Un rapport critique de la Chambre Régionale des Comptes sur la métropole

Publié le 24 septembre 2021

Le 24 septembre, au conseil de la métropole est présenté le rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes (CRC) concernant la gestion de Grenoble Alpes Métropole (GAM) au cours des exercices 2014 et suivants. Le rapport insiste sur l’absence des statuts de la Métro, ce qui est soulevé par l’ADES depuis des années et qui a été aussi demandé par le préfet. Les élu-es (surtout les nouveaux) ne connaissent même pas le détail des compétences de la Métro qui ont beaucoup évoluées depuis la création de la métropole et l’empêche de pouvoir conventionner avec ses communes pour porter des marchés en groupement de commande.

« Il est par suite étonnant que, cinq ans après sa création, Grenoble-Alpe-Métropole n’ait pas adopté de statuts. Les statuts sont l’un des documents de référence d’un EPCI, pour ses membres, ses partenaires et ses habitants. Ils affirment son ambition par la description détaillée de son champ d’intervention, de ses modalités d’action et de son fonctionnement interne. L’adoption de statut serait un élément important de l’affirmation du fait métropolitain pour Grenoble-Alpes-Métropole. »

Elle pointe une dérive de la masse salariale : la gestion est en particulier très perfectible en matière de recrutement. Cette politique a connu des errements importants, notamment par un recours excessif aux emplois contractuels. Entre 2015 et 2020, les effectifs totaux de la métropole ont cru très fortement, bien au-delà des transferts de personnels liés aux nouvelles compétences. L’effet « structuration » de la métropole a pallié les transferts incomplets des communes, mais a également généré de nombreuses créations de poste. De même, l’organisation de la commande publique souffre de dysfonctionnements. Dispersée et peu pilotée, la fonction achat doit être formalisée au service de l’efficacité et de la sécurité juridique…

La métropolisation, loin de générer des économies d’échelle importantes en matière de ressources humaines, a plutôt engendré des charges de personnel supplémentaires, ce qui est contraire l’objectif poursuivi par le renforcement de l’intercommunalité et les possibilités à de mutualisation quelle doit favoriser. »

Sur la situation financière, la CRC indique qu’elle est plutôt saine : « Hors dérive sur les charges de personnel, la hausse des dépenses de gestion courante s’est infléchie ; les agrégats financiers sont globalement favorables. II convient toutefois d’adopter au plus vite un plan pluriannuel d’investissement à même de préserver à moyen terme les équilibres financiers globaux. » Mais s’inquiète de la soutenabilité des investissements pour les outils industriels de traitement et d’élimination des déchets qui ne semble pas assurée sans une consolidation des recettes du budget annexe et une réelle maîtrise du fonctionnement.

Elle tire le signal d’alarme sur les difficultés financières du SMMAG : « Un des risques les plus importants réside dans la perte de recettes du SMMAG, doublement impacté par, à la fois, la baisse des recettes de ventes de titres (titres unitaires, abonnements), et la baisse importante du versement mobilité lié la sortie de l’assiette des salariés en chômage partiel pendant la crise sanitaire. La perte sur le produit du versement mobilité est estimé à 7,3 M€ (revu à 6 M€ début novembre). La baisse de recettes de vente des titres comme les surcoûts liés à la mise niveau en termes de protection sanitaire des usagers et des personnels s’élèverait à 10 M€. Cette dernière estimation apparaît élevée, elle sera mesurée plus précisément en fin d’année 2020.

