Deux informations importantes sont à souligner : une décision du Conseil constitutionnel et le rapport annuel de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Le 17 mai 2024, le Conseil constitutionnel valide la constitutionnalité de la nouvelle gouvernance de la sécurité nucléaire instaurée par la loi relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Avec une précision importante : « lorsque, pour le contrôle de la sûreté nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection recourt, dans le cadre d’une instruction, à une expertise réalisée par ses services, une distinction doit être opérée entre les fonctions d’expertise et de décision. » Cela va obliger l’ASN à prévoir cette distinction importante dans son organisation. Le conseil constitutionnel donne raison sur le fond aux opposants à l’absorption de l’IRSN par l’ASN qui estimaient qu’il fallait absolument distinguer ces deux fonctions. Il faudra vérifier comment l’ASN va s’organiser à ce sujet.
Au lieu de conserver un système satisfaisant de l’avis du plus grand nombre cette fusion va créer des incertitudes sur les l’indépendance des expertises de l’ASN avec un risque de voir se développer des recours contres les décisions prises au motif de la non-indépendance des expertises. Le gouvernement pense qu’il va gagner du temps dans la mise en place de son programme nucléaire, l’avenir montrera que ce n’est peut-être pas aussi simple qu’il l’espérait.
Voici un extrait du communiqué du Conseil : Les dispositions contestées prévoient que cette autorité assure désormais certaines missions auparavant exercées par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, en particulier sa mission d’expertise dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Le Conseil relève que ces dispositions visent à confier des missions antérieurement exercées par un établissement public à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, qui est une autorité administrative indépendante soumise aux dispositions de la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes ainsi que de la loi n° 2017-55 du même jour portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes… »
Rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a présenté le 16 mai aux parlementaires de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023. À cette occasion, l’ASN a présenté de nombreux sujets d’attention face aux nouvelles ambitions en matière nucléaire :
« L’ASN souligne qu’en 2023, le niveau de sûreté des installations nucléaires a été satisfaisant avec une moindre tension sur les installations du cycle du combustible qu’en 2022 et la mise en œuvre par EDF d’une stratégie jugée appropriée par l’ASN pour faire face et traiter le phénomène de corrosion sous contrainte apparu sur certains de ses réacteurs. Les performances en matière de radioprotection se sont maintenues à un bon niveau malgré une augmentation, dans le secteur médical, d’événements significatifs de niveau 2. Cette situation contrastée conduit à rappeler l’importance des analyses de risques en radiothérapie.
Dans le contexte marqué par de nouvelles ambitions en matière nucléaire, l’ASN souligne trois sujets d’attention :
Les perspectives plus ambitieuses, portées par les exploitants, de poursuite d’exploitation des installations nucléaires existantes génèrent un besoin fort d’identification des mesures à mettre en œuvre sans tarder, pour atteindre dans des conditions sûres les nouveaux horizons envisagés. Elles imposent par ailleurs de poursuivre et de renforcer les démarches d’anticipation des enjeux de long terme sur les réacteurs dans une perspective de fonctionnement au-delà de 60 ans, et sur les nouvelles installations du cycle du combustible à envisager, en clarifiant les perspectives retenues en matière de retraitement et d’entreposage des combustibles usés.
L’engouement suscité par les réacteurs innovants (SMR/AMR) qui présentent des caractéristiques intrinsèques de sûreté potentiellement prometteuses ne doit pas éluder les questions techniques, systémiques et sociétales qu’ils soulèvent. Ces questions sont notamment liées aux travaux préliminaires à réaliser pour démontrer leur sûreté de fonctionnement, à l’ensemble des enjeux de sûreté/sécurité et de non-prolifération à intégrer en amont, au développement d’une approche intégrée de la fourniture du combustible nucléaire et de la gestion des combustibles usés pour chacune des filières technologiques de réacteurs innovants, et à l’acceptabilité de l’implantation de ces réacteurs en dehors de sites nucléaires dédiés.
Les nombreux projets nouveaux dans le nucléaire imposent un effort exceptionnel en matière de compétences, de conduite de projets et de rigueur industrielle qui concerne l’ensemble de la filière. Malgré des progrès constatés en matière de maîtrise technique et de pilotage des activités, les contrôles de la chaîne d’approvisionnement des matériels destinés aux installations nucléaires réalisés par l’ASN mettent encore en évidence des faiblesses récurrentes dans la rigueur industrielle. Au-delà de ces faiblesses, dans un contexte de forte montée en charge, la lutte contre les falsifications et les contrefaçons à tous les niveaux de la chaine de sous-traitance doit rester un point majeur de vigilance pour toute la filière et inciter les donneurs d’ordres à développer des démarches favorisant la déclaration des écarts.
Mots-clefs : conseil, constitution, nucléaire, risques majeurs