Ce qui s’est passé ces dernières semaines, avec le refus de nommer Lucie Castets comme première ministre a pour conséquence que Macron qui se croit encore Jupiter, s’est mis dans les mains du Rassemblement National qui est en position de faire tomber le prochain gouvernement quand il le décidera.
Pour se faire élire Président de la République a eu besoin du Front républicain contre la candidate du Rassemblement National. Au lendemain de son élection de 2022, il a déclaré se « sentir obligé par les votes de celles et ceux qui lui ont apporté leurs suffrages » pour éviter l’arrivée de l’extrême droite. Encore une promesse sans lendemain, il n’en a jamais tenu compte.
Suite à la lourde défaite de son camp lors des élections européennes, il a cru pouvoir diviser la gauche, la Nupes étant morte, en décidant une dissolution surprise de l’Assemblée nationale, suivie d’une nouvelle élection le plus rapidement possible pour piéger les partis de gauche et écologistes.
Or le danger de voir l’arrivée du RN en majorité à l’Assemblée nationale a obligé les partis de gauche à s’unir dans le Nouveau Front Populaire (NFP), de mettre en place un programme de gouvernement et d’appeler au front républicain pour faire barrage au RN.
Les électeurs-trices se sont massivement déplacé.e.s et le front républicain a bien fonctionné, la gauche et les écologistes l’appliquant parfaitement, la macronie avec difficulté et la droite se coupant en deux, une partie partant avec le RN.
Résultat des élections, une Assemblée Nationale proche de la proportionnelle avec le bloc du Nouveau Front Populaire nettement en tête 193 membres (33,5%), le mouvement macroniste profondément divisé, essuyant une large défaite 166 membres (28,8%) et l’extrême droite ayant 142 élu-es (24,6 %) et le pompon des perdants revient à la droite 47 députés (8,1%) de l’assemblée. Le président a complètement raté son « coup politique » et s’avère incapable de prendre en compte les résultats. Encore une fois il n’a pas su prendre en compte la logique du front républicain et a mis plus d’un mois à refuser de nommer Lucie Castets comme première ministre, alors que cette dernière avec le NFP avait écrit à tous les parlementaires (hors RN, front républicain oblige) une lettre précisant sa méthode de gouvernement et ses priorités, proposant de trouver des majorités texte par texte, donc respectant le vote des électrices et des électeurs (voir plus bas).
La macronie et la droite ont essayé d’argumenter sur l’impossibilité d’avoir un gouvernement où figurerait la France insoumise, mais piégées par la proposition de J.L. Mélenchon qu’il pouvait y avoir un gouvernement de gauche et écologiste sans ministres insoumis, elles ont été obligées de déclarer que ce n’était plus la France insoumise le problème mais le programme du NFP.
Macron a donc fermé la porte à Lucie Castets et au NFP. Ce qui est une faute institutionnelle et politique puisque ce n’est pas au président de décider si un gouvernement sera ou non censuré, mais à l’Assemble nationale. Ce président est incapable d’accepter la séparation des pouvoirs, ici entre exécutif et législatif.
Pour boucler cette séquence, habilement le RN a déclaré qu’il ne voterait pas systématiquement la censure, sauf contre le NFP. Le RN a déjà permis l’élection de la présidente de l’Assemblée nationale contre le candidat du NFP, à quelques voix près et préfère un gouvernement qui penche à droite pour lui imposer plus facilement ses priorités, comme on l’a vu sur les lois immigration où la macronie a enfourché les propositions du RN.
Macron, quelque soit le nouveau gouvernement, se trouve maintenant entre les mains du RN qui choisira quand cela l’arrangera de faire tomber le gouvernement.
Evidemment le NFP refusera de participer aux nouvelles consultations proposées par Macron.
En politique il est essentiel d’avoir des principes fondamentaux et s’y tenir. Le refus de l’extrême droite a été clairement choisi par une très grande majorité des électrices et électeurs, il est inadmissible que ce fait ne soit pas pris en compte par l’ensemble des député-es du camp républicain qui auraient dû accepter la simple réalité : le NFP avec 193 députés est largement le premier groupe dans ce camp, il était donc légitime à proposer un gouvernement et une nouvelle politique qui aurait été décidée par le parlement, texte par texte, qui n’aurait pu être une application stricte de l’ensemble du programme du NFP, mais le résultat de décisions après des débats à l’Assemblée nationale. N’est ce pas les fondamentaux de la Démocratie ?
