Réforme des modes d’accueil de la petite enfance, attention danger !

Publié le 11 septembre 2021

Un décret du 30 août précise l’essentiel de la réforme des modes d’accueil de la petite enfance, en préparation depuis près de deux ans et annoncée par l’ordonnance du 19 mai 2021 relative aux services aux familles. Le gouvernement fait régresser la qualité de l’accueil et des conditions de travail dans ce secteur.

Le décret traite notamment des obligations des assistantes maternelles en matière de déclaration de leurs places disponibles, des traitements et soins médicaux des enfants pris en charge par des professionnels d’un mode d’accueil du jeune enfant, de la réglementation commune aux établissements d’accueil du jeune enfant et des crèches collectives.

Cette réforme a fait réagir fortement « Pas de bébés à la consigne » regroupement de très nombreuses associations, syndicats et professionnels de la petite enfance, qui milite pour une politique publique ambitieuse pour la petite enfance permettant aux familles qui le souhaitent d’accéder à un mode d’accueil de qualité sans barrière financière, car c’est la première condition pour assurer le droit au travail des femmes.

Il faut souhaiter que les collectivités locales résistent à certaines dispositions, qui peuvent dégrader fortement la qualité du service, notamment sur l’encadrement des enfants. Elles devront mettre en place des supervisions des équipes de crèche ce qui est positif et l’inscription de la charte petite enfance qui peut devenir une bonne base pour travailler le projet pédagogique des crèches municipales.

Voici des extraits du communiqué du 2 septembre de « Pas de bébés à la consigne » :

En dépit des belles paroles de l’Exécutif sur la période « décisive » des 1000 premiers jours et des propositions favorables de la commission du même nom, la réforme gouvernementale des modes d’accueil actée par l’ordonnance du 19 mai et par le décret du 31 août 2021 va se traduire par une dégradation manifeste de la qualité d’accueil des tout petits et des conditions de travail des professionnel.les.

En effet, les quelques avancées de la réforme (telles l’accès des assistantes maternelles à la médecine du travail dont il faudra par ailleurs vérifier l’effectivité…) ne sauraient masquer les reculs notables qui impacteront sans aucun doute la qualité des modes d’accueil : possibilité pour les gestionnaires de crèches de choisir un taux d’encadrement d’un adulte pour 6 bébés au lieu de 5 jusqu’à présent, inclusion des apprentis dans le calcul de ce taux, calcul du ratio de 40% des professionnel.les les plus diplômé.es en moyenne annuelle et non plus en permanence auprès des enfants, possibilité d’accueil de 15% d’enfants en surnombre tous les jours, effectif des microcrèches porté à 12 enfants au lieu de 10 et celui des maisons d’assistantes maternelles à 20 au lieu de 16 alors que ces structures ne sont pas soumises aux mêmes exigences que les autres accueils collectifs, possibilité pour les assistantes maternelles d’accueillir sur des périodes de vacances scolaires jusqu’à 8 enfants de moins de 11 ans au lieu de 6 actuellement, option bientôt ouverte aux crèches en zone urbaine dense d’accorder seulement 5,5m2 par enfant au lieu de 7m2 sur tout le territoire… Et que dire des six heures annuelles d’analyse de pratiques royalement octroyées aux professionnel.les de crèches alors que les assistantes maternelles n’en bénéficieront qu’au bon vouloir des collectivités locales ? Malgré ses engagements le gouvernement a en outre donné suite aux « jardins d’éveil » (art. R. 2324‐47‐6 du code de la santé publique), permettant d’accueillir des enfants de plus de deux ans avec un taux d’encadrement d’un adulte pour 12 enfants ce qui ouvre la voie aux gestionnaires de contourner le taux d’un adulte pour 8 enfants en vigueur dans les grandes sections des crèches… 


Vers la privatisation du secteur petite enfance : danger !

On peut faire le parallèle avec ce qui s’est mis en place aux USA, au Royaume Uni, en Belgique ou aux Pays Bas, le secteur privé est entré en force grâce à Sarkozy sur le secteur Petite enfance par le développement des micro-crèches et aux crèches d’entreprise privées. De gros prestataires se sont mis progressivement en place, ils ont commencé par les crèches de petite taille. Ils se sont organisés et les grosses boites commerciales (entreprises de crèches) ont aujourd’hui l’oreille du gouvernement.

Ces grosses structures demandent des dispositifs qui les aident à rendre rentable leur business de crèche (exemple, passage de 10 à 12 enfants pour les micro-crèches privées à tarif libre aux familles, ou réduction des diplômes des professionnels auprès des enfants). Le gouvernement ajoute des bonnes intentions avec la charte d’accueil, mais sans donner d’obligation de moyens.

L’accueil de la petite enfance coûte cher. Si la collectivité ne veut pas ou ne peut pas payer, ce sont les enfants qui en paient les conséquences avec une dégradation de la qualité d’accueil. Les professionnel.le.s en subissent les conséquences avec des statuts précaires, des salaires bas, et des conditions de travail dégradées. Et les parents en paient le prix en n’étant pas correctement inclus dans le projet d’accueil de leur enfant, mais aussi les coûts ne sont plus supportables pour les familles à revenus moyens.

Et concernant les critères de qualité d’accueil, les études qualitatives sur la qualité d’accueil des enfants sont claires et documentées : elles montrent que le nombre d’enfants par adulte et la qualité des interactions enfants-adultes, en lien avec la professionnalisation des personnels, sont les critères structurels qui ont le plus d’impact sur le développement de l’enfant et donc sur la qualité d’accueil. Par exemple les travaux de Michel Vanderbroeck professeur au Département du travail social de l’Université de Gand l’a parfaitement décrit. Ses recherches et ses publications portent sur les lieux d’accueil de la petite enfance et le soutien à la parentalité. Dans ces domaines, il traite entre autres le sujet de la diversité et de l’inclusion sociale. Dans son livre Eduquer nos enfants à la diversité, … »La crèche transmet à l’enfant des signaux relatifs à la manière dont la société le traite : lorsque tout va bien, l’enfant reçoit un signal de bienvenue. Elle lui transmet également des messages concernant la manière dont la société traite les autres… »… » nous verrons que l’approche sans préjugés concerne tous les domaines éducatifs : l’acquisition du langage, l’autonomie et la solidarité, les aptitudes sociales, la créativité, etc.
Dans le cadre du petit monde qu’est l’institution, nous souhaitons transmettre à l’enfant une image positive de la diversité présente dans le grand monde. »…

Pour les enfants qui n’ont pas encore acquis la marche, en Bulgarie, Irlande, Malte et Pays Bas, l’encadrement est 1 adulte pour 3 enfants ; en Grèce, Hongrie, Roumanie, Finlande c’est 1 adulte pour 4 enfants. En France, c’est 1 adulte pour 5 enfants qui ne marchent pas et une évolution dans le décret vers une possibilité de 1 adulte pour 6 enfants !

A noter que le référentiel bâtimentaire pour les établissements d’accueil de la petite enfance vient d’être publié le 7 septembre. Il précise et actualise l’essentiel des normes applicables aux établissements d’accueil du jeune enfant (Eaje) en termes d’accessibilité, de sécurité, d’espaces intérieurs, d’éclairage, de qualité de l’air, de chauffage...

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