La ville de Grenoble, le rugby, un adjoint, au temps de l’apartheid en Afrique du Sud

Publié le 16 septembre 2023

Un des adjoints aux sports* du maire de l’époque, annonce, le 6 mai 1989, à peine élu, qu’il entraînerait en septembre 1989 l’équipe de l’Université de Pretoria en Afrique du Sud, en plein apartheid. « L’Université de Pretoria m’a invité à entraîner son équipe pendant quinze jours en septembre et j’ai accepté parce que je ne suis ni raciste, ni antiraciste, ni antisémite, ni rien du tout. Je suis sportif, je joue au rugby et pour le bien du rugby, j’irai là-bas sans aucune autre forme de pensée », justifie-t-il avant d’ajouter : « Nous, on ne sait pas ce que c’est que l’apartheid. Pour nous il y a en Afrique du Sud des joueurs de rugby qui sont les meilleurs du monde et on a envie d’apprendre à jouer comme eux ».

Nous interpellons publiquement cet élu le 6 mai 1989, son maire, en demandant à cet adjoint aux sports de la ville de Grenoble de renoncer à aller entrainer une équipe universitaire de l’apartheid en Afrique du Sud, alors qu’en tant qu’adjoint il représente la ville de Grenoble, Compagnon de la Libération, qui a lutté contre les nazis, le racisme et la collaboration.

Alors que la quasi-totalité des fédérations sportives ont rompu leurs liens avec le pays de l’apartheid l’adjoint-entraîneur réplique : « je ne comprends pas pourquoi on écarte l’Afrique du Sud des relations internationales du rugby. » Le Monde remarque : « Il n’a jamais entendu parler de l’apartheid ou bien est-ce que la condition des Noirs dans ce pays lui parait moins importante qu’un jeu de ballon ? »

Le 10 mai 1989 l’adjoint annonce dans un communiqué : « J’ai reçu une invitation à titre privé à me mettre à la disposition de l’Université de Prétoria cet été. Après m’être entretenu avec le maire de Grenoble (…) j’ai décidé de décliner cette invitation (…) ».

La politique de l’apartheid est abolie le 30 juin 1991, l’équipe d’Afrique du Sud de rugby à XV est de nouveau admise au niveau international en 1992. Cette équipe est aujourd’hui une des meilleurs du monde et elle participe à la Coupe du Monde de Rugby 2023 en France ces jours-ci**.

Cet adjoint-entraîneur a gardé des rapports corrects avec l’élu qui avait demandé à ce qu’il n’aille pas dans ce pays d’apartheid en 1989. Dix ans plus tard, il lui a dit : « Je t’en ai voulu, tu ne peux pas savoir. J’ai été obligé de ne pas y aller. Mais avec le temps, je dois dire, tu avais raison, et je m’en sors mieux. ». Respect.

* « Un des adjoints aux sports » mérite une explication. Le maire, M. Carignon, avait décidé d’avoir trois adjoints aux sports, ce qui est irrégulier et créait des confusions dans les décisions annoncées en commission des sports, en public, et dans les actes pris, les services de la commune ne sachant plus à quel adjoint se vouer. Mais le maire avait trois utilités de communication et de clientèles : faire de la com’ avec une sportive de haut niveau, organiser les rapports avec tous les clubs sportifs avec un élu d’extrême-droite, et tenir un relai avec le club de rugby, un de ses responsables, un grand rugbyman. Il a donc choisi celui qui était entraîneur du FC Grenoble rugby pour en faire son « adjoint aux sports collectifs » (les autres étant « adjointe au sport de haut niveau » et « adjoint aux sports »).

** Après plusieurs changements, l’équipe d’Afrique du Sud, dénommée Les Springboks, du nom de l’antilope sauteuse d’Afrique australe dont le nom afrikaans signifie : « spring » (sauteur, qui saute) et « bok » (bouc), a gardé son antilope sur le maillot, à laquelle a été ajoutée la fleur emblème traditionnel du pays et symbolique des équipes noires de rugby : la protéa royale.

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