Une philosophie à géométrie politiquement variable

Publié le 9 septembre 2022

En cette période difficile pour les collectivités locales agressées par les politiques gouvernementales successives alors qu’elles sont le cœur de l’investissement public et sont vertueuses concernant leur gestion financière, il ne faudrait pas que les relations entre la Métro et ses communes, en particulier la ville-centre, se règlent par des échanges dans les médias. L’intercommunalité doit être une vraie coopération intercommunale, qui exige de toutes les parties une volonté de construction positive. L’avenir de la SEM Grenoble Habitat mérite qu’on s’y attarde un peu.

Le président de la Métro a fait plusieurs fois allusion à la philosophie à propos de la future vente des actions de la SEM Grenoble Habitat (GH) par la ville. En politique, la philosophie peut être un élément important mais ce qui compte en dernier ressort c’est l’application des règles de notre République.

Dans le Dauphiné Libéré du 3 septembre Christophe Ferrari indique que « la situation financière de GH n’est pas très bonne » ce qui est erroné 1 et ajoute « avec GH on est sur un objet qui fabrique quelque chose qui n’est pas vendable, philosophiquement parlant ». Il propose que la Métro se contente de recapitaliser la SEM pour lui permettre de construire encore plus de logements, mais ne propose pas d’acheter des actions de la ville. Dans le Dauphiné Libéré du 8 septembre, une nouvelle petite phrase affirme que Grenoble Habitat ne peut pas être un objet de transaction.

En ce qui concerne l’éventuelle vente des actions de la société d’économie mixte SEM Grenoble Habitat par la ville de Grenoble il faut revenir aux règles simples et claires imposées par les lois et l’intérêt général.

La loi fixe :

« La commune actionnaire d’une société d’économie mixte locale dont l’objet social s’inscrit dans le cadre d’une compétence qu’elle a intégralement transférée à un établissement public de coopération intercommunale peut continuer à participer au capital de cette société à condition qu’elle cède à l’établissement public de coopération intercommunale plus des deux tiers des actions qu’elle détenait antérieurement au transfert de compétences. » (Article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales)

La compétence « logement social » a été transférée par la loi à la métropole. La ville de Grenoble conserve une compétence très résiduelle concernant le logement social, par la capacité du maire à accorder les permis de construire (pour atteindre les 25% imposés par la loi), par les aides éventuelles de la ville à un bailleur social (garantie d’emprunts, aide foncière). Elle n’est donc pas obligée de céder les 2/3 de ses actions dans GH à la Métro et cette dernière n’est pas obligée de les acheter, mais la ville a toute liberté pour vendre ou non ses actions à une personne morale compétente. Il n’y a pas de tutelle de la Métro sur ce que fait une commune, sauf à lui demander d’appliquer les règles qu’elle s’est donnée en élaborant le Programme Local de l’Habitat.

C’est une situation identique à ce qui s’est passé pour GEG et la Compagnie de Chauffage. Les deux SEM GEG et la SEM CCIAG avaient des compétences qui allaient un peu au-delà des compétences transférées de la commune à la Métro pour l’électricité, le gaz ainsi que pour le chauffage urbain. Ayant des compétences résiduelles dans ces activités, la ville n’était pas obligée de vendre les actions de ces SEM ni la Métro de les acheter.

Ces deux SEM gèrent des services publics de grande importance pour les habitants /usagers et pour la métropole, actions de même importance (philosophiquement parlant) que la construction et la gestion de logements sociaux. Suivant la philosophie du président de la Métro, ces deux SEM fabriquent des choses qui ne seraient pas vendables, étant des biens communs. Et pourtant la Métro n’a pas hésité à racheter les 2/3 des actions de la ville dans GEG et s’est engagée à le faire pour la CCIAG (le montant de l’achat est inscrit dans les budgets de la ville et de la Métro). Pour des raisons dont nous ignorons le fondement, le rachat par la Métro des actions de la CCIAG ne s’est pas encore fait.

La Ville de Grenoble a accepté que Grenoble Alpes Métropole achète les actions de la SEM GEG par tempérament durant 25 ans, sans intérêt. La Métro réalise cet achat grâce aux dividendes de la SEM GEG chaque année, ce qui n’est pas que de la philosophie…

Il reste d’intérêt général que la métropole prenne le contrôle de ces outils essentiels pour le bon fonctionnement de ces services publics. Et qu’elle acquitte à un prix acceptable des actions suite à des expertises qui en ont déterminé la valeur patrimoniale.

La SEM Grenoble Habitat est aussi un outil très important pour développer une politique sociale du logement dans l’agglomération. Elle a beaucoup de qualités : elle est « rentable » par ses activités connexes, hors logement social. Sa direction, ses agents connaissent à la perfection le territoire et ses besoins. Face aux attaques de l’Etat contre le logement social, elle est immédiatement opérationnelle. C’est une société en bon état financier avec des capitaux propres de haut niveau et une bonne trésorerie ; ses personnels devraient être protégés sans subir la propagation d’infox nuisibles à l’intérêt général et à la valeur de cet outil performant.

La métropole a besoin d’un tel outil, ce qui n‘est plus le cas de la ville dont la compétence sur ces questions a été transférée.

Pour les locataires qui s’inquiètent ainsi que pour les agents salariés de la SEM, ce serait préférable que les relations entre la métropole et la ville centre se règlent autrement que par petites phrases : celles-ci s’apparentent plus à de la politique politicienne et créent le risque de faire baisser la valorisation de la SEM, ce qui n’est bon pour personne, philosophiquement parlant.

(1)Voir la délibération du 17 décembre 2021 du conseil de métropole concernant le rapport annuel du représentant de Grenoble-Alpes Métropole au conseil d’administration de la SEM Grenoble Habitat pour l’exercice 2020. Ce rapport montre une situation financière solide de la SEM.

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