Le service public de l’énergie dans l’agglomération

Publié le 28 février 2025

Le 20 février, l’ADES a organisé une table ronde sur la politique énergétique dans l’agglomération. Autour de Marion Carroz spécialiste de longue date des questions énergétiques, se trouvaient Fabienne Mahrez, présidente d’Energ’Y Citoyennes, Alan Confesson, maire-adjoint de Grenoble, président de la Compagnie de chauffage, Vincent Fristot, maire-adjoint de Grenoble, président de GEG et Nicolas Kada, maire-adjoint de Grenoble, vice-président du CCAS.

Pour lancer la discussion, Marion Carroz présente une image des flux d’énergie dans la métropole en 2022 : dans sa partie gauche la production d’énergie primaire sous toutes ses formes, énergies qui vont être consommées localement (8,4 millions de MWh). La majorité des énergies consommées proviennent de l’extérieur de la métropole (importation de 7,1 millions de MWh).

La quasi-totalité de l’énergie est consommée dans le résidentiel, le tertiaire, l’industrie et les transports et on peut rappeler que pour les ménages, les émissions de gaz à effet de serre se trouvent en grande majorité dans le chauffage du logement, l’alimentation et les mobilités. Il est donc essentiel que les politiques choisies pour diminuer les gaz à effet de serre aient l’impact le plus faible sur les ressources des ménages en premier lieu sur les plus fragiles, ce qui exige une vision sociale dans les choix à faire.

C’est pourquoi au cours de la table ronde une discussion s’est ouverte sur la tarification aux usagers des énergies qui n’est pas satisfaisante : il ne peut y avoir de tarification sociale comme pour les cantines, les transports en commun ou l’eau car il faudrait pour cela changer la loi.

En conclusion de cette table ronde : pour un futur mandat à la Métropole, il faudrait acter la neutralité carbone en 2040 pour le territoire (pour 2050 au plan national), et réduire la consommation d’énergie par des mesures fortes, notamment doubler les objectifs Mur-Mur en adoptant un objectif d’au moins 5000 logements rénovés au niveau BBC (Bâtiment basse consommation). Mais aussi créer un opérateur de tiers investissement (contractualiser des travaux avec remboursement sur le long terme) et accélérer l’utilisation de la SPL OSER pour les bâtiments publics. SPL-OSER. Ceci suppose des choix importants pour les futurs budgets métropolitains.

Nos parlementaires devraient intervenir pour que les services publics de l’énergie puissent pratiquer de vrais tarifs sociaux aidés par l’Etat, au lieu de proposer des chèques énergie.

Voici un résumé des interventions :

Fabienne Mahrez a présenté la démarche d’Energ’Y Citoyennes qui produit de l’électricité renouvelable dans l’agglomération et développe des petits réseaux de chaleur décentralisés, ainsi que des conseils pour la maitrise de l’énergie et la lutte contre la précarité énergétique

Il s’agit d’une société coopérative (et d’une association) qui a été fondée en septembre 2016 en associant auxinvestissements des habitants ceux des collectivités et des acteurs de la transition énergétique, afin de répondre collectivement aux ambitions du Plan Air Énergie Climat de notre territoire et donner du sens à la vie de la cité.

Les fondateurs sont : Grenoble-Alpes Métropole, communes de La Tronche, Grenoble, Eybens, Echirolles et Saint-Égrève, Agence Locale de l’Énergie et du Climat, Enercoop Auvergne-Rhône-Alpes, Énergie Partagée. La société a 503 partenaires associés dont 477 citoyens qui ont souscrit des parts. Voir sur le site internet tous les enseignements utiles, notamment comment souscrire des parts

Energ’Y Citoyennes est spécialisé dans l’implantation de centrales solaires de petite et moyenne taille. La plus grosse installation va se faire sur la toiture du Marché d’Intérêt national à Grenoble avec une puissance crête de 320 kW. On trouve sur le site la liste des installations dont les plus petites démarrent à 8 kWc.

Pour les petites chaufferies bois, Energ’Y citoyennes travaille avec ForestEnr avec 6 réalisations sur les communes de Quaix en Chartreuse, Sassenage (x2), Varces-Allières-et-Risset), Gières et Domène.

Fabienne Mahrez a développé tout l’intérêt de la mobilisation citoyenne pour changer nos rapports à la consommation d’énergie et pratiquer la sobriété pour diminuer nos consommations, ce qui ne va pas de soi, et aider à lutter contre la précarité énergétique.

