Le Chauffage urbain à Grenoble, un peu d’histoire

Publié le 25 novembre 2022

Les usagers du chauffage urbain se voient rembourser sur leur facture de novembre 2022, une somme non négligeable (4,2 millions d’euros au total) car la société d’économie mixte Compagnie de chauffage intercommunale de l’agglomération grenobloise (CCIAG) a réalisé un résultat important, et conformément au contrat de délégation passé avec la métropole une clauseprévoit ce remboursement. Le versement sera d’environ 50 € pour un logement moyen.

Il n’est pas inutile de revenir sur le passé de ce service public très important car l’ADES avec « le Collectif pour un chauffage urbain juste et solidaire » a participé activement ces dernières années à la remise dans le droit chemin de ce service public qui a longtemps déraillé entre 1983 et 2014.

Les enjeux portent sur des centaines de millions d’euros.

Des intérêts privés et des intérêts personnels d’anciens dirigeants ont permis une gestion et une tarification irrégulières pendant de nombreuses années jusqu’à ce que nous intervenions

Le service public du chauffage urbain né à Grenoble en 1961 a été géré en délégation de service public par la Société pour la Distribution de la chaleur dans la ville de Grenoble (SDCVG) qui deviendra en 1978, la Compagnie de chauffage Intercommunale de l’Agglomération Grenobloise (CCIAG).

Le chauffage urbain s’étendra alors à d’autres communes de l’agglomération. Dès 1976, l’incinération des ordures ménagères à Athanor alimentera en chaleur le réseau de chauffage urbain intercommunal.

Deuxième réseau de France après Paris, il produit aussi de l’électricité en cogénération, ce qui lui permettra en 2022 de dégager de très bons résultats financiers vu l’explosion des tarifs d’achats de l’électricité. Il fonctionne avec 80 % d’énergies renouvelables (biomasse) ou fatales (incinération et chaleur des usines chimiques du sud de l’agglomération). Le mix énergétique lui permet d’amortir le choc de l’inflation sur le pétrole, le gaz et l’électricité.

Depuis 2015, c’est la métropole qui a la compétence chauffage urbain et grâce aux combats menés depuis 2008 par les usagers dans le Collectif pour un chauffage urbain juste et solidaire, soutenu activement par l’ADES, la gestion de ce service est devenue respectueuse des lois et règlements, notamment en ce qui concerne les tarifs.

Dès 1995, la majorité de gauche et écologiste de Grenoble nomme Vincent Fristot comme président de la SEM CCIAG, en remplacement de Richard Cazenave mis par Carignon à ce poste après en avoir été le directeur général. De nombreuses magouilles et irrégularités vont être mises à jour et la justice sanctionnera des malversations multiples commises pendant de nombreuses années par les dirigeants de cette société.

Raymond Avrillier en tant qu’administrateur de la SEM CCIAG en octobre 2004, s’oppose à la décision d’augmentation de 11% des tarifs du chauffage urbain prise par le seul conseil d’administration de la SEM sans que le conseil municipal de Grenoble et celui des autres communes délégantes aient décidé les tarifs de ce service public. Il dépose un recours en 2004 devant le tribunal administratif en annulation des décisions tarifaires prises par le conseil d’administration de la SEM CCIAG qui n’en a pas la compétence, alors que depuis 1983 ce devrait être au conseil municipal de Grenoble de décider des tarifs. L’ADES qui loue un local chauffé au chauffage urbain demande également à la justice d’annuler les tarifs décidés le 23 juin 2008.

Le tribunal administratif de Grenoble va juger ces dossiers le 17 juillet 2012, soit 7 ans après (pour le recours Avrillier) et 5 ans après (pour le recours ADES). Les décisions tarifaires sont annulées pour illégalités :

« … lorsqu’un service public communal a fait l’objet d’une délégation de service public, la détermination du prix du service ou du montant de la redevance ne peut être laissée à la discrétion du concessionnaire ;… qu’en approuvant la signature d’un tel contrat [avec la SEM CCIAG en 1983], le conseil municipal de la commune de Grenoble a méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’il en résulte que les clauses de nature réglementaire du contrat relatives à la fixation du tarif du service sont entachées d’illégalité »

De nombreuses copropriétés demandent à être remboursées du trop perçu par la CCIAG dans les factures entre 2008 et 2011. Ce qu’elles ont obtenu récemment.

L’arrivée de la majorité écologiste et de gauche en 2014 à Grenoble va permettre que le directeur général de la SEM CCIAG soit choisi par les actionnaires publics majoritaires et non désigné par l’actionnaire privé Dalkia. Hakim Sabri sera président de la CCIAG de 2014 à 2020, puis Alan Confesson lui succède après les dernières élections municipales de 2020.

Au 1er janvier 2015, la compétence pour le service public du chauffage urbain passe à la métropole qui va, après une mise en concurrence, passer un nouveau contrat de délégation de service public avec la CCIAG. Ce nouveau contrat remet à plat les tarifs et vise l’abandon total des énergies fossiles pour ce chauffage.

La crise énergétique actuelle montre tout l’intérêt d’un chauffage urbain, bien géré dépendant très peu des énergies fossiles, car l’augmentation des tarifs sera très faible par rapport aux tarifs du chauffage au gaz ou à l’électricité.

Nos actions durant des dizaines d’années, y compris pour défendre en droit les droits des usagers du service public, ont été particulièrement efficaces, même si nous avons dû ne pas… économiser notre énergie.

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Un commentaire sur “Le Chauffage urbain à Grenoble, un peu d’histoire”

  1. […] Une polémique inutile et injuste, initiée par le président de la Métro, accusait la Compagnie de chauffage d’utiliser trop de charbon, nous oblige à rappeler un peu d’histoire récente concernant ce service public important et bien géré depuis les interventions de l’ADES et du collectif pour un chauffage urbain juste et solidaire rappelées ici. […]