Danger pour la sûreté nucléaire : la mise en cause de l’existence de l’IRSN

Publié le 24 février 2023

Après la décision de Macron, sans débat préalable, de relancer de manière accélérée un important programme nucléaire, une proposition de démanteler l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) a été rendue publique par la ministre de la transition énergétique (Mme Pannier-Runacher) le 8 février 2023. Une partie de l’IRSN intègrerait alors l’ASN et une autre le CEA.

Alors que l’existence indépendante de l’IRSN était appréciée de tous, son démantèlement ne peut qu’accélérer le processus de décision de mise en route de nouveaux réacteurs en imposant à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) de décider beaucoup plus rapidement le démarrage des réacteurs. Ainsi que l’expose la ministre, il s’agit de « fluidifier les processus d’examen technique et de prise de décision de l’ASN pour répondre au volume croissant d’activités lié à la relance de la filière nucléaire souhaitée par le Gouvernement. »

Le 15 février la commission d’éthique et de déontologie de l’IRSN, a réagi fortement contre  cette décision en rappelant l’exigence fondamentale pour la sûreté de la séparation entre l’expertise (actuellement exercée par l’IRSN) et la prise de décision réalisée par l’ASN. Mélanger les deux est une rupture qui permettra d’accélérer les décisions en diminuant les contrôles et expertises indépendantes, éléments fondamentaux pour éviter des catastrophes.

« La commission d’éthique et de déontologie de l’IRSN exprime son profond désaccord avec le projet de démantèlement de l’IRSN dont les valeurs sont exprimées dans sa Charte d’éthique et de déontologie. Ces valeurs concourent à la confiance dans la radioprotection et la sûreté nucléaire qui repose sur deux caractéristiques offertes aujourd’hui par l’institut : le lien fort établi entre la recherche et l’expertise ainsi que la séparation entre l’expertise et la prise de décision. Le projet envisagé à ce stade conduirait irrémédiablement à la disparition de ces atouts. 

La commission d’éthique et de déontologie de l’IRSN a pris connaissance le 10 février 2023 du message de la Présidente de l’Institut l’informant ainsi que le personnel de l’Institut, du projet de démantèlement de l’IRSN à brève échéance. Ce projet viserait à répondre à l’objectif d’accélération de la transition énergétique et écologique affiché par le gouvernement et la Présidence de la République, ainsi que l’attestent d’une part le communiqué présidentiel suivant la réunion du Comité de politique nucléaire du 3 février 2023, et d’autre part le positionnement des ministères concernés. La Commission considère que ce projet est de nature à remettre en cause les principes de la charte d’éthique et de déontologie de l’IRSN : excellence, indépendance, partage et anticipation. L’affaiblissement du lien entre expertise et recherche qui fait l’originalité de l’Institut fragiliserait ainsi toute l’expertise nucléaire française. De plus, la confusion entre expertise et prise de décision au sein d’une même entité constituerait un recul considérable puisqu’il priverait d’indépendance cette expertise. La Commission note que l’abandon de cette indépendance ne manquerait pas d’être très mal perçue au-delà de nos frontières…

L’indépendance de l’institut est une garantie pour la qualité de son expertise

Comme la compétence ou l’expertise, l’indépendance ne se décrète pas mais résulte d’une culture de l’organisation qui ne peut prospérer que dans un environnement institutionnel qui la favorise. L’expert de l’IRSN ne voit en effet pas son action gouvernée par son opinion sur l’intérêt de développer l’énergie nucléaire ou non. N’étant pas en situation de contribuer à la décision, il se concentre sur les risques. Son seul objectif est de les évaluer le plus précisément possible, en étant exhaustif et en s’appuyant sur des données précises et des faits avérés. Le principe de séparation de la décision et de l’expertise fonde la bonne gouvernance moderne telle qu’elle est mise en valeur par les agences intergouvernementales telles que l’OCDE, en éradiquant par construction les possibles conflits d’intérêt… »

Le 16 février, le conseil d’administration de l’IRSN vote une motion d’alerte, rapportée par l’AFP : « Le conseil d’administration alerte le gouvernement et appelle à la vigilance sur le risque de départs du personnel de l’IRSN pouvant entraîner une paralysie du système de contrôle en radioprotection et sûreté nucléaire », indique cette motion votée à une très large majorité (18 voix pour, 4 contre, 2 abstentions), selon l’intersyndicale de l’Institut.

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