La gestion de l’eau et la journée des Tuiles du 7 juin 1788

Publié le 23 juin 2023
Alexandre DEBELLE 1889
Crédit photographique : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix

Début 1788, le Parlement de Grenoble proteste contre les nouveaux impôts de Louis XVI et la réduction du pouvoir des parlements locaux. Le 20 mai les parlementaires du Dauphiné proclament que si ces décisions sont maintenues, ils se dégageraient de la fidélité envers le roi. Le 7 juin 1788, le Lieutenant général du Dauphiné décide de confier à ses soldats des lettres de cachet à remettre aux parlementaires pour les empêcher de se réunir. C’est la révolte, ce sont les Grenobloises qui ont bloqué les accès à la ville et se sont emparées des clés des portes afin d’empêcher les troupes royales de sortir de Grenoble. La participation des femmes notamment des « herbières » à la journée des Tuiles apparaît sur le célèbre tableau d’Alexandre Debelle, et celles et ceux montés sur les toits, jettent des tuiles et divers objets sur les soldats et réinstallent les parlementaires.

Lors de la Fête des Tuiles du 7 juin 2023, à l’initiative de Jérôme Soldeville conseiller municipal délégué à l’histoire, un enseignant doctorant à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, M. Jean-Loup Kastler, a proposé une lecture nouvelle sur ce qui aurait amplifié la mobilisation des grenoblois en 1788, le renfort des montagnards venant au marché de la place aux Herbes. Ces derniers étaient fortement mobilisés contre la remise en cause des règles du Statut Delphinal de 1349 qui fondaient en droit pour l’usage de l’eau des véritables communs. Si cette analyse est confirmée, il y aura une nouvelle démonstration que la question de l’eau à Grenoble fait partie intégrante de l’histoire politique de la ville.

Voici le résumé de cette nouvelle thèse :

« Trois articles du Statut Dephinal de 1349 sont d’après nous, à ce sujet, révélateurs et forment une véritable charte des eaux servant de base à une véritable « écologie morale de Ia foule ».

L’article 26 de la charte (De la condition des fiefz) en vertu duquel il n’existe pas en Dauphiné de seigneur sans titre fonde le principe du caractère a priori public de l’eau. C’est à celui qui souhaite privatiser l’eau qu’incombe l’administration de la preuve.

 Un article 30 (Que le seigneur ne puisse édifier moulins au préjudice des autres) qui interdit de détourner l’eau d’un bief ou béal alimentant un moulin protège l’usage commun de l’eau tant dans le monde urbain que dans le monde rural.

L’article 18 qui énonce le principe d’un partage des corvées liées entre autres aux aménagements des rivières sans distinction d’ordre, sert de base à une solidarité fiscale en la matière. »

Extrait de l’article à paraître dans les Cahiers de l’institut d’histoire de la Révolution française intitulé « Aux sources médiévales et révolutionnaires du « républicanisme montagnard » des Lumières » JL Kastler »

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