Dans le communiqué de E. Macron du 26 août qui ferme la porte au Nouveau Front Populaire il est indiqué :
« Les échanges avec le groupe LIOT et les partis EPR, MODEM, Horizons, les Radicaux et UDI ont dessiné des voies de coalition et de travail commun possibles entre différentes sensibilités politiques. Ces groupes se sont montrés ouverts à soutenir un gouvernement dirigé par une personnalité qui ne serait pas issue de leurs rangs. »
L’ensemble de ces groupes représentent le même nombre de député-es que le NFP. Il reste à Macron, obnubilé par sa volonté de détruire la gauche, de nommer une personnalité étiquetée à gauche pour essayer d’arrivée à ses fins. Mais comme la durée de vie de cette assemblée nationale ne devrait pas dépasser une année, le NFP a tout intérêt à resté uni en marquant des points par ses votes à l’Assemblée Nationale et en proposant une loi pour l’élection législative à la proportionnelle ce qui éloignera au moins pour un temps, la possibilité d’une victoire du RN à la prochaine élection.
Ci-dessous la lettre de Lucie Castets, du 12 août, co-signée par tous les président-es des groupes de gauche et écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat qui précisait la méthode de gouvernement et ses priorités.
« Plus d’un mois après le second tour des élections législatives, la France n’a toujours pas de gouvernement. Préoccupés par cet état de fait, et alors que les urgences demeurent nombreuses et la situation internationale alarmante, nous prenons l’initiative de vous écrire.
Les 30 juin et 7 juillet derniers, appelés aux urnes, les Françaises et les Français se sont fortement mobilisés, donnant à la nouvelle Assemblée nationale une très forte légitimité et une centralité inédite. Le président de la République avait appelé à une forme de clarification. La voici.
De ces élections législatives anticipées décidées par le président de la République seul, nous croyons devoir collectivement tirer quelques leçons.
Les électeurs et électrices ont exprimé une très forte attente de changement sur le fond des politiques conduites depuis 2017. Ils ont dit leur demande de justice sociale et fiscale, de reconnaissance du travail, notamment sur le plan salarial, de soutien au pouvoir d’achat, de défense des services publics, afin de les rendre plus accessibles et de qualité, leur demande, enfin, de protection et de sécurité du quotidien.
Ils ont également exprimé une demande de changement des pratiques politiques et démocratiques, après des réformes qu’ils se sont vu imposer sans concertation, contre leur avis majoritaire et souvent avec une forme de brutalité institutionnelle. Ils aspirent à être mieux entendus et à une démocratie continue respectueuse des corps intermédiaires autant que des citoyens eux-mêmes.
Les électeurs et électrices ont également, à une très large majorité, refusé le projet de l’extrême droite, un projet régressif, qui trie et stigmatise les Français, à rebours de nos valeurs et de l’histoire de notre République. Ils ont fait barrage républicain contre le Rassemblement national et ses nouveaux alliés de circonstance. Nous ne devons jamais l’oublier.
Les électeurs et les électrices ont, enfin, placé le Nouveau Front Populaire en tête au second tour des élections législatives et en ont fait la première force politique à l’Assemblée nationale. C’est à ce titre qu’il est attendu du président de la République qu’il nomme un gouvernement de Front populaire. À charge pour ce dernier d’entendre les aspirations des Françaises et des Français et de faire vivre une Assemblée nationale certes fragmentée et sans majorité, mais surtout pluraliste. Le Parlement doit, plus que jamais, être au cœur de nos institutions et de notre vie démocratique. Faisons-en une chance.
Ce résultat nous oblige collectivement et nous voudrions vous dire l’état d’esprit qui est le notre et le chemin qui nous paraît pouvoir être désormais suivi pour demeurer fidèle au résultat des élections législatives.
Le gouvernement du Nouveau Front Populaire qui serait ainsi nommé par le président de la République devrait, à notre sens, prendre en compte l’ensemble des implications de ce scrutin.