Quoiqu’il en soit, en tant que principal membre, la Métropole pourra être appelée au soutien du SMMAG. »

Ainsi que sur le budget annexe de collecte des déchets : « La chambre invite GAM à prendre les dispositions à même d’assurer un niveau de fonctionnement du budget annexe à la hauteur de l’ambition des politiques menées, sans subventions d’équilibre, et notamment à valoriser au niveau adapté l’ensemble des prestations de collecte. »

Elle est très critique sur certains contrats et subventions :

  • L’importance subvention avec Télégrenoble :
  • « Durant la période 2014-2019, plus de 2 M€ ont ainsi été versés à SAS Télégrenoble, sans aucun contrôle de l’EPCI sur le coût du service ou d’évaluation de son impact. La chambre invite GAM à faire diligence pour contrôler le bon usage de la subvention versée. »
  • Les marchés de prestation de communication avec WZ & Associés
  • « Les cinq marchés attribués à WZ & Associés entre 2016 et 2018 illustrent un manque de rigueur sur le fond et sur la forme, relevé également dans le cadre de l’examen des procédures relatives au centre de tri et à l’usine d’incinération…II a notamment été relevé l’impossibilité de vérifier la légalité du recours à la procédure adaptée, faute de suivi du cumul des achats et de la computation des besoins, et la prise en compte de critères illégaux au stade de l’analyse et du classement des offre ».
  • Les marchés de prestation de service avec les clubs sportifs professionnels
  • « Les achats de places aux clubs sont conséquents et doivent davantage être assimilés à un soutien financier à ces clubs, ce qui est contestable sur le fond (absence do compétence de la métropole), comme sur la forme (marchés publics pour des prestations de promotion d’image). »

Une importante partie du rapport concerne le remplacement de l’usine d’incinération et le nouveau centre de tri.

La CRC critique le choix de groupement de commande :

« le portage par groupement de commandes n’est pas la solution juridiquement adaptée aux objectifs poursuivis.

En effet, ces groupements ayant pour objet de répondre aux besoins de plusieurs acheteurs par le lancement de consultations groupées, il est par principe nécessaire que chaque membre soit intéressé par la conclusion du ou des marchés publics cibles. En l’espèce, si l’ensemble des membres est probablement intéressé par la conclusion d’un ou plusieurs contrats pour le tri et l’incinération des déchets, le même intérêt n’est pas démontré s’agissant de contrats pour exploiter et déconstruire, puis concevoir, construire et exploiter des installations qui sont ou seront la propriété exclusive de GAM. II est difficile d’admettre que chaque membre aurait initié des contrats pour détruire des installations dont il n’est pas propriétaire – et qui sont largement amorties – et en construire de nouvelles, dont il ne sera toujours pas propriétaire…

La « mutualisation » ainsi organisée s’apparente davantage à un co-financement d’installations sous maîtrise d’ouvrage et pilotage de la métropole. II est d’ailleurs significatif que la métropole n’ait pu documenter l’information aux exécutifs et organes délibérants des membres du groupement au cours de la procédure. GAM n’ignorait pas cette inadaptation. Une analyse juridique commandée en 2017 auprès d’un cabinet d’avocats préconisait sous conditions le recours à une entente et examinait également la possibilité de constituer un syndicat mixte ou une société publique locale.

La recherche de la formule la plus souple et la moins contraignante89 a prévalu sur les considérations juridiques et légales et GAM a donc choisi en connaissance de cause un outil inadapté au portage de ces projets industriels en matière de déchets…

La CRC estime que le recours au marché global de performance (MGP) concernant le nouveau centre de tri est illégal et que la quasi-totalité des constats sont transposables à l’usine d’incinération. Pour la CRC, il ne s’agit pas un marché de performance.

« Ainsi, le recours au MGP pour ces deux projets n’est pas conforme à l’esprit du texte faute de définir des objectifs à atteindre et des mécanismes de sanction et récompense. Au-delà, la mise en œuvre par la Métropole, coordonnateur, ne respecte pas la règlementation applicable, notamment à l’aune du regroupement de missions relatives aux actuels et futurs équipements.

En pratique, ce choix permet de désigner un prestataire unique pour conduire l’ensemble d’une opération relative à un équipement donné, alors que les missions relèvent juridiquement de plusieurs contrats, et donc potentiellement de plusieurs titulaires désignés à l’issue d’une consultation allotie ou de procédures distinctes…

Le marché pour le centre de tri a finalement été attribué pour un montant nettement supérieur à l’estimation la plus élevée, ce qui interroge sur la plus-value de prestataires par ailleurs chargés d’autres missions essentielles à la réussite des projets telles que l’aide à la décision s’agissant des futurs modes de gestion ou l’étude de faisabilité technique de la construction d’une UIVE en substitution de l’installation existante.

