Rénovation des colonnes montantes d’électricité, le serpent de mer…

Publié le 16 juin 2017

Le médiateur national de l’énergie a rendu son rapport d’activité pour l’année 2016. Il fait le point sur la progression de la précarité énergétique, l’expérimentation du chèque énergie, le déploiement des compteurs communicants et sur le serpent de mer qui est la rénovation des colonnes montantes d’électricité. La loi imposait qu’un rapport du gouvernement sur les colonnes montantes devait être remis aux parlementaires au plus tard en août 2016. Il a été remis au président du Sénat fin avril 2017 mais n’a pas encore été rendu public.

Cette question est d’actualité car de nombreux litiges entre copropriétés et distributeur d’électricité (ENEDIS ou GEG) sont en cours et la justice hésite pour déterminer qui doit payer la rénovation de ces colonnes montantes : le distributeur considérant que le service public va jusqu’au compteur ou le propriétaire de l’immeuble s’il n’a pas cédé la propriété de ces colonnes au distributeur. Par exemple à Grenoble la majorité des colonnes montantes ne font pas partie de la délégation de service public à GEG.

« LA RÉNOVATION DES COLONNES MONTANTES EN SUSPENS

Dans les litiges de raccordement, une question particulière continue de susciter de nombreuses réclamations depuis plusieurs années : la rénovation des colonnes montantes d’électricité, ces câbles et canalisations qui acheminent l’énergie entre le réseau public situé sur la voirie et chaque logement d’un immeuble. En 2016, le médiateur a été saisi de 70 litiges liés à l’entretien des colonnes montantes par des consommateurs ou des syndics de copropriété – contre 59 en 2015 et 13 en 2013. C’est souvent la demande d’une augmentation de puissance pour un appartement ou la pose d’un compteur supplémentaire, qui révèle leur vétusté. Les distributeurs, et le principal d’entre eux Enedis, refusent de procéder à ces opérations, tant que la colonne n’est pas remise aux normes. Le besoin de rénovation est aussi détecté lors d’un incident sur la colonne, comme un départ de feu. Mais qui doit supporter la prise en charge des travaux, entre 10 000 € et 20 000 € par colonne et par escalier ?

En principe, la responsabilité de l’entretien des colonnes montantes incombe à leur propriétaire. C’est sur la preuve de la propriété que se noue le casse-tête juridique. Selon les chiffres d’Enedis, le parc actuel est d’environ 1,5 million de colonnes, dont 800 000 sont hors concession, soit 52 % qui appartiennent toujours aux propriétaires des immeubles. Un décret de 1946 a décidé qu’elles sont incorporées au réseau de distribution, sauf volonté expresse des propriétaires de les conserver. En 2016, le contentieux juridique s’est développé sans apporter de repères juridiques stables.

« La jurisprudence est divisée mais nous observons que les décisions de justice sont globalement plus favorables au gestionnaire de réseau qu’aux copropriétés, relate Pierre Sablière, consultant en droit de l’énergie auprès du médiateur. Tant que la Cour de cassation n’a pas été saisie, nous demeurons dans une impasse. »

Plusieurs éléments contribuent à l’enlisement de la situation, dont l’échec de la médiation. Les recommandations tendant à la prise en charge des travaux de rénovation par Enedis ne sont pas suivies, sauf dans de rares cas où des documents ont attesté, de façon incontestable, l’appartenance de la colonne au réseau public. Enedis, qui s’était engagé à réaliser un inventaire précis du nombre de colonnes montantes incorporées à la concession, n’a encore rien produit ; un arrêté du 21 avril 2016 contraint l’entreprise à le dresser mais il ne sera exigible qu’à compter du 1er janvier 2018. Le rapport du gouvernement sur les colonnes montantes – nombre d’installations à mettre en conformité, coût de cette rénovation, solutions de financement – devait être remis au Parlement un an après l’adoption de la loi de transition énergétique, soit en août 2016. Il a été remis au président du Sénat en avril 2017 mais n’a pas été rendu public pour l’instant.

Le médiateur plaide pour une solution pragmatique sous l’égide du Parlement, afin de mettre un terme à l’insécurité juridique et même matérielle grandissante sur ces questions. Compte tenu de la vétusté de certaines colonnes montantes, le risque d’un accident dramatique ne peut être écarté. Le coût de la rénovation de 300 000 colonnes montantes qui ne sont pas aux normes, estimé entre 5 et 6 milliards d’euros, pourrait être pris en charge par un financement tripartite entre les copropriétés, les gestionnaires de réseaux et les collectivités locales, propriétaires des ouvrages de distribution d’électricité, selon une répartition qui reste à définir. Le Défenseur des droits, lui aussi, saisi par des copropriétés sur ce sujet, s’est rallié à cette proposition que le médiateur a formulée dès 2014.

« Il semble assez normal que les autorités concédantes participent à l’effort financier puisque la remise en état va augmenter la valeur de leur actif », estime Pierre Sablière.

Un signe encourageant a toutefois été noté avec la signature, le 14 avril 2016, de l’accord entre le

Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour les Énergies et les Réseaux de Communication (SIPPEREC), autorité concédante regroupant 82 communes de la banlieue parisienne, et Enedis, afin de prolonger pour dix ans le contrat de concession pour la distribution publique de l’électricité sur ce territoire. Il est assorti d’un certain nombre d’engagements de la part du distributeur, dont l’un porte sur la rénovation des colonnes montantes qui ne sont pas supposées appartenir à la concession. Le SIPPEREC s’est engagé à assurer, en maîtrise d’ouvrage, la remise aux normes des colonnes d’avant 1995, au rythme prévu de 500 installations par an. Le coût de la rénovation est partagé par le Syndicat et Enedis, au titre de ses investissements dans le réseau. Malgré cette avancée locale, le médiateur en appelle au législateur pour intervenir rapidement sur le sort des colonnes montantes au niveau national.

Par ailleurs, des recherches menées par Pierre Sablière aux Archives nationales ont permis de retrouver, début 2017, les travaux préparatoires du décret de 1946 qui, dans son exposé des motifs, conforte la présomption d’appartenance des colonnes montantes au réseau public de distribution. »

Pour lire le rapport complet, cliquez ici.

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