Le dixième numéro de Perspectives, édité par la Banque des territoires du groupe de la Caisse des Dépôts et Consignations, présente le patrimoine des bailleurs sociaux en 2021, analyse leurs comptes consolidés entre 2016 et 2021 et propose une projection à 40 ans de la situation financière du secteur du logement social, marqué par la montée de l’inflation et des taux d’intérêt impactant l’exploitation comme les coûts d’investissement.
La Banque des Territoires estime que maintenir les ambitions de rénovation énergétique du parc jusqu’en 2030 supposerait un renoncement en termes de construction.
Cette vue purement financière est très inquiétante puisque qu’il y a une nécessité sociale d’augmenter fortement le nombre de logements sociaux tout en réhabilitant l’existant. Si on veut faire les deux il faut que le gouvernement arrête la politique d’asphyxie du logement social en rétablissant les APL pour les locataires du logement social. Ceci permettrait une reprise de la construction en direct par les bailleurs sociaux.
Au même moment l’USH (Union sociale pour l’habitat), à l’occasion du congrès annuel des HLM, évalue le besoin en nouveaux logements sociaux à 198.000 par an jusqu’en 2040. L’USH laisse présager une production de logements sociaux en 2023 inférieure à celle de 2022, qui était déjà une « très mauvaise année » (95.000 agréments hors Anru). L’étude commandée au cabinet HTC (Habitat territoires conseil) sera présentée en plénière d’ouverture du congrès. Celle-ci fait état d’un besoin de 518.000 nouveaux logements (construction neuve ou remise sur le marché) par an sur la période 2024-2040. Ces besoins se décomposent comme suit : 116.000 pour permettre le desserrement des ménages, 33.000 pour compenser la sortie du parc d’une partie des logements les plus énergivores, 100.000 pour répondre au maintien de la demande de résidences secondaires, 50.000 pour maintenir un taux de vacance nécessaire à la fluidité du marché, 122.000 pour contribuer à résorber le mal-logement, 74.000 logements pour absorber le solde migratoire et 23.000 pour absorber le solde naturel.
Voici des extraits de l’article de la Banque des Territoires :
« Fin 2021, le parc social comprend 5,6 millions de logements, gérés essentiellement par des OPH et des ESH. La construction de logements sociaux, dont la Banque des Territoires est le financeur de référence via des prêts à long terme, représente un peu plus d’un cinquième des mises en chantier de logements privés et sociaux. Ces mises en chantier s’opèrent de plus en plus par l’intermédiaire de la VEFA, le secteur du logement social est ainsi plus sensible à l’évolution du marché de l’immobilier privé.
La situation financière des bailleurs demeure donc nettement favorable en 2021 : la part des capitaux propres au bilan s’est renforcée et le potentiel financier a progressé, s’établissant à 1 790 € par logement. Cette consolidation est d’autant plus nécessaire que le secteur est confronté à des défis majeurs à court et moyen terme. En effet, le contexte inflationniste initié en 2022 et le programme patrimonial induit par la loi Climat et résilience vont impacter considérablement les équilibres financiers du secteur dans les années à venir.
La partie prévisionnelle de cette étude projette les comptes des bailleurs sociaux à long terme et analyse leur soutenabilité financière sur 40 ans en lien avec les maturités de leur financement. Ainsi, selon le scénario économique retenu, les bailleurs sociaux pourraient faire face à d’importants investissements de rénovations thermiques du parc social pour répondre aux enjeux de la SNBC, avec un rythme atteignant jusqu’à 125 000 réhabilitations par an en 2026 et 2027. En dépit du maintien du taux du livret A à 3 % jusqu’à fin janvier 2025, cette trajectoire ambitieuse ne serait envisageable que grâce à la situation financière initiale saine des bailleurs et au détriment de la construction de logements sociaux. Après une normalisation progressive d’ici à 2028, le scenario retenu intègre des bouleversements structurels aboutissant à de nouveaux équilibres macroéconomiques à long terme. Il n’y est ainsi pas anticipé de retour à la situation antérieure de taux d’intérêt exceptionnellement bas après le choc inflationniste, le niveau du taux du livret A de long terme étant réhaussé à 2 %. À plans de financement constants, cela impacterait les équilibres des opérations nouvelles, dégradant le potentiel financier au fil du temps. Les trajectoires précédentes d’objectifs d’investissements seraient difficilement atteignables à moyen et long terme, à politiques publiques constantes. La situation financière du macro-organisme résisterait sur l’ensemble de la période de projection, au prix d’un repli de la production de logements à long terme et d’une baisse des volumes de réhabilitations après 2030. Il est important de souligner que l’analyse du secteur dans sa globalité ne reflète pas l’hétérogénéité des situations financières des différents bailleurs et la projection de long terme reste très sensible aux hypothèses retenues. »