Alan Confesson a résumé le programme du Nouveau Front Populaire (de juin 2024) sur l’énergie, car il faut absolument lier les politiques locales à la politique nationale. Le NFP propose un programme de transition écologique qui tend à une production d’énergie décarbonée au niveau national. C’est important de rappeler ces objectifs au moment où le gouvernement Bayrou abandonne l’écologie et la transition énergétique.

« Entamer la planification écologique • Faire voter une loi énergie-climat • Inscrire le principe de la règle verte • Mettre en place un plan climat visant la neutralité carbone en 2050 • Assurer l’isolation complète des logements, en renforçant les aides pour tous les ménages et garantissant leur prise en charge complète pour les ménages modestes • Accélérer la rénovation des bâtiments publics (écoles, hôpitaux, etc)

L’ÉTÉ DES BIFURCATIONS : • Renforcer la structuration de filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables (de la fabrication à la production) • Faire de la France le leader européen des énergies marines avec l’éolien en mer et le développement des énergies hydroliennes • Revenir sur la fusion entre l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) • Refuser la privatisation des barrages hydroélectriques et de Fret SNCF • Adopter un plan national d’adaptation au changement climatique notamment pour les infrastructures et les protections des personnes et de leurs biens (prise en charge facilitée des dommages liés au retrait-gonflement des argiles, droit à l’assurance). Définir les seuils maximaux de températures pour les travailleurs et travailleuses en cas de fortes chaleurs »

Il a présenté la politique du chauffage urbain dans l’agglomération. Après de longues années dans une gestion illégale, la mobilisation citoyenne a permis de remettre dans le droit chemin ce service public très important pour la transition écologique. Des investissements très importants dans les différentes centrales gérées par la Compagnie de chauffage vont permettre de passer de 80 % d’énergies renouvelables (essentiellement la biomasse) et de récupération (incinération des déchets ménagers) à 100 % en 2030. Il s’agit de se passer définitivement du charbon et donc d’adapter les centrales à l’incinération de différents types de bois.

Le gros avantage du chauffage urbain grenoblois, en plus d’être très peu carboné, c’est son tarif qui dépend peu de la dérive des coûts des énergies grâce notamment à la récupération de la chaleur provenant de l’incinération des ordures ménagères à Athanor.

Vu le changement climatique, il est important que le chauffage urbain trouve de nouveaux débouchés pour que son équilibre économique soit sauvegardé. Il y a un projet d’alimenter des immeubles collectifs à Fontaine. A noter que lorsque la compagnie de Chauffage fait d’importants bénéfices, une partie est rétrocédée aux usagers.

Alan Confesson rappelle qu’il était prévu après 2014 de transformer la SEM CCIAG en régie à personnalité morale, ce qui ne s’est pas fait. Et aussi de faire évoluer l’actionnariat privé car l’actuel est parfois en concurrence avec la SEM sur certains contrats, cela n’ayant pas été fait par manque de volonté politique métropolitaine. Depuis le changement de majorité à Grenoble en 2014, le directeur général de la SEM CCIAG (comme pour la SEM GEG) est désigné par les actionnaires publics, alors qu’auparavant il était désigné par l’actionnaire privé. Il y a maintenant la volonté de gérer le chauffage urbain comme un vrai service public.

Vincent Fristot a insisté sur les efforts de diminution des consommations d’énergie par la commune de Grenoble depuis de longues années. Une telle politique n’est efficace que si elle est menée sur le long terme et s’intéresse à tous les domaines.

Ci-dessous un graphique sur les évolutions des consommations d’énergie annuelles du parc des bâtiments communaux, de l’éclairage public, de la flotte de véhicules de la ville de Grenoble (corrigée des variations de météo entre 2010-2020) : éclairage Public : -72 % entre 2005 et 2023, électricité spécifique -35% et pour le chauffage -35 % en données corrigées météo mais – 45 % en données brutes de consommation réelle.

Il rappelle que le chauffage représente 80 % de l’énergie du secteur du bâtiment, premier secteur de consommation d’énergie en France et qu’on sait construire des habitations passives sans chauffage.

Dans les économies d’énergies, il est essentiel de pratiquer à la fois sobriété et efficacité.

