Vers un service public de la petite enfance ?

Publié le 17 juin 2022

L’Association des maires de France (AMF) est favorable à la création d’un service public de la petite enfance, mais sous certaines conditions. Une compétence obligatoire confiée au bloc communal (communes et intercommunalités), doit s’assortir d’une compensation intégrale des dépenses induites selon des modalités décidées avec les collectivités concernées. Et la pénurie de professionnel-les doit être traitée prioritairement et inclure un travail sur les formations avec les régions.

Les dernières recherches sur le développement de l’enfant montrent l’intérêt d’accueillir les enfants d’origine sociale défavorisée en crèche, surtout à partir de 2 ans, pour lutter contre les inégalités de destin qui sont très fortes en France.  Actuellement les places d’accueil de la petite enfance sont souvent occupées par les familles des classes moyennes ou élevées. Il n’y a pas assez de place pour tous, d’où la nécessité d’une aide spécifique de l’Etat.

De nombreux professionnels critiquent l’encouragement à la création des MAM (Maisons d’assistants maternels), car c’est une dégradation de la qualité d’accueil des enfants. C’est d’une grande souplesse, mais leur gestion repose sur des personnes peu qualifiées sur le plan administratif… sans parler de la dimension « réflexive  » des pratiques professionnelles autour de la relation avec les familles, ainsi que sur l’accompagnement à la parentalité qui nécessite des professionnel-les qualifié.es pour répondre aux questions complexes sur l’éducation des jeunes enfants qui se posent aujourd’hui. 

C’est positif de voir intervenir les collectivités et des acteurs de terrain sur ce dossier d’importance afin de ne pas laisser agir seuls le gouvernement et la CAF.

L’AMF a présenté à la presse une note détaillée sur la crise qui touche le secteur de la petite enfance.

En ce qui concerne la création d’un service public de la petite enfance, suite à l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de mars 2022, l’AMF y met des conditions :

« Dans le contexte des réflexions actuelles sur l’opportunité de mettre en place un service public de la petite enfance, l’AMF insiste pour que le rôle majeur joué par les communes dans le développement et le soutien d’établissements et de services de la petite enfance et de soutien à la parentalité soit reconnu.

  • La compensation intégrale de l’ensemble des dépenses induites par la mise en œuvre de cette compétence nouvelle, les modalités de cette compensation devant être co-construites par l’AMF et l’exécutif.
  • La résorption des difficultés de recrutement dans un contexte de pénurie de professionnels de la petite enfance, ce point étant identifié par les maires comme le premier frein à la création de places d’accueil. – Une remise à plat du modèle actuel de financement des Etablissements d’Accueil du Jeune Enfant et des dispositifs de soutien à la parentalité développés par le bloc communal.
  • L’association de l’AMF à la définition des objectifs de créations de places fixés par la prochaine convention d’objectifs et de gestion de la branche famille et une participation au conseil d’administration de la CNAF.
  • La souplesse laissée aux maires, fins connaisseurs des besoins des administrés, quant aux modalités d’organisation de ce service de la petite enfance, qu’il s’agisse de l’offre proposée aux familles ou du mode de gestion retenu.
  • S’agissant des actions de soutien à la parentalité particulièrement, il est nécessaire de préserver les initiatives portées directement par les territoires considérant que les actions de soutien à la parentalité sont avant tout des actions de proximité.
  • Les élus sont défavorables à la mise en place d’un droit opposable à une solution d’accueil, à l’image de ce qui existe pour le DALO, considérant que ce droit serait aujourd’hui impossible à mettre en œuvre et qu’il impliquerait la mise en œuvre de voies de recours pour les familles ainsi que d’une autorité de contrôle, ce qu’a d’ailleurs pointé le CESE dans son rapport. »

L’association « Pas de bébés à la consigne » a alerté les candidat-es aux élections législatives sur la situation qui se dégrade notamment concernant la qualité de l’accueil des jeunes enfants. Elle critique la baisse de la qualification des personnels des crèches :

« Pas de bébés à la consigne poursuit son combat pour le développement des modes d’accueil qui est indissolublement lié à l’amélioration de la qualité d’accueil des jeunes enfants.

Nous alertons les candidat.es aux élections législatives car les récentes réformes et les travaux en cours présagent d’une dégradation de cette qualité au lieu de son renforcement.

Nous constatons entre autres que le nombre de bébés accueillis par un.e professionnel.le en crèche peut passer de 5 à 6 avec ces mesures, que l’accueil d’enfants en surnombre sera possible tous les jours de la semaine, ou encore que la surface minimale par enfant sera réduite dans les agglomérations denses en population par rapport au reste du territoire.

Mais les prochains textes envisagent également, au prétexte de la pénurie de professionnel.le.s qui s’aggrave, que des personnes sans aucun diplôme ni expérience auprès de jeunes enfants, au terme d’un simple parcours d’intégration d’un mois, puissent être recrutées en EAJE pour une proportion de 15% de l’effectif auprès des enfants.

Un « Comité de filière » a été mis en place pour résoudre notamment les problèmes d’attractivité des métiers de la petite enfance.  Nous restons vigilants sur la suite de ce comité de filière. En effet, les informations qui nous parviennent des travaux de ce comité nous inquiètent fortement, en particulier sur la qualification des futur.es professionnel.les, toujours au prétexte de la pénurie actuelle, et donc sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants.

Les enfants ont besoin de professionnel.le.s réellement formé.e.s. et non simplement de personnes qui « aiment travailler avec les enfants ».  

Si nous voulons un accueil de qualité pour nos enfants, ce n’est pas en bradant nos métiers que les jeunes souhaiteront se former.  

Si nous voulons un accueil de qualité pour nos enfants, ce n’est pas en dégradant les taux d’encadrement que l’on y parviendra.

Si nous voulons un accueil de qualité pour nos enfants, il faut valoriser les métiers de la petite enfance : élever les qualifications, améliorer les conditions d’accueil et de disponibilité des professionnel.les auprès de chaque enfant, revaloriser les salaires et les conditions de travail. »

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