Lutter efficacement contre le narcotrafic et refonder la police de proximité

Publié le 1 novembre 2024

Il faut reconnaitre qu’actuellement les politiques menées contre le narcotrafic sont en échec. La France est en Europe, le pays à la fois le plus répressif et celui où l’augmentation des utilisateurs de drogues illégales est la plus importante. On « écope la mer avec une petite cuillère ». Il y a une erreur profonde de diagnostic et donc de solution.

Les politiques qui font semblant d’être capables de lutter contre les narcotrafics à coup de grandes déclarations et de multiplication de la vidéosurveillance, seraient bien avisées de parler moins haut et d’examiner les études sérieuses qui traitent de ce sujet, comme par exemple le récent rapport sénatorial de mai 2024.

Cette analyse approfondie sur la lutte contre le narcotrafic, doit aussi s’accompagner d’une réflexion sur le retour d’une police nationale de proximité à côté des corps de polices spécialisées et particulièrement équipées pour les opérations nécessaires contre les personnes dangereuses, violentes et de plus en plus souvent armées et même surarmées. Un grand service public de la sécurité doit pouvoir s’appuyer sur une police présente en permanence dans tous les quartiers de nos villes dont un des rôles essentiels est de faire de la prévention contre la délinquance et rejoindrait ainsi le travail des collectivités dans un vrai continuum de sécurité. 

N. Sarkozy a supprimé la police de proximité en 2003. Depuis cette période, au lieu de s’interroger sur ce qui ne fonctionne pas, nos ministres de l’intérieur se contentent d’opérations « coups de poing » qui ne démontrent pas leur efficacité.

La police de proximité avait été mise en œuvre par Lionel Jospin en 1998. Elle consistait à installer des policiers en uniforme dans les quartiers urbains, au contact permanent de la population, dans le but de prévenir la délinquance, répondre aux demandes locales de sécurité et instaurer une relation de confiance entre agents et citoyens.

Elle a été supprimée au motif que les policiers « n’auraient pas à faire du travail social », mais seulement courir après les criminels, oubliant l’aspect primordial de prévention de la délinquance par un contrôle social associant toutes les administrations présentes sur le territoire.

La loi actuelle (qui date de 2012) précise en effet que « L’extension à l’ensemble du territoire d’une police de proximité répondant aux attentes et aux besoins des personnes en matière de sécurité » fait partie « des orientations permanentes de la politique de sécurité publique » (article L 111-2 du code de la sécurité intérieure).

La présence d’une police nationale de proximité serait le meilleur moyen de développer des interactions importantes et efficaces avec les polices municipales, et une collaboration améliorée entre l’Etat et les maires, concernant la prévention de la délinquance, collaboration imposée par les lois.

Le narcotrafic est organisé au niveau international avec une puissance financière colossale qui est en train d’acquérir un pouvoir économique très inquiétant qui lui permet de contrôler de plus en plus de secteurs économiques comme certains commerces de proximité dans les centres urbains ou l’acquisition de logements.

La lutte doit maintenant s’organiser au niveau du contrôle financier des trafics et du blanchiment de l’argent de la drogue. C’est une lutte internationale qui doit être organisée comme la lutte contre le terrorisme, ce qui n’a rien à voir avec les opérations policières peu efficaces actuellement, au regret des policiers chargés d’opérations parfois dangereuses. Suivre l’argent de la drogue est une spécialité de police judiciaire en soi, mais elle nécessite de nombreux effectifs de police spécialisés ainsi que des juges d’instruction particulièrement formés.

La récente commission d’enquête sénatoriale a critiqué la politique actuelle qui est une impasse et fait des propositions importantes pour réorienter les politiques judiciaires, de police et de lutte contre le blanchiment à grande échelle de l’argent,  pour s’attaquer à la pieuvre internationale du narcotrafic. Un nécessaire sursaut : sortir du piège du narcotrafic – Rapport – Sénat ;

« Les trois principales recommandations de la commission d’enquête pour mettre la procédure pénale au niveau de la menace que représente le narcotrafic :

  • créer un parquet national anti-stupéfiants (Pnast), acteur spécialisé qui sera la référence sur le narcotrafic pour la sphère judiciaire et aura un monopole sur la gestion des « repentis » et des infiltrés « civils » ;
  • faciliter les infiltrations policières et le traitement des sources, et créer une infiltration « civile » par des informateurs devenus infiltrés ;
  • durcir la procédure pénale, avec notamment la création d’un dossier « coffre » pour les techniques spéciales d’enquête les plus sensibles…

 Les deux principales recommandations de la commission d’enquête pour faire face à la corruption, risque existentiel pour les institutions et les services publics :

  • mettre en place une organisation du travail rendant matériellement impossible la corruption des agents publics ;
  • lutter, avec des moyens techniques adaptés, contre l’usage illicite des fichiers de police.

