La convention citoyenne pour le climat de la Métro, au travail

Publié le 1 avril 2022

Après son installation, la Convention citoyenne pour le climat a entamé ses travaux les 5 et 6 mars. Les 120 membres tirés au sort doivent trouver des réponses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le territoire et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, tout en favorisant la justice sociale. Un défi d’autant plus difficile à relever qu’il y a urgence, notamment dans les Alpes où le réchauffement climatique est bien plus rapide qu’ailleurs : 2,3° C contre 1,09° C à l’échelle planétaire, leur a indiqué Nicolas Plain, dont le film a été projeté pour introduire la session.

Mais dès le début des travaux, les contraintes financières ont été rappelées, ce qui a peut-être un peu bridé les enthousiasmes, d’autant plus que cette contrainte n’était pas indiquée dans la délibération de janvier 2021 du conseil de la Métro et  ne devrait pas être imposée. Il serait alors opportun de le rappeler aux participants afin qu’ils remplissent complètement le mandat donné, les contraintes financières viendront après.

« Si la contrainte rend imaginatif, les citoyens de la Convention risquent de remporter une médaille d’or. Car ils vont devoir remplir leur mission dans un carcan budgétaire. C’est en substance le message que leur a adressé Jean-François Curci, directeur général des services (DGS) de Grenoble-Alpes Métropole, le 6 mars, lors d’un exposé assez décoiffant sur le rôle des collectivités et leurs compétences en matière de lutte contre le changement climatique.

De ce point de vue, la métropole grenobloise a déjà un bilan positif. Elle s’est dotée d’un plan Climat dès 2005, suivi d’un Plan climat Air Énergie en 2020. Cette politique volontariste mise sur la sobriété, l’efficacité, la production d’énergie renouvelable et la séquestration du carbone (avec les forêts). Plus de 300 projets ont été mis en œuvre.

Les progrès sont là (réduction d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre depuis 2005), mais ils restent insuffisants. Si les émissions liées à l’industrie ont baissé de moitié, celles issues des transports et du logement stagnent. « L’empreinte carbone du territoire est encore de 3,7 millions de tonnes équivalent CO2 par an, soit 8,2 tonnes par habitant », précise William Meunier, le monsieur « Plan Climat » de la Métropole.

Faire preuve d’imagination

Les citoyens de la Convention devront donc faire preuve d’imagination, mais dans un cadre budgétaire qualifié de « contraint » : 300 millions d’euros d’investissement ; 440 millions de fonctionnement. Avec peu d’espoir d’une évolution à la hausse, souligne Jean-François Curci, en raison de dotations et de subventions de l’État figées, voire en baisse, et d’une « fiscalité majoritairement économique » sur laquelle les élus n’ont pas la main (les taux sont fixés par le Parlement).

« Si je comprends bien, vous nous expliquez que les élus ne sont pas décideurs et que nous, les citoyens de la Convention, n’allons pas pouvoir faire grand chose… », s’inquiète Hafsa. Réponse franche du DGS : « Faire des choix et des propositions d’un côté, c’est faire des deuils ailleurs. » Une question d’arbitrage que comprend Laurent. « Côté budget, c’est limité. Ce qu’on peut faire, c’est revoir certaines priorités », résume-t-il, philosophe. »

Lors de la première session de travail ils ont entendu deux climatologues de l’Institut des géosciences et de l’environnement (IGE), Gerhard Krinner et Sandra Rome qui leurs ont expliqué les enjeux climatiques durant 90 minutes.

 « Les changements récents sont rapides, généralisés et s’intensifient. » Co-auteur du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, le climatologue Gerhard Krinner annonce la couleur sans prendre de gants. S’appuyant sur les travaux de la communauté scientifique, il aborde d’emblée quatre concepts-clés : changement climatique, impacts, adaptation et atténuation.

Chiffres à l’appui, le chercheur explique que la concentration de CO2 dans l’atmosphère est « liée aux émissions de gaz à effet de serre issues des activités humaines ». Et qu’elle est « incontestablement » responsable de l’augmentation de la température à la surface de la Terre. Le phénomène s’accélère d’ailleurs à un rythme sans précédent depuis les années 1970.

Des impacts planétaires et locaux

Les impacts de ce réchauffement sont connus : recul des glaciers et de la banquise arctique, acidification et hausse du niveau des océans, multiplication des événements météorologiques extrêmes, modification du cycle de l’eau, dommages sur les écosystèmes et les infrastructures, risques sanitaires accrus…

Ces évolutions sont perceptibles partout, y compris à l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Hausse des températures de 2,2° C en moyenne (1,1° C à l’échelle planétaire), augmentation importante du nombre de journées chaudes (+ de 25° C), diminution du nombre de jours de gel par an, réduction du manteau neigeux (- 40 cm de neige au col de Porte en 30 ans) : la liste est longue. Ces changements ont « un impact direct sur la sécheresse des sols, les ressources en eau, les écosystèmes, le cycle des cultures, les activités touristiques et la santé humaine », complète Sandra Rome, géographe et climatologue à l’IGE… »

Les travaux se sont poursuivis sur le thème : justice climatique, le piège des interactions. Tous les changements globaux observés depuis 50 ans ont un point commun : leur origine humaine. Et une particularité : leur interdépendance.

« Essayer de résoudre un de ces changements globaux ici risque d’en poser un autre ailleurs. C’est ce qu’a démontré le scientifique Pierre-Yves Longaretti, au cours d’une conférence sur les interactions entre changements climatiques, environnementaux et sociétaux le 6 mars.

Les importations d’un territoire ou la délocalisation de ses activités polluantes (industries, traitement des déchets) peuvent avoir pour conséquence des « transferts de pressions sociales et environnementales », dont les populations des pays tiers se passeraient bien. D’où l’importance de penser les questions de justice climatique de façon globale, mais aussi en termes de responsabilité individuelle (régime alimentaire, transport, consommation…) et collective (industrie, agriculture, transports, services publics…), avertit Pierre-Yves Longaretti. »

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.