En outre, ces variations non anecdotiques ont fait l’objet d’une seule information de l’exécutif en juin 2019. Le conseil métropolitain n’a pour sa part pas été tenu informé…

L’ensemble des irrégularités relevées semble de nature faire peser un risque juridique sérieux sur le contrat attribué pour le centre de tri Dalkia Wastenergy, nouvel entrant, pour un prix nettement supérieur l’estimation »

La CRC observe qu’une mission d’assistance au mode de dévolution de l’opération relative l’usine d’incinération remet en cause le principe d’impartialité.

« Cette consultation est bien plus problématique s’agissant de l’attributaire. Les principales références présentées par ADELAND portent sur d’autres domaines que la thématique des déchets (mobilité, transition énergétique) et les références du président fondateur mentionnent « SEM compagnie de chauffage urbain de Grenoble : évaluation et amélioration d’un contrat public de performance relatif à la reconstruction d’une centrale de valorisation énergétique des déchets de la métropole de Grenoble »…

En retenant la société ADELAND pour préparer le lancement de son nouveau marché, GAM s’adjoint donc, en connaissance de cause, les services d’un cabinet disposant d’éléments susceptibles d’être mobilisés pour favoriser ou défavoriser une proposition potentielle

Sur le plan juridique, une violation du principe d’impartialité, principe général du droit consacré par le Conseil d’État garantissant aux administrés que toute autorité administrative (individuelle ou collective) est tenue de traiter leurs affaires de façon impartiale, sans préjugés ni partis pris ne peut donc être exclue a priori. La perception de l’éventualité d’une telle violation serait également néfaste pour l’image de la collectivité, alors que le principe d’impartialité trouve tout particulièrement à s’appliquer en matière de commande publique, qui est soumise-par ailleurs aux principes fondamentaux de transparence et d’égalité de traitement des candidats (« les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination [ … ] et que l’exigence de redevabilité pèse fortement sur les gestionnaires publics…

L’ensemble de ces éléments fait peser un risque juridique sérieux sur le contrat attribué à ADILAND et l’exercice de sa mission d’AMO. »

Un long développement traite des politiques d’aménagement de Grenoble-Alpes-Métropole.

« À l’exception des dernières opérations confiées à la société publique locale d’aménagement SAGES (SPLa SAGES), le concessionnaire le plus sollicité est la SPLa Isère Aménagement, appartenant au groupe Elégia, GIE « tête de groupe » des sociétés d’aménagement sous contrôle capitalistique du département de l’Isère…

Alors que le département ne dispose plus de compétences depuis la loi NOTRe en matière de développement économique, de transport ou d’habitat, les EPL qu’il contrôle se voient confier des projets par ceux qui ont désormais la compétence, et notamment la métropole…

Cette situation interroge alors qu’avec le passage en métropole, les compétences économie et habitat ont été entièrement transférées par la commune à la Métropole…

La chambre constate une situation assez confuse, où :

  • la Métropole contrôle une SPL qui porte principalement des opérations de la commune de Grenoble ;
  • la Métropole fait porter ses opérations principales par des entreprises publiques locales du département, qui n’a pourtant plus de compétences dans le domaine économique ou l’habitat ;
  • la commune de Grenoble contrôle la SEM lnnovia qui porte des CPA à vocation scientifique, économique et d’habitat, alors qu’elle n’est plus compétente dans ces domaines…

Pour gagner en cohérence, GAM aurait pu racheter les deux tiers des parts d’lnnovia Durablement, comme elle l’a fait pour la SPLA SAGES, même si la définition de l’intérêt métropolitain permet de faire perdurer cette situation

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