La France vit-elle une « Grande démission » ?

Publié le 26 août 2022

La DARES (Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques du ministère du travail) a produit une étude sur l’ampleur inédite des démissions de personnes en CDI et s’interroge sur cette éventuelle « grande démission ».

Fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint un niveau historiquement haut, avec près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI.

Le record précédent datait du 1er trimestre 2008, avec 510 000 démissions dont 400 000 pour les seuls CDI. Le risque d’une « grande démission » est désormais évoqué en France, faisant référence à une expression décrivant la situation du marché du travail américain courant 2021 : suite aux premières vagues de la crise du Covid, le nombre de travailleurs quittant volontairement leur poste a nettement augmenté aux États-Unis, que ce soit pour changer de travail, chercher un autre emploi ou se retirer de la population active.

Le niveau élevé des démissions est à relativiser, au vu des tensions actuelles sur le marché du travail. Les difficultés de recrutement sont à des niveaux inégalés dans l’industrie manufacturière et les services, et au plus haut depuis 2008 dans le bâtiment. Cette situation créée des opportunités pour les salariés déjà en poste et est susceptible en retour de conduire à des démissions plus nombreuses.

Dans le cas des États-Unis et du Royaume-Uni, le nombre important de démissions serait plutôt le symptôme des tensions de recrutement que leur cause : il refléterait des comportements de « débauchage » de la main-d’œuvre entre entreprises, dans un contexte de forte demande de travail et d’offre limitée. Cette interprétation est notamment confirmée par les trajectoires des démissionnaires, qui correspondent le plus souvent à un changement d’employeur sur un même type de poste (à qualifications égales) et dans le même secteur. En France, selon les premières analyses de la Dares à partir de la déclaration sociale nominative, les retours à l’emploi des démissionnaires semblent rapides malgré le niveau élevé des démissions : environ 8 démissionnaires de CDI sur 10 au second semestre 2021 sont en emploi dans les 6 mois qui suivent et cette proportion est stable par rapport à l’avant-crise sanitaire. 

Actuellement, le nombre de démissions est donc haut sans être inédit, ni inattendu compte tenu du contexte économique. Il reflète le dynamisme du marché du travail, et une situation dans laquelle le pouvoir de négociation se modifie en faveur des salariés. Dans un contexte de difficultés de recrutement toujours élevées, les salaires d’embauche sont susceptibles d’augmenter, en particulier pour les personnes nouvellement démissionnaires. Outre cet effet potentiel sur les salaires, les enquêtes Acemo-Covid montrent que, début 2022, certaines entreprises réalisent des concessions sur les conditions ou l’organisation du travail (télétravail) ou sur la forme des contrats d’embauche pour conserver ou attirer des salariés. »

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