Le ministre de la justice jugé par la Cour de Justice de la République

Publié le 10 novembre 2023

Du 6 au 17 novembre 2023, M. Eric Dupond-Moretti en tant que ministre passe en jugement devant la Cour de Justice de la République car il est soupçonné d’avoir profité de ses fonctions pour intervenir dans des dossiers pour lesquels il était auparavant intéressé en tant qu’avocat ; il est poursuivi pour prises illégales d’intérêts. Le gouvernement a décidé de le laisser agir comme ministre durant le procès, il aurait pu se déporter.

A la suite du signalement de Raymond Avrillier enregistré le 28 septembre 2020, de la plainte de l’association Anticor enregistrée le 8 octobre 2020, et la plainte du Syndicat de la magistrature et de l’Union syndicale des magistrats enregistrée le 16 décembre 2020, la commission d’instruction de la Cour de Justice de la République a été saisie du chef de prises illégales d’intérêt, délits prévus et réprimés par l’article 432-12 du code pénal, pour des faits commis courant 2020 relatifs à trois magistrats du PNF, d’une part, et au juge Levraut, d’autre part, à l’encontre de M. Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice.

L’association Anticor, qui sera entendue comme témoin, fait le point sur ce dossier :

« Le 24 juin 2020, l’hebdomadaire Le Point a révélé qu’une enquête avait été menée entre 2014 et 2019 par le Parquet National Financier (PNF) dans le but d’identifier l’auteur d’une fuite ayant permis à Nicolas Sarkozy d’apprendre sa mise sur écoute par la justice dans le cadre de l’affaire libyenne.

Éric Dupond-Moretti faisait partie des avocats dont les relevés téléphoniques avaient été saisis par la justice, en raison de ses liens d’amitié avec Me Herzog, avocat et intime de M. Sarkozy. Le futur garde des Sceaux avait qualifié alors les magistrats en charge de l’enquête de « barbouzes » et porté plainte contre le Parquet national financier (PNF).

À la suite des révélations de l’hebdomadaire Le Point, Mme Belloubet, alors ministre de la Justice, avait demandé à l’Inspection générale de la justice (IGJ) une enquête sur le fonctionnement du PNF et sur la procédure visant des avocats. Cette enquête a conclu à l’absence de faute de ces magistrats.   

Le 6 juillet 2020, Éric Dupond-Moretti était nommé garde des Sceaux. Le lendemain, il retirait sa plainte, semblant convenir qu’un ministre de la Justice ne pouvait s’en prendre aux procureurs, placés sous son autorité hiérarchique.

Le 15 septembre, le rapport de l’IGJ sollicité par Nicole Belloubet était remis à Éric Dupond-Moretti. Il ne relevait aucune faute commise par les magistrats du PNF. Toutefois, le ministre demandait alors immédiatement une deuxième enquête contre trois d’entre eux.

Cette seconde enquête pourrait tendre à régler des comptes personnels, en envoyant un message aux procureurs qui ont porté l’accusation contre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. Si les faits sont avérés, ils pourraient recevoir la qualification pénale de « prise illégale d’intérêts ». C’est pourquoi l’association Anticor a saisi la Cour de Justice de la République dès le 6 octobre 2020. Le Ministre de la Justice est bien sûr présumé innocent et il n’appartient qu’à la Justice de dire s’il a commis une infraction pénale.

Éric Dupond-Moretti devra répondre de ces faits devant la Cour de Justice de la République du 6 au 17 novembre 2023. L’association Anticor, qui est à l’origine de cette affaire, sera auditionnée en qualité de témoin et portera la voix des citoyens lors de cette audience.

L’association Anticor entend rappeler que la prise illégale d’intérêts est un délit pénal grave, puni de cinq ans d’emprisonnement, qui consiste à intervenir dans une décision publique tout en ayant un intérêt personnel à ce qu’elle soit prise dans un sens ou dans un autre.

Or, dans une démocratie, il est inacceptable que le pouvoir puisse être utilisé à des fins personnelles, il ne doit servir que le seul intérêt général.

L’association Anticor souhaite, en outre, rappeler que le garde des Sceaux, garant de l’État de droit et de l’indépendance de la justice, doit veiller à ce que les juges puissent exercer leurs fonctions de manière impartiale, sans ingérences, qu’elles soient politiques ou extérieures.

Dans ces conditions, il serait particulièrement alarmant qu’un ministre de la justice ait pu instrumentaliser son administration contre des agents publics de la justice, qui dépendent de son ministère, afin de régler des comptes personnels, et ce, au mépris de la loi.

Selon Élise Van Beneden, Présidente d’Anticor : « Un ministre doit servir les citoyens et non se servir de ses pouvoirs pour se venger contre des juges qui ont pu lui déplaire lorsqu’il était avocat. Si le garde des Sceaux a fait cela, cela signifie qu’il a trahi très gravement la démocratie ».

Par ses actions en justice et par le plaidoyer qu’elle porte depuis plus de vingt ans, l’association Anticor combat la corruption et les abus de pouvoir et défend des propositions ambitieuses pour garantir l’indépendance de la justice. C’est pourquoi Anticor sera attentive à ce que la lumière soit faite sur cette affaire. »

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