La loi Darmanin sur l’immigration : la capitulation du macronisme en rase campagne

Publié le 22 décembre 2023

Les démocrates, les républicains, les humanistes et les écologistes craignaient la date de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national, c’est quasiment fait, sous un faux nez ou par une alliance avec une majorité « renaissance » et une droite décomplexée. La préférence nationale est « en marche », le droit du sol oublié, les restrictions pour les étrangers des prestations sociales, avant même que le RN ait gagné dans les urnes ; l’alliance de la majorité des macronistes avec la droite extrême de Ciotti et Retailleau a déroulé le tapis noir à Marine Le Pen et J. Bardella. Depuis des années par grignotements successifs, la préférence nationale – la marque de fabrique de l’extrême droite – sonnait à la porte. Même le Conseil constitutionnel a été indulgent par le passé, souhaitons qu’il se ressaisisse et rappelle les fondamentaux de notre Etat de droit.

Saluons l’attitude résolue des député.es Nupes, de certains député.es macronistes qui refusent de voir les valeurs de notre République ainsi bafouées, en votant contre cette loi et la démission du ministre de la santé Aurélien Rousseau.

La préférence nationale est contraire à l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »  Le préambule de cette déclaration rappelle qu’il s’agit de droits inaliénables : « Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; »

La préférence nationale est contraire au Préambule de la Constitution de 1946 qui fait aussi partie de notre bloc constitutionnel : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. 

La préférence nationale est contraire à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, qui s’impose à la France, car son article 14 interdit les discriminations: « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.»

Rappelons que le Code général des collectivités territoriales qui régit l’ensemble des règles concernant les collectivités locales, ne fait aucune distinction concernant les étrangers qui ont les mêmes droits que les nationaux, ils paient des impôts et des taxes, ils sont usagers des services publics comme tout un chacun.

Souhaitons que le Conseil constitutionnel intervienne clairement contre la préférence nationale, sinon c’est une victoire idéologique du Rassemblement national. L’abandon des valeurs de démocratie et de solidarité, qui sont les fondamentaux de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen.ne et de notre Constitution, sont un signe précurseur d’une victoire politique des idées d’autoritarisme et d’intolérance.  Cette dérive pourrait se traduire dans les prochains scrutins, si nous n’avons pas un sursaut de protection de notre démocratie.

Un article du Monde liste les mesures susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel notamment le durcissement des conditions du regroupement familial, la modification de l’accès aux prestations familiales, la remise en cause de l’automaticité du droit du sol… Loi « immigration » : les mesures susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel (lemonde.fr). Et dans un autre article : « Le Conseil constitutionnel chargé par l’exécutif de corriger la loi « immigration ». De leur propre aveu, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne misent sur la censure des mesures contraires aux droits fondamentaux, qu’ils ont pourtant fait voter. Au risque de légitimer, à terme, l’appel de LR et du RN à réformer la Constitution et à recourir au référendum sur l’immigration. »

Dans l’Isère il y a deux sénateurs qui ont voté contre la loi Darmanin (Gontard et Rambaud), 3 pour (Puissat, Savin et Michallet) et 4 député-es qui ont voté contre (Chatelain, Martin, Battistel et Iordanoff), 2 abstentions (Jacquier-Laforge et Meynier-Millefert) et 4 pour (Hugues suppléante de Véran, Jolly, Neuder et Abadie).

Le 21 décembre à l’occasion d’un point presse à Grenoble où des associations œuvrant pour les migrants se sont exprimées, le maire a expliqué que cette loi avait de nombreuses conséquences pour la ville et ses habitant-es. « Grenoble, terre d’accueil et ville Compagnon de la Libération, s’opposera autant qu’elle le peut à cette loi régressive et rétrograde. Elle instaure la préférence nationale, précarisant encore davantage les personnes étrangères. Vu l’actualité tragique des personnes à la rue, la Ville dénonce avec force la fin de l’inconditionnalité d’accès à l’hébergement d’urgence.

La Ville de Grenoble n’appliquera pas la préférence nationale. Elle continuera à défendre les valeurs humanistes fièrement gravées dans le marbre de notre Constitution et de nos édifices publics : liberté, égalité, fraternité. »

Communiqué du 20 décembre 2023 de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) qui regroupe plus de 870 associations et organismes qui agissent pour la solidarité :

« Loi immigration : après ce vote sans précédent, la FAS amplifie sa mobilisation auprès des acteurs de la solidarité.

Après l’adoption d’une loi sans précédent sous la Ve République qui n’apporte aucun élément de maîtrise de l’accueil et de l’intégration des étrangers mais un déchainement de mesures qui vont peser lourdement sur les étrangers en précarité, les conditions d’action des professionnels et des bénévoles dans les associations ainsi que sur l’ordre public et sur la force de notre société et de notre économie, la Fédération des acteurs de la solidarité exprime sa plus vive inquiétude.

La FAS engage dès maintenant les démarches nécessaires à l’examen par le Conseil constitutionnel des mesures contraires aux principes fondamentaux de solidarité et de fraternité indissociables de notre République.

Gravement préoccupée pour le respect des principes de solidarité et notamment d’inconditionnalité, la situation des personnes et les conditions de la lutte contre la pauvreté par des intervenants sociaux et sanitaires déjà fragilisés, lucide sur les fragilités du pays, la FAS n’a pas ménagé ses efforts pour favoriser des évolutions conformes à l’intérêt général. Elle déplore que les calculs politiciens cyniques de tous ordres l’aient emporté au mépris de la cohésion sociale et des valeurs de notre République.

Dans ce contexte, la FAS est déterminée à amplifier ses actions pour faire prévaloir les impératifs de solidarité. Elle engage sans délai une consultation des acteurs de la solidarité (personnes concernées, travailleuses et travailleurs sociaux, bénévoles, directions, partenaires) pour déterminer les modalités de la mobilisation collective et leur être pleinement utile dans la phase de résistance constructive qui s’ouvre.

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.