La justice se mêle des 1607 heures de travail des agents territoriaux

Publié le 11 mars 2022
balance justice

La loi du 6 août 2019, de transformation de la fonction publique, fixe à 1607 heures le temps de travail annuel des agents territoriaux. On a déjà développé ici que cette loi était très mal venue, démontrant la volonté de caporalisation des agents des collectivités et la volonté de recentralisation de Jupiter Macron, secondé activement par la députée grenobloise E. Chalas. Les préfets ont été mobilisés pour faire appliquer la loi et doivent déférer au tribunal administratif toute délibération qui n’appliquerait pas à la lettre ce qu’impose cette loi.

Les premiers déférés préfectoraux ont donné lieu à des suspensions des délibérations litigieuses. Mais contrairement à ce qui s’est passé en Seine-Saint-Denis, le tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne) a estimé qu’imposer les 1607 heures annuelles dans les collectivités posait peut-être un problème en matière de libre administration des collectivités territoriales, et a transmis la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil d’État.

Il faut donc attendre la décision du Conseil d’État de renvoyer ou non la QPC devant le Conseil constitutionnel. En cas de refus la décision sera incontestable et ne peut faire l’objet d’aucun recours. Dans le cas contraire, il restera à attendre le jugement du Conseil constitutionnel, qui tranchera cette question fondamentale : le temps de travail des agents de la fonction publique territoriale relève-t-il de la libre administration, ce qui signifie que les conseils municipaux seraient libres d’en décider à leur guise ; ou peut-il être strictement fixé par la loi ? Réponse au plus tard en septembre. 

Voici le communiqué du 3 mars 2022 du tribunal administratif de Melun :

« Temps de travail des agents de certaines communes du Val-de-Marne

Le juge des référés du tribunal administratif de Melun a statué le 3 mars 2022 sur les 10 déférés-suspension présentés par la préfecture du Val-de-Marne à l’encontre de communes ou d’établissements de coopération intercommunale qui n’ont pas remis en cause avant le 1er janvier 2022 les règles de temps de travail dérogeant aux 1 607 heures annuelles. Il s’agit de la mise en œuvre d’une disposition de la loi de transformation de la fonction publique du 6 aout 2019, qui fixe à ce niveau le temps de travail des agents territoriaux. Dans ces procédures de déféré suspension, le juge peut suspendre l’exécution d’une décision en cas de doute sérieux sur sa légalité, y compris s’il s’agit de la décision de ne pas mettre en œuvre une disposition légale.

Dans la moitié environ des affaires, le juge des référés a estimé que, en dépit du retard constaté, le processus d’adaptation, qui suppose une procédure longue en raison de la consultation des personnels, des réorganisations des services et le vote de l’assemblée délibérante, était effectivement engagé et qu’il n’y avait en conséquence pas de décision suffisamment caractérisée de refus d’application. Il est d’ailleurs à noter que certaines collectivités ont adopté les nouvelles règles entre la saisine du tribunal et la présente décision, ou ont déjà convoqué les conseils municipaux pour qu’ils se prononcent au cours du mois de mars. Dans ces cas, la demande de la préfecture a été rejetée.

Dans l’autre moitié des affaires, le juge des référés a estimé qu’il existait de véritables décisions de refus, qu’il a suspendues. Compte tenu des contraintes encadrant l’adoption de nouvelles mesures d’organisation du temps de travail, il a enjoint aux maires de mener à bien, dans un délai de 4 mois, la procédure d’adoption de mesures provisoires conformes à la loi.

Parallèlement, certaines communes avaient soulevé une question prioritaire de constitutionalité, mettant en cause la conformité de la disposition en cause de la loi du 6 aout 2019 avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Cette procédure a été transmise au Conseil d’Etat qui appréciera s’il y a lieu de saisir le Conseil Constitutionnel, seul juge de la constitutionalité de la loi adoptée par le Parlement.

2201145 (Thiais – rejet), 2201146 (Grand Orly – rejet), 2201147 (Gentilly – rejet), 2201148 (Arcueil –rejet), 2201149 (Villejuif – suspension), 2201150 (Bonneuil – suspension), 2201151 (Fontenay– suspension), 2201152 (Kremlin-Bicêtre – rejet), 2201153 (Vitry – suspension) et 2201182 (Ivry – suspension). »

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