La sobriété est une action volontaire pour mettre en adéquation un besoin et une solution adaptée, par exemple : l’extinction de la publicité, la diminution de la vitesse, l’interdiction de chauffer les terrasses et dans le logement faire les bons gestes. L’efficacité est le remplacement par des techniques nouvelles, par exemple les LED pour l’éclairage public ou domestique. Un grand plan de sobriété a été mis en place dans les bâtiments de la ville de Grenoble, comme l’éclairage public modulé : en 2023 on observe – 25 % de consommation sur 2 sites de bureaux, à l’hôtel de ville et à Camille Claudel (1000 agents au total) avec une inversion de la logique : au lieu de chauffer indifféremment tout le temps, préchauffage les bâtiments en début de journée puis arrêt. C’est le chauffage à la demande par salle ou bureau, ce qui marche très bien.

La Ville investit en photovoltaïque sur le parc municipal. Actuellement c’est 6 % de l’électricité consommée par les bâtiments municipaux produite sur les toitures, ce sera 16 % dans 2-3 ans.

Exemple d’efficacité énergétique, les pompes à chaleur eau/eau comme à la Presqu’Ile : le chauffage urbain n’était pas adapté à cause de la bonne isolation thermique des nouveaux bâtiments, et désormais un réseau d’exhaure collecte les eaux rejetées par les pompes à chaleur qui rafraichissent en été et chauffent en hiver.

Il rappelle que pour tout projet d’économies d’énergie, il est utile de contacter l’ALEC, qui a la mission d’informer le public. Dans le cadre du service public de l’efficacité énergétique (SPEE) cette SPL s’occupe des programmes MurMur : isolation des maisons, des copropriétés et des bâtiments des TPE-PME. Mais le rythme actuel des rénovations de haute qualité (bâtiment basse consommation) n’est pas assez rapide pour être dans la trajectoire des accords de Paris. Créée sous le statut associatif en 1998 par la communauté de communes Grenoble Alpes Métropole, grâce à l’appui des élus de l’ADES, l’ALEC (Agence Locale de l’Energie et du Climat) est devenue une Société Publique Locale depuis 2020 avec 49 actionnaires (Métro, SMMAG et communes).

Décarboner l’électricité sans déchets légués aux générations futures est une priorité, pour cela le choix des énergies renouvelables est le bon choix : faibles coûts, vitesse de déploiement, variété de filières qui profitent aux territoires dans une décentralisation énergétique (plutôt que d’importer des fossiles), production de biométhane et la cogénération électricité-chaleur comme à Athanor et la Poterne.

Vincent Fristot rappelle que GEG a diversifié sa production d’électricité, à la fin des années 1990. Dans un premier temps la société a développé l’hydraulique et réalisé une ferme éolienne à Rivesaltes.

Récemment en 2015-2016, un premier programme d’investissements de 150 M€ a permis de produire 350 GWh/an d’énergies renouvelables – solaire, éolien, hydraulique et bio-méthane – l’équivalent de la consommation des habitants de Grenoble et des petits professionnels. Maintenant le nouvel objectif est d’atteindre 600 GWh/an en 2030, soit 200 M€ d’investissements supplémentaires dédiés aux activités de production, 5 projets livrés par an dans toutes les filières.

Il est essentiel que les énergies renouvelables garantissent un prix fixe à l’avenir pour en faire un véritable bouclier énergétique pour les usagers.

Nicolas Kada, présente le Pôle Inclusion Financière du CCAS de Grenoble qui s’adresse à tous les locataires, propriétaires, hébergés à Grenoble pour les aider lorsqu’ils sont en difficulté pour boucler les fins de mois notamment pour payer le chauffage ou l’électricité, les charges du logement… Contact email.

La lutte contre la précarité énergétique, c’est aider à maitriser ses dépenses et améliorer le confort. Actuellement ce sont 300 ménages en précarité énergétique qui sont aidés.

Le CCAS de Grenoble peut :

  • donner des conseils de maitrise de l’énergie,
  • réaliser une visite sociotechnique au domicile (observation du bâti, des équipements électroménagers, explication des factures, conseils personnalisés, installation de petits matériels économes, etc.),
  • accompagner les ménages (médiation avec le bailleur, recours chèque énergie, orientation aide financière, etc.).

Pour obtenir l’accompagnement du Pôle Inclusion Financière il faut résider à Grenoble et être confronté à :

  • des consommations énergétiques élevées (électricité, gaz, eau)
  • et/ou une restriction de chauffage
  • et/ou des factures d’énergie impayées
  • et/ou des difficultés financières
  • et/ou des problèmes liés au bâti (isolation, etc.)

Pour contacter la « Plateforme de lutte contre la précarité énergétique » du CCAS : tél. 04 76 69 46 26 et courriel.

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