Le conseil municipal de Strasbourg avait décidé d’une subvention de 2,5 M€ à l’association cultuelle Confédération islamique du Milli Görüs Grande Mosquée Eyyub Sultan pour la construction d’une mosquée turque à Strasbourg (dans le cadre très spécifique du droit alsacien sur les cultes). La préfète du Bas-Rhin a déféré la délibération au tribunal administratif de Strasbourg pour qu’elle soit annulée. Le tribunal lui a donné raison le 10 novembre 2022.
La maire de Strasbourg avait retiré la délibération et estimait qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur cette délibération, mais les juges rejettent cette position en rappelant les règles à ce sujet, notamment seul le conseil municipal peut retirer ou abroger une délibération.
« Il ressort des pièces du dossier, d’une part, que la condition à laquelle est soumise l’attribution de la subvention en litige, à savoir la communication d’un plan de financement consolidé, n’a été assortie d’aucun délai au-delà duquel le principe d’octroi de la subvention ne serait plus invocable et, d’autre part, que si l’association fait valoir qu’elle a entendu renoncer au bénéfice de la subvention, il ressort des termes de son courrier en date du 15 avril 2021, sans que cela soit sérieusement contesté, que cette renonciation est seulement temporaire. Par ailleurs, la délibération attaquée, dès lors qu’elle a pour objet l’attribution d’une subvention, constitue une décision créatrice de droits qu’en tout état de cause seul le conseil municipal était compétent pour retirer ou abroger. Aussi, la communication du 3 mai 2021 par laquelle la maire de la Strasbourg a fait connaître au conseil municipal qu’elle considérait que la demande de subvention était retirée, ne saurait alors avoir eu pour objet ou pour effet de retirer ou d’abroger la délibération en litige. Par suite, la commune de Strasbourg et l’association CIMG-GMES ne sont pas fondées à soutenir que les présentes requêtes sont devenues sans objet et qu’il n’y a plus lieu d’y statuer. »
Sur le fond, le jugement rappelle qu’une collectivité doit respecter les règles qu’elle s’était donnée (pour le financement des lieux de culte) et dans le cadre du droit alsacien et mosellan il faut justifier d’un intérêt public local pour verser la subvention à l’association cultuelle.
Voici le communiqué du tribunal : « Financement public de la mosquée Eyyub Sultan de Strasbourg : le tribunal annule la délibération du 22 mars 2021 du conseil municipal de Strasbourg accordant une subvention de 2,5 millions d’euros.
Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg, suivant les conclusions du rapporteur public, a annulé la délibération du 22 mars 2021 par laquelle le conseil municipal de Strasbourg a accordé une subvention de 2,5 millions d’euros à l’association cultuelle « Confédération islamique du Milli Görüs Grande Mosquée Eyyub Sultan », pour la construction d’un lieu de culte à Strasbourg.
Le tribunal a notamment considéré que la ville de Strasbourg n’avait pas respecté les critères de subventionnement des lieux de culte qu’elle s’était elle-même fixés par deux délibérations de 1999 et 2000, à savoir en particulier que la demande de subvention devait intervenir avant le début des travaux et être étayée d’un plan de financement consolidé.
Par ailleurs, le tribunal a estimé que la ville de Strasbourg ne démontrait pas que le versement de la subvention répondait à un intérêt public local. Alors que la préfète a recensé les mosquées et lieux de culte musulmans déjà existants dans l’agglomération strasbourgeoise, la ville de Strasbourg ne pouvait se borner à constater l’existence d’une demande de financement de l’association sans procéder à une analyse des besoins ni s’assurer que les capacités existantes étaient insuffisantes ou que les locaux existants ne constituaient pas des lieux de culte adaptés et dignes.
Le jugement est susceptible de faire l’objet d’un appel devant la cour administrative d’appel de Nancy dans un délai de deux mois. »
Mots-clefs : collectivités, culte, justice administrative, laïcité