Les effets d’un embargo sur les importations d’énergie depuis la Russie

Publié le 8 avril 2022

Selon une étude du Conseil d’analyse économique (CAE), un embargo strict sur les importations russes de pétrole et de gaz se traduirait par un recul du PIB européen compris entre 0,2% et 0,3% en moyenne, ce qui est supportable.

Pour la France, l’impact serait faible, avec une baisse d’environ 0,15 à 0,3% du revenu national brut. Pour l’Allemagne, l’impact négatif sur le revenu national brut est réel (environ 0,3% et jusqu’à 3% dans les scénarios les plus pessimistes) mais globalement modéré et peut être absorbé.  Il en va de même pour l’ensemble de l’UE, bien qu’il existe entre les pays une hétérogénéité importante face à l’ampleur du choc. Pour certains pays de l’UE, les conséquences sont beaucoup plus importantes : La Lituanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Finlande ou la République tchèque peuvent connaître des baisses de revenu national comprises entre 1 et 5 %.

Le CAE étudie une alternative à un embargo total par une réduction très forte des importations d’énergie en provenance de Russie avec un tarif de 40 % sur les importations de combustibles fossiles russes. Selon les résultats préliminaires un tel tarif réduirait d’environ 80 % les quantités importées (contre 100 % dans le cas d’un embargo). Dans ce cas, les pertes économiques, notamment pour les pays les plus dépendants des approvisionnements russes (Lituanie, Bulgarie…) seraient fortement réduites par rapport à un embargo : les pertes seraient divisées par environ 3 ou 4. En revanche, la différence est très faible pour des pays comme la France. La raison de cette très forte réduction est que les 20 % d’importations restantes iraient aux pays et aux entreprises les plus dépendants de cette source d’approvisionnement.

«  Ces estimations tiennent compte des effets de cascade le long des chaînes de valeur de production dans un modèle comportant 30 secteurs et 40 pays. Malgré l’imprécision de ce type d’exercice de simulation, les ordres de grandeur apparaissent très robustes : on peut écarter par exemple avec un haut degré de confiance un scénario d’effondrement du PIB de plus de 1 % pour la France.

L’impact relativement faible d’un embargo (sauf pour les pays précités) s’explique par le fait que même à court terme, les entreprises et l’économie dans son ensemble peuvent substituer (même très partiellement) des sources d’énergie à d’autres et des biens intermédiaires ou finaux à d’autres. L’analyse des expériences historiques de chocs très forts (Fukushima au Japon ou Covid en Chine) ayant des effets potentiels tout au long des chaînes de valeur de production montre également que les entreprises individuellement et l’économie globalement sont capables de minimiser l’impact du choc. Cette substitution, même très partielle, permet d’atténuer très significativement l’impact du choc, par rapport à un scénario où toute la structure de production et de consommation est figée.

Ces estimations ne tiennent pas compte explicitement des effets d’amplification du cycle économique (« effets néo‐keynésiens ») qui peuvent contracter davantage la demande globale et entraîner des difficultés financières pour certaines entreprises. Mais il faut noter que cela est compensé par le recours à des hypothèses très conservatrices concernant par exemple les élasticités de substitution. En outre, un scénario pessimiste avec des frictions « néo‐keynésiennes » conduirait à multiplier par deux au maximum l’impact négatif en l’absence de toute réponse de politique économique. En pratique, les réponses de politique économique (telles que les politiques de chômage partiel, le renflouement des industries les plus exposées) peuvent atténuer une partie significative de cet effet d’amplification. Cela montre l’importance du dosage des politiques (monétaire et fiscale) qui doit accompagner un embargo… »

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