un patrimoine qui ne soit pas seulement vieillissant. C’est un plan stratégique à long terme (10 ans) qui brosse l’état du patrimoine, les priorités pour l’entretenir et de le rénover, le rythme et le volume des constructions neuves, ainsi que le plan de financement nécessaire à l’ensemble de ces orientations.

Ce PSP est intégré à la Convention d’Utilité Sociale (CUS), document de contractualisation avec l’Etat et les collectivités de rattachement, entré en vigueur en 2008, que chaque bailleur social doit produire et destiné à mesurer l’efficacité du « service social » de l’organisme.

Pour construire et réhabiliter, l’organisme reçoit des subventions. Elles sont issues principalement de la Métropole, de l’Etat (uniquement maintenant pour les logements PLAI pour les plus démunis) et du 1%. Les communes peuvent également apporter des aides spécifiques en direction de certains programmes de constructions neuves ou de rénovation lourde. Le montant cumulé des subventions excède rarement 15% du coût d’un logement rénové ou neuf. 

En plus des subventions et depuis très longtemps, chaque bailleur prévoit des ventes à ses locataires à raison de quelques logements par an pour diverses raisons : pour offrir une possibilité aux personnes à bas revenus d’acquérir leur logement, ou pour simplifier sa gestion locative (par exemple, vente des logements dans le diffus). C’est essentiel pour le maintien de son dynamisme puisque la vente d’un logement permet d’en construire 3 neufs ou d’assurer des rénovations très lourdes, en lui apportant quelques fonds propres et enfin l’appel à l’emprunt (la majeure partie du financement) pour investir dans la construction, la rénovation, le gros entretien. Les bailleurs sont aussi amenés à racheter des logements dans le diffus, lorsqu’ils sont majoritaires dans des copropriétés et que des propriétaires souhaitent vendre.

Rappelons que les SEM de construction, qui ont un agrément concernant le logement social, comme Grenoble Habitat, peuvent aller sur le terrain concurrentiel et utiliser les profits effectués pour renforcer financièrement l’activité logement social, ce que ne peuvent pas faire les autres types de bailleurs sociaux. C’est pourquoi la Métropole tient à renforcer l’activité de la SEM pour pouvoir poursuivre sa politique sociale du logement malgré les difficultés créées par le gouvernement.

Ce qu’il faut retenir,

  • Tout bailleur social est soumis à des règles strictes définies dans le Code de la Construction et de l’Habitation (CCH).
  • Un bailleur social n’a ni la vocation, ni la capacité de se substituer à ses locataires qui n’arrivent plus à payer leur loyer lorsque leurs ressources diminuent, c’est à la solidarité nationale et locale (par l’impôt) d’y subvenir, sinon ce serait accepter d’organiser la solidarité uniquement entre les ménages les plus pauvres !
  • Les organismes de logements sociaux sont peut-être des organisations imparfaites, et il y a des « trous dans la raquette » du droit au logement pour tous. Nous demeurons cependant l’un des pays les plus protecteurs du droit au logement pour le plus grand nombre de nos concitoyens aux revenus modestes.

Soyons vigilant de ne pas voir ce modèle disparaître au profit de dispositifs entièrement privés selon le « modèle Tatcher des années 80 », qui a conduit à la destruction de cette solidarité historiquement forte en Grande Bretagne, ou des propositions théoriquement très généreuses, mais pratiquement inopérantes et qui pourraient s’avérer bien plus injustes que le système en vigueur.  Il restera toujours nécessaire de rechercher à l’améliorer et à le faire évoluer pour un accès au logement de toutes celles et ceux qui font une demande de logement social et pour celles et ceux qui sont déjà locataires. 

Voici le texte de la délibération adoptée le 12 juillet, qui donne l’accord de Grenoble à la création de la SAC entre ACTIS et Grenoble Habitat :

« La loi de Finances 2018 est venue bouleverser le modèle économique sur lequel repose le financement du logement social en France : la réduction de Loyer de Solidarité et l’augmentation de la Taxe sur la Valeur Ajoutée induisent une perte de ressources significative pour les bailleurs sociaux fragilisant de fait les organismes et la réalisation des programmes en cours et à venir de construction et de réhabilitation de logement.

En outre, la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) engage une réforme profonde de l’organisation du secteur puisqu’elle impose aux organismes de logement locatif social d’atteindre la taille de -12 000 logements au minimum.

Dans ce contexte de très forte transformation du logement social, et compte tenu des besoins toujours insatisfaits pour les habitants de notre territoire en termes de logements, la Ville de Grenoble s’associe à la Métropole pour engager la construction d’un groupe métropolitain de construction et la gestion locative. Ce groupe devra permettre de contribuer à la réalisation du Programme Local de l’Habitat (PLH).

Ce groupe devra notamment :

  • faciliter l’accès au logement pour les foyers à revenus modestes par le développement d’un parc social de qualité et en préservant la capacité du futur outil de construire du logement adapté ou spécifique ;
  • contribuer à la transition énergétique notamment par la réhabilitation des logements et la construction de bâtiments énergétiquement performants, dont la sobriété en matière de consommation énergétique est bénéfique pour les locataires ;
  • préserver une capacité opérationnelle sous pilotage des élus locaux. Il s’agit de conserver un outil métropolitain de l’habitat au sein duquel les collectivités disposent d’une place prépondérante dans la gouvernance ;
  • préserver une capacité financière en mobilisant des ressources sur le secteur d’activité marchand, pour l’injecter sur le secteur du logement social et ainsi pérenniser sur le long terme les capacités de production et de réhabilitation de logements sociaux sur la métropole.
  • rechercher une amélioration constante de la gestion locative
  • expérimenter de nouvelles formes de gestion permettant de mettre le locataire au cœur des dispositifs de gestion locative et de son quartier
  • contribuer à garantir la qualité architecturale des immeubles de logement sur le territoire ACTIS et Grenoble Habitat sont les deux briques essentielles du nouvel outil dont la forme est à inventer. ACTIS détient plus de 11 100 logements familiaux, Grenoble Habitat près de 4 500 logements ce qui constituerait une Société de Coordination de plus de 15 600 logements et assimilés dont plus de 80% sont situés sur le territoire Grenoblois.

Dans une volonté partagée de se doter d’un outil métropolitain solide, dédié à l’habitat, mais aussi dans le respect de l’exercice des compétences de chacun, la Ville de Grenoble affirme sa volonté de transmettre Grenoble Habitat à la métropole. Ceci devrait se traduire prochainement par la conclusion d’un protocole de cession/acquisition d’une majeure partie des actions ville par Grenoble Alpes Métropole et assorti d’un pacte d’actionnaires, condition préalable à la constitution de la SAC. Pour rappel, l’OPH Actis avait été transféré de la ville à la métropole au 1 janvier 2018, avec l’ensemble de son patrimoine (estimé à 180M€ nets) conformément à la loi ALUR.

La création d’une Société de Coordination (SAC) est une 1ère étape qui permettra de répondre aux impératifs de la loi ELAN, à l’ambition de garder le pilotage local de la politique publique de l’habitat, et à la nécessité pour la ville de Grenoble de se mettre en cohérence avec ses compétences municipales.

Ce rapprochement d’ACTIS et de Grenoble Habitat au sein de cette SAC permettra, en outre, de croiser des compétences complémentaires (construction, gestion, réhabilitation) et d’élargir le champ d’intervention de ces 2 acteurs (logement adapté ou spécifique, activités, équipements publics, etc), de la conception à la réalisation. »

Mots-clefs : , , ,

Le commentaires sont fermés.