Il devra en premier lieu tenir compte du fait que la majorité sur laquelle il s’appuie n’est que relative et qu’il lui sera dès lors nécessaire de convaincre au-delà des rangs du Nouveau Front Populaire pour construire des majorités parlementaires. Cette situation appellera sans nul doute une évolution de nos pratiques parlementaires et des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif: mieux articuler les fonctions d’évaluation et de contrôle avec la fonction législative, envisager de répartir les responsabilités de rapporteurs entre les groupes républicains sur certains textes débattus, partager l’ordre du jour parlementaire – y compris le temps gouvernemental, ou encore élaborer les textes en amont avec les rapporteurs et chefs de file pressentis des commissions, avant même la transmission de l’avant-projet de loi au Conseil d’État.
Il devra, en second lieu, renouer le dialogue avec les corps intermédiaires et la société civile, en particulier avec les organisations syndicales et le monde associatif, qui doivent être partie prenante du renouveau des pratiques démocratiques, qui seul permettra de construire les majorités les plus larges, dans le pays comme au Parlement. Il devra considérer la République des territoires et ses 520 000 élus locaux, qui ont une connaissance intime des réalités quotidiennes des Français et sont les artisans de notre cohésion sociale. Cela nécessitera de renforcer les libertés locales dans l’esprit des lois de décentralisation, de renouveler la capacité d’agir et d’innover des collectivités de l’hexagone et des Outre-mer, pour accélérer la bifurcation écologique, porter des politiques de solidarité et défendre les services publics de proximité. Cela appellera de l’État local qu’il ait véritablement les moyens de les accompagner, dans le respect du principe d’égalité entre les territoires.
Nous nous portons garant de ce changement de pratique. Dès sa nomination, le gouvernement Nouveau Front Populaire mènera des discussions approfondies et transparentes avec les groupes parlementaires républicains, avec les syndicats et la société civile organisées ainsi qu’avec les associations nationales d’élus, sur le budget pour 2025 d’une part, et sur un programme de travail gouvernemental pour les mois à venir d’autre part.
Sur le fond, nous vous proposerons que les deux assemblées travaillent sur le fondement de cinq grandes priorités pour la vie de nos concitoyennes et concitoyens, à partir desquelles seront déterminés ensemble les priorités budgétaires et le calendrier législatif :
- Améliorer le pouvoir d’achat et renforcer la justice sociale : augmenter les salaires, notamment le SMIC et les bas salaires, les minimas sociaux, abroger la réforme des retraites et redonner la main aux partenaires sociaux sur l’assurance chômage.
- Accélérer la bifurcation écologique de notre économie et soutenir les initiatives écologiques de proximité.
- Redresser l’Éducation nationale, renforcer l’égalité au sein de notre système éducatif pour garantir l’avenir de nos enfants.
- Accueillir à nouveau le service public de santé dans les territoires et garantir le bon fonctionnement de l’hôpital public.
- Rétablir une fiscalité juste qui permette de financer nos services publics, le pouvoir d’achat et la transition écologique tout en évitant de creuser la dette grâce à une hausse des ressources fiscales concentrée sur les foyers les plus aisés, les multinationales et la lutte renforcée contre la fraude et l’évasion fiscale.
Nous vous proposerons également de renouer avec les travaux parlementaires de la XVIe législature qui ont été interrompus par la dissolution et notamment avec certaines initiatives législatives, comme celles concernant la fin de vie, la protection de l’enfance, les familles monoparentales, l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé ou les violences sexuelles dans le milieu culturel. Sur l’ensemble des sujets, le Parlement et ses élus doivent jouer leur rôle de cœur battant de la démocratie.
Nous croyons fermement que les priorités ainsi débattues ensemble, le regain de place donnée au travail parlementaire, ainsi que le dialogue retrouvé avec les collectivités territoriales, les syndicats et les corps intermédiaires sont à même de réunir, au-delà de notre coalition, pour répondre aux besoins urgents du peuple. C’est aussi la mise en œuvre de cette méthode et de ces priorités qui permettra de montrer à nos concitoyens que leur vote a été compris et de restaurer la confiance dans nos institutions démocratiques.
Nous espérons partager avec vous la volonté d’apporter au pays les réponses qu’il attend et la stabilité qu’il espère. Dans cette perspective, nous nous tenons à votre disposition pour évoquer les propositions formulées dans ce courrier et, plus largement, de pouvoir échanger sur vos priorités dès la rentrée. »
Mots-clefs : ADES, démocratie, gouvernement, République