Rendre justice aux citoyens

Publié le 14 juillet 2022

Le rapport du comité des Etats généraux de la justice (Octobre 2021- avril 2022) a été rendu le 8 juillet au président de la République. Dans l’avant-propos, le comité déclare que « l’institution judiciaire se porte mal. Tous les professionnels qui concourent à son fonctionnement quotidien font part de leur profond malaise. De leur côté, les justiciables ne lui accordent qu’un crédit limité. L’institution paraît grippée. Pour beaucoup, elle serait en lambeaux. La crise de la justice, puisqu’il s’agit de cela, se produit dans un contexte de défiance généralisée envers les institutions, qu’elles soient ou non élues. Le cadre de cette défiance est celui d’une société en plein bouleversement, des structures familiales aux règles de sociabilité, des modes de production au sens du travail et de la vie, des rapports de l’individu au collectif au lien avec la nature. Cette société porte en elle de nouvelles peurs et de nouveaux risques : le terrorisme, le changement climatique, les désordres résultant d’une globalisation mal régulée. Dans ce contexte affleurent des tentations de remise en cause de l’État de droit patiemment construit au cours d’une histoire tourmentée. Face à cette situation, l’attente de justice demeure paradoxalement forte de la part des citoyens. Elle est aussi profuse que confuse, à la mesure de leurs espoirs et des difficultés de l’institution…

La justice souffre de problèmes structurels graves et, en contact direct avec les évolutions sociales, elle ne répond plus correctement aux exigences des citoyens. Pour ceux-ci, elle est lente, difficilement accessible et compréhensible, voire imprévisible. Pour ceux qui travaillent à l’œuvre de justice, avocats, fonctionnaires et, au premier chef, magistrats, la justice rendue est loin de correspondre à la haute idée qu’ils s’en font. C’est un sentiment de désespoir, voire de honte, qui domine face au manque de moyens humains et matériels, d’appuis techniques efficaces et cohérents, face aussi aux réformes incessantes et à l’impossibilité de bien remplir sa mission, alors que les contentieux deviennent toujours plus complexes. Mais cette crise tire aussi son origine d’un déficit de management et d’une gestion imparfaite des ressources. Les réflexions et les débats dont le rapport qui suit est le résultat se sont déroulés dans un contexte qui a révélé la profondeur du malaise des acteurs de la justice, en particulier des magistrats. Ce contexte a obligé les membres du comité des États généraux.

En France, mais aussi dans de très nombreux pays, l’ampleur des pouvoirs détenus par les juges fait désormais débat, spécialement depuis une vingtaine d’années. Leur légitimité est souvent questionnée. La place de la justice dans la séparation des pouvoirs a de fait muté avec le développement de l’office du juge et l’approfondissement de son contrôle dans le contexte de l’européanisation et de l’internationalisation du droit. Hors de nos frontières d’ailleurs, la tentation d’assujettir la justice, de la déstabiliser ou de l’instrumentaliser est de plus en plus visible et forte : les exemples de ce nouvel état d’esprit, voire de ces nouvelles pratiques, surabondent. Alors que dans les années 1990 étaient célébrés, après la chute du Mur de Berlin, la fin de l’histoire ainsi que le triomphe du libéralisme et de l’État de droit, on oppose désormais, avec une certaine brutalité, le droit et la démocratie. Cette contestation, portée avec agressivité par les mouvements populistes, n’est pas leur apanage. Est ainsi posée avec gravité la question de la possibilité d’une prise de décision politique dans un environnement juridique complexe et judiciairement contrôlé. Mais comme l’a rappelé le Président de la République dans son discours du 18 octobre 2021 à Poitiers, « Une démocratie où on laisse la défiance s’installer et la justice être attaquée est une démocratie qui sape ses propres fondements ». De manière plus circonstancielle, les politiques sont enclins à critiquer la judiciarisation de la vie publique, quand sont prises des décisions qui mettent en cause leur responsabilité pénale. Ce débat renvoie au champ respectif des responsabilités pénale et politique.»

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