Les deux principales recommandations de la commission d’enquête pour lutter de manière implacable contre tous les blanchiments :

  • systématiser les enquêtes patrimoniales et les enquêtes post-sentencielles, appuyées sur une approche globale du volet financier du narcotrafic impliquant à la fois les services d’enquête, les magistrats et l’administration fiscale ;
  • instaurer une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée ainsi qu’une procédure de gel judiciaire et de saisie conservatoire des biens des narcotrafiquants.

Les deux principales recommandations de la commission d’enquête pour lutter de manière implacable contre tous les blanchiments :

  • systématiser les enquêtes patrimoniales et les enquêtes post-sentencielles, appuyées sur une approche globale du volet financier du narcotrafic impliquant à la fois les services d’enquête, les magistrats et l’administration fiscale ;
  • instaurer une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée ainsi qu’une procédure de gel judiciaire et de saisie conservatoire des biens des narcotrafiquants.

De plus la commission d’enquête termine sur « un paradoxe…l’État fait beaucoup moins d’efforts de prévention contre la consommation de drogues que contre le tabac ou l’alcool. Une telle inertie est incompréhensible. »

Quelle est la répartition des compétences de police entre l’Etat et les collectivités territoriales ?

L’article de loi (L.111-1 du code de la sécurité intérieure) précise le rôle primordial de l’Etat : « La sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives.
L’Etat a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens.

Dans les communes où le régime de la police d’État a été instauré, comme à Grenoble, il incombe aux forces de police nationale d’exécuter les arrêtés de police du maire. Ce n’est plus au maire, mais au préfet, de réprimer les atteintes à la tranquillité publique. Il ne reste au maire, que la seule répression contre les bruits de voisinage.

La loi impose à l’Etat d’associer à la politique de sécurité qu’il mène « dans le cadre de dispositifs locaux dont la structure est définie par voie réglementaire, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les représentants des professions, des services et des associations confrontés aux manifestations de la délinquance ou œuvrant dans les domaines de la prévention, de la médiation, de la lutte contre l’exclusion ou de l’aide aux victimes. »

Dans ce cadre, c’est le maire qui arrête la composition du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), qui est présidé par lui ou son représentant.

A Grenoble le CLSPD se réunit deux fois par an en session plénière, pour définir les axes stratégiques et évaluer les actions engagées. Des groupes territoriaux se réunissent tous les mois dans chacun des 6 secteurs. Ils étudient les problèmes existants et apportent des réponses concrètes. Des groupes thématiques (commerces, errance, médiation, prévention de la récidive, …) sont également mis en place pour analyser et traiter des problématiques qui appellent des réponses sur le long terme.

Le Préfet et le Procureur de la République en sont membres de droit.

Il est composé de 3 collèges :

  • le collège des élu.es désigné.es par le Maire,
  • le collège des chefs de service de l’État et des personnalités qualifiées nommées par le Préfet en concertation éventuelle avec le Procureur de la République,
  • le collège des représentant.es des professions confrontées aux manifestations de la délinquance ou d’associations œuvrant dans le domaine de la prévention et de l’aide aux victimes, nommés par le Maire.

Il y a aussi la mise en place de médiateurs sociaux qui agissent dans les parcs et jardins ou dans les rues animées du centre-ville, ils peuvent déambuler en soirée sur l’espace public avec un objectif de tranquillité publique et d’amélioration du cadre de vie. Prévention de la délinquance – Grenoble.fr

Il est regrettable que le chef de l’une des oppositions municipales, ne demande que l’armement des policiers municipaux, en oubliant systématiquement qu’une autre intervention complémentaire de prévention santé et de lutte contre toutes les violences auprès des jeunes enfants et des jeunes, est sans doute plus efficace à moyen et long terme.

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