L’ASN rend un avis sur les perspectives de poursuite du fonctionnement des réacteurs nucléaires d’EDF jusqu’à leurs 60 ans

Publié le 23 juin 2023

Le 13 juin, l’autorité de sureté du nucléaire (ASN) a rendu un avis sur cette question cruciale, juste avant la décision du 21 juin du Conseil constitutionnel sur la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, qui admet sa conformité à la Constitution de plusieurs dispositions mais censure pour tout ou partie dix de ses articles comme cavaliers législatifs ou contraires à la séparation des pouvoirs.

Pour le moment l’ASN délivre une autorisation pour les réacteurs de 900 MWe d’aller au-delà de 40 ans et pour les réacteurs de 1300 MWe la question sera tranchée en 2025. La question des 50 ans n’est pas tranchée. L’ASN point un certain nombre de questions cruciales qu’il faudra expertiser avant toute décision notamment à propos de l’érosion de certaines tuyauteries du circuit primaire et de la tenue sismique de la centrale de Cruas, celle-ci ayant subi un séisme important en 2019 et exigeant une étude supplémentaire. En annexe l’ASN pointe la question cruciale de tenue de la cuve des réacteurs ainsi que l’étanchéité des enceintes de confinement. L’ASN évoque la question de l’impact du changement climatique sur le fonctionnement des centrales ainsi que celui des installations du cycle du combustible dans des conditions de sûreté satisfaisantes.

« L’ASN prendra position sur les conditions de la poursuite de fonctionnement des réacteurs au- delà de 50 ans à l’occasion de leur cinquième réexamen périodique.

Cet horizon s’avère toutefois trop lointain pour que les enjeux en matière de sûreté nucléaire puissent être suffisamment anticipés et intégrés dans la politique énergétique. L’ASN considère ainsi qu’il est important de disposer rapidement des éléments permettant de justifier, du point de vue de la sûreté nucléaire, les hypothèses de durée de fonctionnement des réacteurs retenues pour établir le volet nucléaire de la politique énergétique à l’horizon 2040 et au-delà. À ce stade, EDF a transmis des éléments sur la poursuite du fonctionnement de ses réacteurs au-delà de 50 ans, qui sont peu étayés techniquement.

De ce fait, l’ASN a demandé qu’EDF justifie de manière anticipée l’hypothèse d’une poursuite du fonctionnement des réacteurs actuels jusqu’à 60 ans et au-delà, d’ici fin 2024, pour permettre une instruction approfondie débouchant sur une prise de position de l’ASN fin 2026.

D’une manière générale, les objectifs de sûreté définis par EDF pour le quatrième réexamen périodique des réacteurs électronucléaires et les démarches de maîtrise du vieillissement engagées s’inscrivaient dans la perspective d’une poursuite de fonctionnement jusqu’à 60 ans. À ce stade, l’ASN n’a pas identifié d’élément de nature à faire évoluer ces objectifs de sûreté.

Néanmoins, dans une perspective de poursuite de fonctionnement des réacteurs jusqu’à 60 ans, l’ASN identifie deux sujets techniques qui doivent être analysés prioritairement par EDF.

Dans sa note susvisée, EDF indique que la résistance mécanique de certaines portions des tuyauteries principales du circuit primaire de plusieurs réacteurs, appelées « coudes E » peut être insuffisante et, en conséquence, présente des pistes d’action. L’ASN note que ces pistes d’action nécessitent des développements complémentaires. La démonstration de leur caractère suffisant n’est pas acquise à ce stade dans la perspective de la poursuite du fonctionnement de certains réacteurs au-delà de leur cinquième visite décennale.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le site de Cruas, la prise en compte du retour d’expérience du séisme survenu au Teil le 11 novembre 2019 nécessite des investigations complémentaires, qui sont en cours de réalisation par EDF, afin de mieux caractériser la géologie autour de ce site. Si ces investigations montraient la présence, sous le site de Cruas, d’une faille capable d’induire une rupture en surface, la démonstration de sûreté de cette centrale serait complexe à établir et pourrait nécessiter des travaux conséquents, voire remettre en cause la poursuite du fonctionnement des réacteurs de la centrale nucléaire de Cruas, indépendamment de l’échéance des réexamens périodiques.

Par ailleurs, l’ASN rappelle que d’autres facteurs, tels que la prise en compte des effets attendus du changement climatique, ou encore le fonctionnement, dans des conditions de sûreté satisfaisantes, des installations du cycle du combustible, peuvent avoir des conséquences significatives sur la disponibilité des centrales nucléaires et doivent également faire l’objet d’une attention particulière dans la perspective d’un fonctionnement jusqu’à 60 ans.

La poursuite du fonctionnement des réacteurs actuels jusqu’à 60 ans, c’est-à-dire à horizon 2040, et au-delà pour les réacteurs les plus récents, ainsi que la mise en service de nouveaux réacteurs sur les sites actuels, pourraient en effet induire une pression supplémentaire en termes de prélèvements d’eau et de rejets radiologiques, chimiques et thermiques cumulés sur certains bassins versants : ceci nécessite de prévoir, dès à présent, des évolutions technologiques des installations, dans le cadre d’une approche globale et de long terme.

De même, le fonctionnement du cycle du combustible, qui repose sur un ensemble d’installations dont chacune est souvent un maillon unique dans une chaîne de traitement, suppose un travail de sécurisation industrielle pour prévenir les risques de situations bloquantes liées à l’indisponibilité de certaines installations ou à la saturation des capacités d’entreposage des matières radioactives, à la fois pour le fonctionnement du cycle du combustible, mais aussi pour la production d’électricité nucléaire qui en dépend.

Enfin, la standardisation du parc des réacteurs actuels et leur mise en service sur une période de temps relativement courte doivent rester des points d’attention pour les choix et le dimensionnement des moyens de production électrique futurs.

La large standardisation du parc électronucléaire français, particulière au réseau électrique français, présente le risque qu’un défaut générique grave conduise à la suspension simultanée du fonctionnement de plusieurs réacteurs, comme cela a pu être le cas récemment lors de la découverte de fissures de corrosion sous contrainte sur des tuyauteries auxiliaires du circuit primaire de plusieurs réacteurs. L’ASN considère nécessaire que ce type d’événement soit pris en compte dans la vérification du respect des critères de sécurité d’approvisionnement en électricité.

De plus, le calendrier resserré des mises en service initiales des réacteurs du parc électronucléaire français pourrait conduire, en dépit des spécificités propres à chaque réacteur, à leur arrêt définitif, pour des raisons liées à leur vieillissement, sur une période relativement courte. L’ASN considère que cette situation de mise à l’arrêt de plusieurs réacteurs sur une période courte doit être convenablement anticipée dans une vision à long terme de la politique énergétique, afin de permettre, le moment venu et sans renoncement en matière de sûreté, la transition vers de nouveaux moyens de production, quels qu’ils soient.

La position de l’ASN est détaillée en annexe au présent avis. Cette annexe présente également d’autres sujets techniques qui pourraient nécessiter une attention particulière en vue d’une poursuite de fonctionnement jusqu’à 60 ans. »

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