Eveline, notre adhérente est partie (ré)conforter les équipes médicales à l’Ile Saint Martin confrontée au cruel manque de médecins; elle nous a envoyé quelques nouvelles pour nous parler des Caraïbes, ces morceaux de France de l’autre côté de l’Atlantique…
« Je rentre d’un petit séjour en Guadeloupe où j’ai vu des très belles choses et aussi vécu de beaux échanges.
Dès le premier jour, au marché aux épices, je suis tombée sur une manifestation contre les violences faites aux femmes, tout un groupe, le poing levé juste au-dessous de la boutique Doudou Traditions … Ensuite touristes et antillaises, beaucoup de femmes mais aussi les quelques hommes qui le voulaient, nous avons écrit au pinceau sur les dalles du marché les prénoms de toutes ces femmes qui nous manquent tant. J’étais encore dans l’incompréhension de l’appel d’une organisation de Grenoble, qui demandait que les hommes (sic !), ne soient pas mis en avant dans le cortège de leur manifestation !!! Cette manifestation universelle m’a requinquée !
J’ai poursuivi la journée par le Mémorial ACTe, bâtiment construit sur les friches de la plus importante usine sucrière, dédié à la mémoire de la traite négrière mais aussi de tous les esclavages passés et présents, ce qui m’a permis de mieux comprendre la violence anti française actuelle aux Antilles et surtout en Guadeloupe.
Comment ne pas comprendre la rancœur de celles et ceux qui après les souffrances de l’esclavage ont dû subir l’humiliation de Napoléon, lequel pour les beaux yeux et surtout le porte-monnaie de sa belle Joséphine, l’a rétabli en Guadeloupe en 1802 alors qu’il avait été aboli partout en 1794.
« La liberté est un mets pour lequel l’estomac des nègres n’est pas préparé » disait-il.
Ensuite sous la pression des anti-esclavagistes comme notre Abbé Grégoire, l’esclavage a été enfin aboli en 1848, le pouvoir devenu colonial a remplacé les esclaves par des migrants notamment des indiens venus de l’Inde (les autres premiers habitants de ces îles, avaient été massacrés avant) mais aussi des asiatiques faisant ainsi comprendre aux noirs que le système continuerait sans eux car d’autres pauvres étaient prêts à prendre leur place.
Ainsi pour ne pas crever de faim, la condition des noirs a été peut-être pire que celle des esclaves car pour survivre avec les salaires de misère, ils s’endettent à vie auprès des anciens maîtres et quelle vie, dans les champs de canne à sucre et ensuite de bananes !
Et par-dessus tout, dans ces fameux champs de bananes, on ajoute la chlordécone interdite en France en 1990 mais exception pour les antillais qui ont pu continuer à la déverser jusqu’en 1993, mais j’ai déjà raconté cette histoire dans un article pour le Rouge et le Vert.
Tout cela en même pas 2 siècles, juste le temps que les violences et la souffrance s’inscrivent dans les mémoires collectives.
Pourtant la vie aux Antilles sait aussi être passionnante. Les noir.es descendant des esclaves sont toujours là. Ils ont même créé cette identité afro caribéenne riche de tous ces mélanges ethniques qui se voient dans les différents métissages physiques mais aussi artistiques : les épices, le madras, la musique la peinture et cette magnifique langue créole dans laquelle on retrouve des tournures de phrases et des mots émanant des différentes langues africaines parlées par les esclaves.
Je souhaite profiter de ces derniers mois dans les caraïbes, pour les visiter et continuer à essayer d’en comprendre l’essence (les sens).
On peut aussi ajouter que l’administration de l’Ile Saint Martin, a réalisé un monument qui appelle à une pensée pour toutes les femmes victimes de mort violente. On n’en voit pas encore en métropole française… ».
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